L'employée aux écritures

le blog de Martine Sonnet – ISSN : 2267-8735

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"Le problème de la nuit reste entier. Comment la traverser, chaque fois la traverser tout entière ?" Henri Michaux

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Des corps taillés à l’identique

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C’est une photo dans un journal daté d’avril 1967. Les fondeurs et les forgerons de la R.N.U.R. se montrent dans les rues de Billancourt, mécontents de la fin programmée de leurs ateliers, dont le fameux 62. De tous récents accords Peugeot/Renault, entérinent la délocalisation prochaine des fonderies et des forges de Billancourt à Hagondange et Mulhouse.

Dans le cortège, au troisième plan, à l’extrême gauche, un homme ressemble étonnement, de corpulence et d’allure à mon père, et sur sa tête le béret signerait l’identité. Mais la photo, même sur la coupure originale du journal, n’est pas de très bonne qualité. Subsiste un doute quant aux traits du visage, même si le port de tête rappelle le sien. C’est troublant cette ressemblance. Je recadre la photo de plus en plus serré, mais le peu de netteté s’en trouble à chaque fois.

Est-ce qu’un même labeur, aussi physique soit-il, peut à ce point façonner deux démarches et deux corps semblables, deux cages thoraciques exactement de la même ampleur ? Ou bien dois-je dissiper l’ombre de mes doutes et affirmer que c’est lui ?

C’est possible, après tout, il y travaillait encore pour six mois, à l’atelier 62.

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août 6, 2010

Semaine 27 cinq jours en juillet

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Ma semaine ouvrable (au cas peu probable où Libé me la demanderait pour son édition de demain) ; je m’étais déjà livrée une fois à cet exercice sur le blog.

Lundi 5. Pour l’essentiel, la journée tend vers le rendez-vous de 18h30 à l’Atlantique avec Jérôme Wurtz pour parler de son travail cinématographique sur Billancourt et son histoire familiale qui, comme la mienne, passe par là mais venant d’Alsace et du Nord dans son cas. J’aime bien donner des rendez-vous à l’Atlantique, une brasserie idéalement placée pour qui fréquente la gare Montparnasse et se prêtant assez bien à travailler tranquille avec son espace à tables rondes relativement espacées et son wifi. Jérôme parti dans l’idée d’une adaptation d’Atelier 62 évolue vers un travail personnel, riche de sa propre histoire et de ses lieux à lui, comme le puissant 57, rue du Vieux Pont de Sèvres, auquel il intègre des éléments venant de mon “texte usine”, mes chapitres numérotés en romain. Il double ce travail de création d’un autre travail universitaire conduit avec un historien des techniques spécialiste de l’usine Renault de Billancourt dont il reconstitue les ateliers en 3D. Je suis heureuse de tous ces développements. Je lui ai apporté un exemplaire du CD de chansons de forgerons recueillis par Noëlle Gérôme que je possédais en double. Plus tard en soirée, constat de la disparition (à éclaircir) des poissons du petit bassin de l’entrée de l’immeuble sur lequel en tant qu’occupants du rez-de-chaussée et amis des bêtes nous veillons pour la collectivité (réduite à 4 appartements). Et pour finir un régal : le Don Giovanni retransmis en direct depuis Aix sur Arte dont nous approuvons la mise en scène / mise en questions par Dmitri Tcherniakov.

Mardi 6. “Sarkozy doit partir” c’est ce que je lis à la une de France Soir avant de comprendre que je prends mes désirs pour des réalités et que mes lunettes sont à changer une fois de plus. En fait ce qui barre la une de France Soir c’est : “Sarkozy doit parler” ; ça m’étonnait bien un peu, cette prise de position du rejeton de l’oligarchie russe actuel patron du journal. Aujourd’hui résultats du bac, mais je ne suis plus maternellement concernée, c’est fini pour nous depuis l’année dernière et je me revois recevant la bonne nouvelle assise à la terrasse d’un café face à la gare de Toulon. C’était la semaine de ma tournée des plages du Var. Un peu de monde aux portes des lycées proches de l’école qui abrite mon bureau, alors qu’hier j’avais trouvé le quartier particulièrement vide. Peu de suspense pourtant, je pense, pour les élèves scolarisés dans ces parages…  Sur mon chemin de retour, c’est twitter qui m’annonce la mise en ligne dans la revue été 2010 de remue.net du texte que j’ai lu lors de la récente nuit de lectures de l’association, juste avant de trouver le mail de Dominique Dussidour m’en informant. Quant aux poissons rouge en copropriété j’apprends sitôt rentrée qu’ils sont en villégiature dans une baignoire du deuxième étage pour cause de fuite insidieuse vidant leur bassin : ils ont failli finir sur le flanc.

mercredi 7. Pas tous les jours que je vais au bureau sous un chapeau de soleil : aujourd’hui oui et je le suspends derrière ma porte.

Mon directeur de labo (historien du théâtre qui n’a pas aimé le Don Giovanni de lundi soir et en particulier son “déclassement” de l’aristocratie XVIIIe à la bourgeoisie  XIXe – le décor unique en était un typique salon bourgeois) a la gentillesse de me signaler quand j’arrive qu’il vient de lire dans un ouvrage collectif récent Bourdieu et la littérature (mon directeur de labo est heureusement très ouvert à la sociologie, surtout bourdieusienne) un article citant Atelier 62 pour son inscription dans un courant actuel de récits de filiation empreints de l’apport du sociologue. Consultant sur internet sa table des matières, je me dis que l’auteur de cette contribution doit être Dominique Viart qui a déjà écrit ailleurs sur mon livre et m’avait invitée à son séminaire à Lille l’an dernier. Une descente à la librairie Compagnie à l’heure du déjeuner me le confirme. Je pousse jusqu’à la papèterie  la plus proche pour l’achat de mon agenda papier septembre/septembre, complément qui reste indispensable aux divers agendas à la technologie plus avancée dont j’use également. J’ai déjà des choses à écrire desssus, comme les dates du séminaire  Femmes au travail, questions de genre, XVe-XXe siècles, puisque je viens de bloquer les réservations de salles, une conférence à Beauvais en mars, ou les Rencontres à lire de Dax, le week-end du 1er mai au cours desquelles j’irai lire en bonne compagnie.

Jeudi 8. Je travaille chez moi : de l’avantage des chantiers qui, même conséquents, tiennent sur une clef USB. Ce n’est pas la chaleur qui me retient dans ma banlieue encore assez verte – j’avouerais même que j’aime qu’il fasse chaud – mais un rendez-vous banlieusard à 13 h. Dans ma ville et, plus précisément, tout près de la place terminus et correspondance de plusieurs lignes de bus où a été découvert il y a quelques semaines le cadavre d’une femme qui après autopsie s’est révélée être morte de mort naturelle. Si tant est qu’il soit naturel de mourir à la rue d’un cancer généralisé (à deux pas d’une clinique qui les traite), quelques mois après une expulsion ont dit les journaux. Je ne sais de cette affaire et de l’enquête que ce que j’en ai lu : fort peu de choses. Des ouvriers du chantier du tramway qui passera bientôt là pour filer vers Vélizy ont trouvé un matin son corps, en sous-vêtements, dans un terre-plein herbeux broussailleux, anciennement soigné et fleuri mais à l’abandon du fait des travaux. Longeant ces espaces pour me rendre à mon rendez-vous, je pense à elle, malade à l’extrême, venue se coucher là, au milieu des immeubles. Dans la salle d’attente où je passe une heure, il y a un écran de TV qui dégouline du journal de 13 heures de TF1. A chaque fois que je lève les yeux vers lui j’y vois des vacanciers béats sur des plages ou des supporters de football euphoriques : rien qui ressemble à nos soucis.

Vendredi 9. Je commence par récupérer (en demandant si ça ne dérange personne) l’article lu dans le Monde hier soir sur la saisonnalité des naissances pour son allusion au déficit du printemps 2004 renvoyant à la canicule d’août 2003. J’ai un dossier papier, un dossier immatériel et un fichier word baptisés “canicule” dans lesquels s’accumulent des articles et de la littérature grise glanés ici et. Plus tard au pub de l’angle Ulm/Gay Lussac, café avec PCH qui sort 2 livres de son sac. Le premier, Les trois saisons de la rage, écrit par son frère Victor, sortira en août et je le lirai pour sûr : c’est l’histoire d’un médecin de la campagne normande (ornaise) au XIXe siècle. Le second, Paris ville moderne, de Virginie Lefebvre, il me le donne, il y est question de l’aménagement des quartiers Montparnasse et Défense, de 1950 à 1975 ; je ne connaissais pas. PCH profite de son café en terrasse pour photographier le 129e lion de sa collection. Après-midi studieux à la BnF, salle N et donc loin de ma place préférée en salle V, parce que le format de la boîte contenant les Bulletins d’information de la RNUR de 1946 à 1959 ne rentre pas dans les petits chariots suspendus qui circulent de n’importe quel magasin à n’importe quelle salle de lecture. J’apprends dans le cours de mes dépouillements qu’une ouvrière soudeuse entrée à l’usine en 1911 est décorée de la légion d’honneur en 1955 : j’essaierai d’en savoir plus sur son compte.

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juil 7, 2010

Echéances juinesques

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Deux déjà passées, trois encore à venir.

Il y a eu, c’était le 29 mai, on était presque en juin, la conférence donnée aux sympathiques Ernest de la rue d’Ulm, Retour à Billancourt, dans l’atelier 62, dont la vidéo sera mise en ligne sur leur site, le temps que toute la journée d’enregistrements soit montée.

Hier 5 juin, j’animais la journée-séminaire de fin d’année du groupe “Femmes et histoire” de l’IHMC avec lequel nous réfléchissons sur le thème Femmes au travail, questions de genre, XVe-XXe siècles, en nous arrêtant cette année sur les écritures du travail. Journée riche, variée, pleine d’échanges autour d’écritures “noir sur blanc” et d’autres formes moins attendues : sur soi (le vêtement de travail), en soi (la crise de nerf des ouvrières) ou autour de soi dans son chez-soi (le travail à domicile). Programme détaillé (et enregistrements d’exposés à venir) sur le carnet de recherche* du groupe. A l’heure du déjeuner, pique-nique en bonne compagnie puisque le séminaire Genèse et autobiographie de l’ITEM (qui m’avait invitée en décembre) avait eu la même idée que nous.

Philippe Lejeune, co-animateur du séminaire de l’ITEM, je suis appelée à le revoir très bientôt : nous sommes invités l’un et l’autre à participer le 17 juin à 14h30 à la table ronde “récits de soi” de l’après-midi d’étude Le web à la première personne : quelles traces conserver ? du cycle Mémoire du web de la BnF. Interviendront notamment dans la même table ronde Gilda Fiermonte, des Traces et trajets (et autres blogs) et Christine Genin, des Lignes de fuite. Perspective stimulante.

Deux jours (deux nuits) plus tard, le 19 je participe à la 4e nuit remue.net, invitée à lire par Yun Sun Limet. Je me souviens que j’étais allée écouter la première nuit remue.net, en juin 2006, je n’y connaissais encore personne mais le site venait d’accueillir une vingtaine de pages, toute première ébauche de ce qui deviendrait le livre  Atelier 62. Le 19 je lirai quelques pages d’une écriture en cours, au long cours, fichier ouvert en janvier 2008, un mois lourd d’événements.

Enfin le 25 juin, TGV pour Nantes, où le Centre nantais de sociologie, à l’université, m’invite à participer à sa journée de fin d’année. Il y sera question des forgerons et puis on pique-niquera. J’aime beaucoup les pique-niques, ceux du Montparnasse monde et ceux d’ailleurs.

(*) Si vous cliquez sur le carnet de recherche, profitez-en pour lire le billet Aller au bout du quai avec Florence Aubenas : j’avais été tentée d’écrire sur ce livre pour le “coin lecture” de L’employée aux écritures, et puis finalement je l’ai évoqué dans le carnet de recherche puisqu’il avait tout à voir avec noter sujet.

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juin 6, 2010

Papiers sur les murs, s’en souvenir

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Dans cette maison on avait collé du papier peint sur les murs de toutes les pièces sauf une. Papiers apposés soigneusement sur cloisons de placoplâtre – on disait simplement en les recouvrant “les murs c’est du placo”.

Il y avait le papier peint audacieux, avec son fond bleu marine, de l’entrée et du couloir. Il en était resté assez pour les WC, en trichant un peu sur les raccords (mais au petit coin, qui irait redire ? les raccords : toujours le problème avec les grands motifs, toutes ces chutes inutilisables)

celui de la cuisine, pas sans rappeler la régularité d’un carrelage

ailleurs, règne sans partage des fleurs, tons orangers chauds un peu fanés avec le temps pour la salle à manger

dominante jaune, pour une chambre, celle avec vue sur champ

et petit semis rose pour l’autre, donnant sur la cour (il y avait aussi un canapé-lit dans la salle à manger et des lits pliants pour enfants en cas de besoin)

enfin le petit semis multicolore, gai, papier lavable sur les murs de la salle de bains.

Murs nus, ceux de la petite pièce dite la lingerie, débarras/vestibule où était rangée la machine à coudre quand elle ne servait pas et qui permettait de sortir ou d’entrer par le côté  droit de la maison. Un accès secondaire, du côté de la cave qui avait été d’abord une étable, supportant des pieds un peu terreux.

Une maison au plan tout simple et bien tapissée.

PS : ça me revient et je répare l’oubli : les photos c’est LGS qui les a faites en août 2008

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mai 17, 2010

Forêt, vues d’ensemble et dernières

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Demain, back in town, back in family

satisfaite

de l’avancée du chantier d’écriture le matin

des marches en forêt aux heures de plus grand soleil

du retour à l’écriture en soirée.

Rentrer dans le Montparnasse monde

finir de le réécrire,

détaché des images

recomposé, élagué, étoffé,

j’y suis presque.

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avr 29, 2010

Flèche de tout bois, aujourd’hui encore

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Forêt superbe

en son chaos de racines

la luxuriance vert cru des feuilles naissantes

les embrassements d’espèces altiers

le travail des hommes.

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avr 28, 2010

Le bois comme un délassement du métal

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Le bois comme un délassement du métal

j’avais écrit à propos du forgeron

mais ces jours-ci c’est pour moi la forêt

comme un délassement de la ville

une respiration

la maison aux volets bleus est la dernière avant la forêt

installée , quelques jours à écrire, marcher, écrire

faire flèche de tout bois.

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avr 27, 2010

Aussitôt dit aussitôt fait

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L’employée aux écritures est une copieuse et l’assume : ce sont les twitter amusements du toujours bien inspiré Tiers Livre qui m’ont donné l’idée de cette retrospective d’une semaine de micro-messages, parfois illustrés, que j’ai lancés depuis dimanche dernier sur la plate-forme twitter (où j’ai ouvert mon compte il y a un peu moins d’un an).

Je remonte au dimanche 21 mars pour avoir le plaisir d’écrire une fois de plus sur ce blog le nom de Pierre Bergounioux, Bergounioux que je ne pouvais manquer d’aller écouter alors qu’il parlait dans les murs-mêmes de mon lieu de travail et que mes heures supp du dimanche étaient donc bénévoles et exquises (à noter que dans la salle je n’étais pas la seule blogueuse attentive). Donc de retour je lançais

Bergounioux (chemise bleue, pull gris, costume velours noir) nous a fait le coup du crétin rural – de terres de petit rendement qui plus est

j’ajoute au passage qu’il est toujours temps d’aller voir Le temps des grâces de Dominique Marchais, beau film de réflexion engagée sur l’exploitation des terres, dans lequel Bergounioux intervient sur ces questions de rendement, justement, dans la Corrèze de 1950.

Lundi 22, j’ai besoin de deux fois 140 signes pour expliquer mon fait marquant et printanier du jour

@msonnet s’aperçoit que n’a pas twitté de la journée, tellement attentionnée envers le petit pot de pensées offert ce matin en signe de printemps 1/2 aux bons clients par le café où s’arrête ts les jours, promené tout le jour avec elle – espère que les fleurs replantées s’en remettront 2/2

et chose promise @brigetoun chose due : photo de la pensée repiquée dans un pot sur le rebord de la fenêtre de la cuisine.

Mardi 23, je twitte utile : un conseil de lecture personnalisé dont j’espère qu’il ne tombera pas dans l’oreille d’un sourd (mais j’ai des craintes)

@msonnet conseille très vivement à Eric Woerth nouveau ministre du travail de lire le livre de Florence Aubenas Le quai de Ouistreham

Mercredi 24, direction Ambérieu-en-Bugey, où je passe la journée à la bibliothèque de la Grenette, qui conserve le fond de l’Association pour l’autobiographie (APA). Je viens là lire quelques textes d’ouvrières. Je suis accueillie par Christine Coutard, en charge du fond, qui me fait visiter les lieux, ce qui me permet de twitter, spécialement pour @cgenin à qui je l’ai promise, cette photo où l’on voit

des boîtes pleines de vies

et j’en profite pour adhérer à l’association.

Jeudi 25 je twitte une réflexion profonde, technologique, urbaine et sociétale

@msonnet s’aperçoit qu’elle ne demande plus jamais son chemin dans la rue depuis qu’elle a un iPhone (et ça lui donne bien à penser)

Vendredi 26 je fais profiter mes followers d’une information arrivée dans ma boîte mail, et je la répercute encore ici

médiathèque Issy les Moulineaux mardi 30 mars à 20h30, soirée littéraire Antonin Artaud par Christophe Claro

Enfin aujourd’hui, après une matinée studieuse, je fais le tour des blogs amis et c’est comme ça que

@msonnet se ferait bien aussi sa twittretrospective de la semaine sur son blog comme @fbon http://tinyurl.com/yaxqgbr -va même y penser sérieusement

et aussitôt dit aussitôt fait.

En prime : la gare d’Ambérieu-en-Bugey, au décor de pensées étagées (plus fournies que mon rebord de fenêtre de cuisine)

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mar 27, 2010

Histoire de B. : épilogue et fenêtre

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Voilà que dans cette rue, depuis l’été et la démolition des maisons du 29 et du 27, la fenêtre de l’appartement de B. au rez-de-chaussée de l’immeuble sur cour du 25 est devenue visible. Du trottoir le regard rase son volet fermé. Bientôt l’immeuble qui commence à  s’élever comblera la brèche et le bâtiment discret dans lequel a vécu B. redisparaîtra. Elle n’avait qu’une fenêtre B., ayant acheté et fait aménager en studio une ancienne petite loge inoccupée depuis des lustres, partie commune dont la copropriété ne voulait plus faire les frais.

Dans la toute première ébauche des textes qui deviendraient Atelier 62, un “décrochement-digression”, comme il en existait quelques uns débordant du cadre chronologique du temps des forges, évoquait B. qui venait de disparaître de notre vie. J’écrivais en décembre 2005, elle nous avait quittés le 3 octobre, sans explication. J’évoquais son arrivée chez nous et comme je m’étais emberlificotée dans ma conscience féministe quand, trop occupée de mes travaux et du soin des enfants, alors jeunes, faire appel à l’aide d’une femme de ménage s’était imposé. Finalement, c’est B., si différente de celle que j’avais imaginée, qui était venue – je retrouve mon petit bout de texte -

“deux fois par semaine, et on la reçoit respectueusement et affectueusement, comme si c’était sa propre mère. Et puis au bout de seize ans – c’est arrivé chez nous il y a quelques mois – elle s’en va, sans rien dire, juste les clefs dans une enveloppe lâchée dans la boite aux lettres en partant. Ecrit dessus : bon courage. Se souvenir comme elle a accompagné les enfants ; ses cadeaux encore dans leurs chambres. Ne rien comprendre. Constater que la chatte aussi tourne en rond depuis ; les deux jours de grand retournement des choses rythmaient ses semaines solitaires. La bête savait dans quel ordre les événements se produiraient, avait mis au point son parcours de cachettes successives. Maintenant, quand l’un de nous sort l’aspirateur du placard, la chatte s’affole, sans refuge sûr face à nos façons de faire, imprévisibles et désordonnées.”

B., jamais remplacée à la maison, n’avait pas donné suite au courrier que je lui avais adressé pour la remercier de toute l’aide qu’elle nous avait si longtemps apportée, m’inquiéter des soucis de santé ou autres qu’elle pouvait avoir. Son numéro de téléphone n’était plus attribué – elle en avait changé une fois de plus – et par deux fois l’hiver qui avait suivi son départ, la croisant sur un trottoir, la saluant, m’arrêtant pour tenter de lui parler, celle-ci avait continué son chemin sans répondre.

En septembre 2006, rubrique “Etat civil – décès”, du bulletin municipal, j’apprenais que B. était morte en juin. Je saurai un peu plus tard, du notaire provincial qui, devant régler sa succession et manquant d’informations à son sujet, nous avait écrit ayant trouvé notre adresse dans ses papiers, que c’était de mort naturelle et qu’on l’avait retrouvée 15 jours après son décès, quand ses voisins, à qui elle ne parlait pas, n’en pouvaient plus de se pincer le nez en pénétrant dans l’immeuble sur cour.

Je ne sais rien de plus de la fin solitaire de B., ni de son enterrement que personne probablement n’a suivi. Je sais quelques moments de sa vie toute de ruptures, confiés le temps des nombreux cafés bus ensemble. Son volet fermé, de moins en moins visible ces derniers jours derrière palissades et algecos.

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oct 16, 2009

Cinq jours ouvrables, façon Libé du samedi

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Lundi. Toute la journée au bureau avec visites récurrentes de guêpes par le vélux et ponctuelle d’un informaticien (par la porte) qui réinitialise mon imprimante qui ne répondait plus depuis le retour des vacances.  J’attaque la semaine par l’écriture de l’article “Geneviève Randon de Malboissière”  destiné au Dictionnaire des femmes d’Ancien Régime à paraître chez Champion. Je complète ma documentation livresque par quelques interrogations internet (je m’intéressais au sujet bien avant Google) et m’aperçois que le livre de Dena Goodman est paru. Verdict des statistiques Word quand je boucle : 9000 signes  pour  7500 TTC alloués ; j’élagaguerai demain. Déjeuner d’un sandwich au délicieux soleil de 14 h dans le jardin de l’Ecole – va et vient des nouveaux élèves qui prennent possession de leurs chambres ; parents de province qui accompagnent – origines dévoilées par les plaques minéralogiques des voitures dont les coffres se vident de cartons de livres, bouilloires électriques et un peu de  linge. Je regarde les mères. Remontée au labo sous les toits, je découvre qu’une main providentielle – je ne sais à qui elle appartient -a disposé une assiette de mirabelles mûres à point  près de la machine à café : riche idée. Echange de mails avec mes compagnes et compagnon de la fête des livres à La Ferté-Vidame hier pour nous réjouir de cette agréable journée champêtre et nous promettre de bientôt travailler ensemble. Je m’apercevrai plus tard qu’elles et il ont tout raconté sur leurs blogs. Rien à ajouter. J’aime l’idée qu’une semaine après cette insertion sur les terres du duc de Saint-Simon je foulerai les pelouses de la fête de l’Huma.

Mardi. Dans la cuisine, premier geste au matin : France Info. Je prends en marche une énumération des villes dans lesquelles des classes de collèges ou lycées sont fermées qui me laisse perplexe. Une classe de collège ou de lycée ça circule dans l’établissement pour rejoindre des salles spécialisées et ça se recompose au fil des heures au gré des options et des langues, quant aux profs, ils n’en ont pas qu’une de classe… Fermer une crèche je comprends, une classe de lycée nettement moins, surtout compte tenu de la virulence qu’on nous dit somme toute banale du virus dans l’état actuel des choses. La chaleur de retour ces jours-ci me semble bonne à prendre et je marche sur le large trottoir, côté numéros impair, du boulevard du Montparnasse, pile dans l’axe du soleil, entre la ligne droite grise de l’ombre des toits et celle, moutonnante, de l’ombre des frondaisons. On me dit toujours que je devrais couper par le Luxembourg pour aller de la gare à l’Ecole, mais je ne suis pas du tout fanatique de ce jardin, précisément parce qu’il est impossible à traverser en droite ligne. A l’approche du bassin, pas moyen de ne pas se dérouter. Assez mauvais souvenirs aussi de la fréquentation – les rares fois où c’est arrivé – des aires de jeux, balançoires, toboggans, poneys, petits bateaux, guignol et marchands de glaces ou gaufres quand les enfants étaient petits. Prénoms extravagants qu’on y entendait et parents insupportables qui allaient avec. Mon article sur Geneviève Randon de Malboissière, respectueux cette fois des normes typographiques, est parti, après que par un dernier acquis de conscience j’ai saisi sur Google le titre de son seul écrit publié. Une courte pièce Ilphys et Zulie que son maître d’allemand Michaël Huber a  intégrée anonymement à un Choix de poésies allemandes publié en 1766. L’ouvrage que je n’ai jamais réussi à voir à la BnF, existe numérisé par Google  : j’en suis toute retournée – mais je ne le retrouve pas au moment d’insérer, j’y reviendrai quand j’aurai le temps .

Mercredi. Un peu en creux, pile au milieu de mes cinq jours ouvrables et troisième consécutif entièrement passé au bureau. Au vélux, outre les apparitions des guêpes qui continuent à entrer pour ressortir illico, visite du chat qui se promène sur les toits de l’Ecole, je le dissuade d’entrer malgré ma profonde sympathie pour la gente féline ; pas trop content d’être éconduit, il aurait tôt fait de mordre. La BnF fermée pour son grand ménage annuel, les historiens se replient dans leurs quartiers, s’occupent d’affaires organisationnelles, de programmes, de calendriers, de réservation de salles, de demandes de moyens pour 2010. Autant de choses dévorant de plus en plus de temps. La satisfaction tout de même, et profonde, de voir si bien reçue ma proposition d’écriture en réponse à une sollicitation reçue hier soir et qui m’a fait particulièrement plaisir. Affaire rondement menée et deadline au 28 septembre, soit bien proche pour quelque chose d’aussi nouveau… Tous ces jours à venir, donc, avancer de deux heures mon réveil. Notre bachelier de l’année, travailleur saisonnier dans une librairie-papèterie du quartier latin, pas fâché d’arriver samedi au terme de son contrat, rentre à 20h50 claironnant : “Plus que deux jours !”. Rude premier contact avec le monde du travail que d’éprouver à 17 ans la fatigue de journées longues de sept heures passées impérativement debout dans un sous-sol non climatisé, en août-septembre, à recharger des piles de paquets de copies, doubles, simples, perforées, non perforées, à petits carreaux, à grands carreaux, et j’en passe, 21X29,7 ou 29X32.

Jeudi. “Retour de la grouse” proclame la pancarte du restaurant au coin de la rue de la République à Vanves vue du bus 189. Je sais peu de choses de la grouse, que je classe néanmoins parmi les volatiles. L’annonce tend à me faire penser que celui-ci est saisonnier, mais j’ignore absolument où la grouse peut bien se nicher quand elle n’est pas dans une casserole à Vanves. Reçue de 12 à 14 heures par la bibliothèque d’un Comité d’établissement banquier pour y parler d’Atelier 62 avec des lecteurs, dans le cadre du prix littéraire inter-CE, j’y suis fort bien accueillie et en ressors avec un chouette bouquet de fleurs. Merci à tous. Sur le chemin du retour, je tente par deux fois de me procurer – enfin, depuis le temps que j’y pense – un iphone : rupture de stock. Je recharge donc une fois de plus mon compte mobicarte en attendant des jours meilleurs. Le iphone est appelé à résoudre d’une pierre deux coups mon problème de ipod (35 minutes, montre en main, d’autonomie de batterie, pourtant changée déjà une fois) et d’appareil photo qui a rendu l’âme. Il y a donc relative urgence (surtout pour les saisissements images du réel). Depuis peu, les gens des monuments nationaux m’invitent volontiers quand ils inaugurent quelque chose : aujourd’hui le carton est pour une expo “Splendeur de l’enluminure : le roi René et ses livres”, qui se tiendra bientôt à Angers, RSVP avant le 18 septembre. Mais désolée, ce sera non : un petit peu trop loin Angers, un petit peu trop à faire ici.

Vendredi. Journée au bureau, c’est ma “journée Hardy”, je travaille sur l’index des lieux du Journal de ce libraire parisien du XVIIIe siècle : un vrai bonheur la promenade “virtuelle” dans les rues du Paris de l’époque et tout ce qu’on y rencontre. L’école qui abrite mon bureau (mais dans laquelle je n’enseigne pas) s’anime chaque jour un peu plus. Rentrée pédagogique la semaine prochaine. N’étant pas ancienne élève du lieu, son monde et ses conditions protégées d’étudier me restent un peu étrangers. La fermeture de la BnF (encore une semaine) commence à me peser, parce que je voudrais jeter un oeil sur des journaux de mode des années 1950/60, un peu trop futiles pour l’érudite bibliothèque de l’Ecole. Je programme pour la semaine prochaine des expéditions à Marguerite-Durand et Forney (Forney je ne n’y suis jamais allée, ça m’en fera une de plus). La lettre des impôts, trouvée à mon retour à la maison, m’épate par sa parfaite bonne conscience. Alors que leurs services rectifient une erreur en ma défaveur qui leur est imputable à 100 % – oubli de saisie d’un chiffre  - ils ont le culot de m’écrire IL VOUS A ETE ACCORDE UN DEGREVEMENT DE 448 EUROS. En capitales et pas question d’erreur ni encore moins d’excuses… Et encore heureux que je les avais calculés de mon côté mes impôts, parce qu’autrement j’étais bonne pour les payer les 448 € que je ne leur dois pas et DONT JE LES REMERCIE DE ME FAIRE GRACE DANS LEUR GRANDE BONTE… Je me couche tôt pour être en forme à la fête de l’Huma demain.

PS : je rassure tout de suite les fidèles du blog : ceci n’est pas un nouveau feuilleton du samedi (c’est juste parce que Libé ne me le demande pas)

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sept 12, 2009

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