Isocèle ?
Equilatéral ?
Carré de l’hypoténuse ?
Avec épicentre : sûr et certain
le blog de Martine Sonnet – ISSN : 2267-8735
"Le problème de la nuit reste entier. Comment la traverser, chaque fois la traverser tout entière ?" Henri Michaux
Isocèle ?
Equilatéral ?
Carré de l’hypoténuse ?
Avec épicentre : sûr et certain
Sang de la vigne
perdu en route
vengeance tardive ?
Peau de pub écorchée
sous les néons dénudés
la ville et son ciel
L’ESSENTIEL
Emprunter
l’empreinte.
Sur le pavé
CIEL BLEU
(juste une miette)
S’il voulait aujourd’hui prendre pour point de départ, comme en 1927 aux premières lignes de Nadja, l’Hôtel des grands hommes place du Panthéon, André Breton serait bien en peine : celui-ci reste fermé depuis le confinement. Fermé, barricadé, comme beaucoup d’hôtels parisiens, la ville s’étant durablement délestée de sa haute fréquentation touristique et d’affaires habituelle, pour les raisons que l’on sait et pour l’heure sans perspective de retour à la normale. C’est quelque chose qui me tracasse tous ces hôtels fermés lorsque je passe devant leurs entrées et vitrines condamnées, laissés à la garde de sociétés de surveillance. Je pense aux chambres vides, aux lis faits non défaits, aux piles de linge de toilette resté plié, aux couloirs déserts, aux salles de petits déjeuners sans effluves de café ni de pain grillé. Je me souviens qu’au temps où j’arrivais chaque matin dans Paris par la gare Montparnasse et en rejoignais le boulevard en coupant par la rue Delambre, j’avais toujours cette curiosité pour les salles de petits déjeuners et leurs occupants offerts à la vue des passants en rez-de-chaussée des hôtels se succédant dans cette rue. Touristes – à l’heure qui était celle de mon passage ceux pour affaires déjà à leurs affaires – pas forcément bien réveillés, mal remis de leur Paris by night de la veille, non encore tout à fait habillés pour sortir, indécis sur l’emploi de leur journée, dans un entre deux donnant à voir des miettes de leur intimité. Que des hôtels parisiens restent portes closes et paillassons plus ou moins étoilés remisés ne devrait pas me troubler plus que cela maintenant que j’habite à l’intérieur du périphérique, j’ai où dormir, peu de risque que j’aie besoin de leurs services et room services, au demeurant mes moyens ne me permettraient pas de me loger de la sorte bien longtemps, mais néanmoins je le ressens comme un empêchement de vivre la ville dans sa plénitude, comme une atteinte à son hospitalité*.
* Quand bien même les tarifs hôteliers pratiqués dans la capitale ne sont pas vraiment hospitaliers.
Pour compléter une typologie en cours (*)
Elégant doublé art nouveau
géométrie circulaire sans fioritures
graphie échappée d’un étrange alphabet
enguirlandée de fleurs de lys
sobre mais pratique : tient lieu de petite porte avec charnières et serrure.
Tant de fauteuils à tendre leurs bras
en pure perte
et sans talent
Christo n’en saura rien (et c’est tant mieux)
Du mardi 5 mai au dimanche 10 mai 2020, avec vues sur rue, sur cour ou sur intérieur.
Mardi sur la rue
la grande soif des jardinières aux fenêtres de ceux qui sont partis fait peine à voir.
Mercredi sur l’intérieur
vérifier quand même que dans cette histoire de 2,5kg/personne on compte pour du beurre.
Jeudi sur la rue
si les mardis, jeudis, samedis, autour des étals du marché, se dansera un bal masqué ?
Vendredi sur la cour
rêve éveillé : imaginer nos enfants mêlés à ceux d’en bas (mais ils ont bien passé l’âge).
Samedi sur la rue
rideaux de fer à demi levés : états des stocks, serpillères et balais, et dérouiller les tiroirs-caisses.
Dimanche sur l’intérieur
clore ici la dernière livraison hebdomadaire de notes confinées quoi qu’il advienne du déconfinement.
Du mardi 28 avril au lundi 4 mai 2020, avec vues sur rue, sur cour ou sur intérieur.
Mardi sur la rue
toute averse venant reverdir les platanes est source d’espoir.
Mercredi sur la cour
diversification des jeux : apparition d’un croquet et de quilles de bois numérotées.
Jeudi sur l’intérieur
vert, rouge, alerte orange, que chacun voie l’épidémie à sa porte.
Vendredi sur la rue
disparus le fournisseur de muguet communiste français et ses concurrents de sauvette.
Samedi sur l’intérieur
exhumer les pinces à cheveux des vies antérieures qu’on croyait enfouies à jamais.
Dimanche sur la cour
à 17h chaque après-midi, envol des volutes d’un violoncelle voisin.
Lundi sur la rue
un frémissement, comme un frémissement, des prémices, une amorce (et puis rien ?).