L'employée aux écritures

le blog de Martine Sonnet – ISSN : 2267-8735

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"Le problème de la nuit reste entier. Comment la traverser, chaque fois la traverser tout entière ?" Henri Michaux

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Montparnasse monde transformable

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Il faudra se souvenir de comme elle était, cette gare, puisque ils ont décidé de nous la transformer sans trop nous demander notre avis. Et de commencer par ICI, disent-ils, et ICI est un escalier enchâssé entre deux volées d’escalators ; escalier dont les marches suspendues dans le vide parfois tremblaient sous nos jambes de gens trop pressés pour nous en remettre à leurs versions mécaniques, toujours susceptibles d’entrave par deux bavards jaloux de ne pas se céder l’un l’autre un pouce de hauteur. Le chef des travaux de la gare  nous donne rendez-vous en septembre pour tout nous expliquer – soit – mais se doute-t-il qu’il entame ce faisant la quiétude de notre été ? Personnellement, un peu consolée, tout de même, à l’idée que les temps approchent de la révélation au grand jour et à la face du Montparnasse monde de l’utilité de mon entreprise solitaire d’archivage de cette gare en mots et en images, telle qu’en son état des années 1980-2000, jusqu’à sa moindre prise électrique. Dans son jus, pas partout ragoûtant certes, d’avant transformation.

Pour mémoire (et il en faudra) :  Montparnasse monde c’est une série sur ce blog depuis 2008 et aussi un livre discrètement paru en 2011.

Filed under Montparnasse monde
juil 1, 2017

Boîtes à lettres mortes

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Que je n’aime pas ces outrages, ces fins de non recevoir opposées, à grand renfort de scotch maison, à nos belles lettres ! Moi toujours à attendre le passage du facteur et déçue à chaque fois que j’ouvre une boîte vide, moi maniaque du courrier sous toutes ses formes et à titre personnel comme à celui d’historienne faisant souvent son miel d’échanges épistolaires de longue date décachetés. Je souffre avec ces deux boîtes, becs cloués, de la grande Poste du boulevard du Montparnasse que la mainmise d’un promoteur sur le bel édifice commandé à l’architecte Michel Roux-Spitz à la fin des années 1940 par  l’administration du TELEGRAPHE POSTE TELEPHONE, pour y loger sa direction parisienne, a condamné à leurs dernière levée. La cachet de la Poste n’est plus ce qu’il était.

PS  : ce mercredi un complément historique illustré de ce billet nous est gracieusement offert par Pendant le week-end.

juin 12, 2017

Glissements progressifs des au-revoir dans le langage courant

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Longtemps un simple “au-revoir” a accompagné au quotidien nos séparations. Pour les grandes occasions et autres fins de joies collectives (à fuir) il y avait cette chanson tire-larmes disant que ce n’était qu’un au-revoir mes frères etc. et nous regardions de travers ceux qui usaient du grandiloquent “adieu”. Et puis est venu le temps du “à bientôt” : on commençait à ne plus supporter de se séparer sans fixer un terme à la séparation. Le “à bientôt” s’est dit et écrit partout, dans toutes les formes de congés que l’on prenait les uns des autres. Mais “bientôt” c’était encore un peu loin, alors s’est imposé, avec la même universalité des supports, le “à très bientôt”, plus rassurant. J’ai constaté, ces derniers temps, que le “à très vite” qui rapproche encore le terme des retrouvailles progresse à grand pas. “A très vite” permet de partir chacun de son côté tout en restant quelque part attaché à l’autre (un peu le principe de la balle de jokari au bout de son élastique qu’on ne risque pas de perdre). Je me demande de quoi nous avons tellement peur à chaque fois que nous nous quittons et quelle sera la prochaine formule qui exprimera l’insupportable de toute séparation, fût-elle la plus brève. Deviendrions-nous une espèce de plus en plus grégaire ?

juin 3, 2017

D’un rêve d’avant colloque

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Rare que L’employée aux écritures évoque ici ses rêves, souvenir d’un seul ayant fait l’objet d’un billet, une histoire de chaussures noires qui me valut en son temps beaucoup de visites d’internautes en quête du sens de leurs propres rêves avec chaussures noires.

Or il se trouve que je participais vendredi 26 et samedi 27 mai au colloque “La fabrique des transclasses” organisé par les philosophes Chantal Jaquet et Gérard Bras à l’université Paris I Panthéon Sorbonne ; Chantal Jaquet étant l’auteure d’un très éclairant et subtil ouvrage sur la question paru aux PUF en 2014 : Les transclasses ou la non-reproduction. Ce colloque interdisciplinaire réunissant principalement des philosophes, des psychanalystes et des sociologues s’ouvrait aussi largement aux récits singuliers, côté intervenants comme côté public. J’ai l’habitude des colloques mais je crois n’avoir jamais participé à un événement universitaire de ce type atteignant des deux côtés, tribune et salle, cette qualité égale des prises de parole, cette implication personnelle et ce niveau d’intensité des échanges. Ceci n’étant pas étranger, bien sûr, au fait que ce dont nous parlions concernait directement la plupart des personnes présentes dans la salle, des deux côtés.

Depuis janvier, quand l’invitation s’était précisée (merci encore à Chantal Jaquet et à Gérad Bras) et qu’il m’avait fallu fournir le titre de mon intervention, l’affaire me préoccupait. J’avais laborieusement forgé un intitulé – “Elargir le cercle : et si le voyage n’était pas solitaire ?” – en contournant le mot transclasse que, comme tous les mots bâtis sur le préfixe “trans” je ne trouve pas très beau (sauf transsibérien). J’aurais tendance à lui préférer “passe-classe” que l’on trouve aussi dans l’ouvrage de Chantal Jaquet, pour sa connotation passe-muraille, assez bien dans le sujet.

Sans savoir alors au-delà du titre ce que je pourrais bien dire fin mai, j’y pensais de façon de plus en plus obsessionnelle au fil des mois, lisais sur la question et notais en vrac les idées qui me venaient à la page “semaine 21″ de mon agenda. De ces notes  j’ai finalement bâti, pas du tout en théoricienne de la chose mais du seul petit bout de ma lorgnette, un topo insistant sur 4 points : la visibilisation par l’écriture, l’absence de choix face au non-reproductible, le passage d’une classe à une autre comme co-production de vivants et de morts, enfin qu’en matière de cursus et de carrière, les choses n’étant pas égales par ailleurs, les aboutissements ne le sont pas non plus.

J’en viens au rêve fait dans la nuit de jeudi à vendredi, soit au cours de la nuit précédant mon intervention au colloque. Ma famille au complet sur quatre générations, de mes parents à leurs arrières-petits-enfants, se trouvait réunie à l’occasion d’un événement non identifié, cohabitant pour quelques jours dans une maison trop petite pour contenir tout le monde. C’était, par exemple, un peu compliqué d’organiser les repas et l’on se bousculait sans cesse. Tout cela dans la bonne humeur mais je me demandais vraiment pourquoi s’entasser tous là pareillement alors que, pas bien loin, nous disposions d’une deuxième maison, complètement inhabitée celle-là…

Vendredi, pour la première fois, mon intervention dans un colloque s’est ouverte par le récit d’un rêve.

Filed under la vie tout venant
mai 29, 2017

Poétique de la voirie (6)

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La ville me parle*

la campagne ne me dit rien

motus et

cousue.
*me gueule dans les oreilles parfois
mai 28, 2017

Des goûts, des couleurs et de la vie conjugale

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Je ne sais si c’est un effet de mon mauvais esprit mais entre les lignes de ce cartel je crois lire comme l’écho d’une revanche ; une petite victoire posthume qui n’empêchera personne de dormir. Monsieur et Madame n’auraient jamais été d’accord en matière de décoration d’intérieur et Madame aurait enfin eu le dernier mot. En l’occurence emporté le morceau de taffetas broché. De leur vivant-même Monsieur et Madame faisaient chambre à part : chacun sait que des goûts et des couleurs… Quant à la correction de l’expression, il me semble que “décorée par Madame après la mort de celui-ci” aurait été moins ambigu.

Filed under variétés
mai 22, 2017

En passant par la rue Poulletier

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Passant hier par la rue Poulletier, dans l’île Saint-Louis, pour rejoindre sur le quai d’Anjou l’hôtel de Lauzun où se tenait le colloque Paris et ses peuples : sociabilités et cosmopolitismes urbains au siècle des Lumières, au numéro 5 bis, je repère cette porte verte, peinte de frais,

et m’émeut en déchiffrant l’inscription au fronton, Dieu merci conservée,

parce que les écolières de la charité de la paroisse Saint-Louis-en-l’Ile et leurs maîtresses (des soeurs de Saint-Vincent-de-Paul, dans la place depuis 1658), je ne connais qu’elles. Je les ai tellement fréquentées, à fureter dans leurs archives, quand j’écrivais ma thèse sur “L’éducation des filles à Paris au XVIIIe siècle” ! Il était 9 heures du matin quand j’ai pris ces photos et je n’ai croisé personne, ce n’était par leur heure : les écolières de la charité venaient là de 8 à 11 le matin et de 2 à 4 l’après-midi en hiver, de 2 à 5 en été. Un décalage horaire saisonnier pour ne pas livrer les fillettes à la nuit trop noire. Principe de précaution (déjà).

Deux classes dans l’école : La première sera composée d’enfants d’environ sept ans et au-dessous auxquelles on apprendra les éléments du catéchisme, à connaître les lettres, à épeler et à former les lettres. La deuxième des filles au-dessus de cet âge, dans laquelle on apprendra le catéchisme, à lire en français et en latin, à écrire et à compter tant aux jetons qu’à la plume. Un programme, édicté par le Règlement pour l’école de charité des filles de Saint-Louis-en-l’île imprimé chez Josse en 1713, auquel souscrit le curé de la paroisse quand il demande à la maison mère des Filles de la Charité de lui envoyer une nouvelle institutrice : J’espère que vous nous choisirez une fille habile et entendue, qui puisse montrer à nos enfants la lecture et l’écriture avec l’arithmétique pour les pouvoir apprendre à compter et à jeter. Je ne vous parle pas de catéchisme et des instructions chrétiennes car vous savez bien que c’est ce qui doit marcher avant toutes choses (1716, AN S 6160).

Quant aux fillettes, même si le Règlement, en son article IX, précise On ne recevra à l’Ecole de charité que les filles des Pauvres et les écolières seront exclues lorsque les parents auront le moyen de les mettre aux autres écoles qu’à celle de Charité ce ne sont tout de même pas les plus démunies du quartier : tout simplement parce qu’il faut que la subsistance familiale puisse se passer, au moins temporairement, de l’appoint du menu gain d’un travail enfantin.

Je n’avais pas l’usage quotidien de la photographie, qui est devenu le mien grâce aux prodigieux outils dont nous disposons désormais, quand je travaillais sur ma thèse. Aussi, les traces dans la ville des lieux que je visitais alors “en archive” je ne les ai jamais collectées. Mais il n’est pas trop tard pour le faire et la prochaine fois que je passe à l’angle des rues de Vaugirard et Bonaparte, je photographie les quatre colonnes du jardin des filles de l’Instruction chrétienne que j’ai à l’oeil depuis longtemps.

Additif : la porte avant repeinture est à voir dans le billet Oublier Paris #69, complément, savamment illustré comme toujours, de Piero de Belleville que L’employée aux écritures remercie et félicite pour son espièglerie.

mai 20, 2017

Le temps retrouvé c’est une banque

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J’ai souvent, dans les années 1980, acheté au “Temps retrouvé” mes agendas, ce qui me semblait logique et de bon augure. Mais voilà que cette antique librairie-papéterie de la rue Saint-Jacques, tout près du croisement avec la rue Soufflot (sur la droite en regardant dans la direction de Saint-Jacques-du-Haut-Pas), fermée, local à l’abandon, depuis belle lurette, se convertit en banque, par capillarité avec l’établissement qui la jouxte. Il me semble ne pas l’avoir vue ouverte, avec ses bacs à livres sur Paris et ses présentoirs à cartes postales sur le trottoir, depuis que je suis revenue travailler dans ce quartier en 2008 (mais je me trompe, voir ci-dessous et surtout ici). Elle fonctionnait en revanche lors de ma première période d’activité dans les parages, de 1981 à 1989. Le seul livre que je suis sûre d’avoir acheté là – soldé ? – c’est un Paris au fil du temps : atlas historique d’urbanisme et d’architecture, par Pierre Couperie (Joël Cuénot éditeur) toujours avec moi et que je consulte encore. Dans la même collection, plus tard et ailleurs, je m’étais procuré le volume consacré à Rome après y être allée pour la première fois au printemps 1985 à l’invitation de l’Ecole française. Tout ceci pour dire que si l’on savait déjà que le temps c’est de l’argent, le temps retrouvé c’est encore plus d’argent, c’est même une banque. Normal :  les intérêts ont couru tout leur soûl.

Additif correctif :  le billet complémentaire illustré du blog ami Pendant le week-end remet les pendules à l’heure : “Le temps retrouvé”sous forme de librairie à l’enseigne bien lettrée n’a fermé qu’en 2012.

mai 17, 2017

Association d’images, association d’idées

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C’est comme ça : cette poêle salement amochée chue, un de ces jours derniers, sur le trottoir de la rue Saint-Jacques (sous les fenêtres de la résidence étudiante de l’école des Mines

m’a irrésistiblement rappelé cette installation photographiée (avec mes excuses à l’artiste, pas en entier, seulement un bout de table, tout ne rentrait pas dans mon téléphone) lors de ma visite de la récente et passionnante exposition Kollektia !Art contemporain en URSS et en Russie, 1950-2000.

“La Cène”, Andrei Filippov, 1989.

mai 10, 2017

D’un magasin spécialisé disparu

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Dans l’arrondi, entre rue Saint-Dominique et boulevard Saint-Germain, en lieu et place de ce si voyant magasin de chaussures pour enfants, tellement trop blanc, il y en a eu longtemps un autre qui, si je ne me trompe, avait pour seule enseigne “VETEMENTS POUR PAYS CHAUDS”. Il ne s’appelait pas autrement. Et de l’autobus 94 dans lequel je me trouvais allant à, ou revenant de, mon bureau alors situé du côté du boulevard Haussmann, j’en regardais les étalages, perplexe, me demandant à partir de quelle durée de séjour il devenait pertinent de se vêtir (sans aucun doute fort coûteusement) à cette adresse en vestes sahariennes, bermudas et autres chemisettes couleur sable aux plis impeccablement repassés et aux multiples poches. Poches de tous formats et sous toutes les coutures : à se demander s’ils les remplissaient toutes, une fois là-bas, les acheteurs de “VETEMENTS POUR PAYS CHAUDS”. J”ai rêvé ou les mannequins des deux sexes qui habitaient, étés comme hivers, légèrement vêtus, les vitrines de la boutique étaient coiffés de casques coloniaux ? En tout état de cause, je ne crois pas que dans la ville, à un autre coin de rue, il y ait jamais eu de magasin à l’enseigne “VETEMENTS POUR PAYS FROIDS”, ou alors pas sur le parcours de mes autobus habituels.

PS : le tout petit pan de mur jaune, sur la rue Saint-Dominique, extrême gauche du cadre à hauteur de la voiture grise, c’est le mur d’enceinte de l’hôtel particulier qu’habitait sous le Second Empire Caroline Brame, avec son père. Son journal intime a été publié en 1985, j’en avais rendu compte dans Le mouvement social. Je pense toujours aussi à elle et à son triste destin quand je passe par là.

mai 8, 2017

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