L'employée aux écritures

le blog de Martine Sonnet – ISSN : 2267-8735

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"Le problème de la nuit reste entier. Comment la traverser, chaque fois la traverser tout entière ?" Henri Michaux

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Bibliothèque Faidherbe jeudi 2 mai : du blog à la scène

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Plaisir à annoncer, juste avant déconnexion pour cause de déménagement (et souvenir ému du forfait mensuel de 3h avec lequel on s’était connecté pour la première fois en 1999 à l’arrivée dans cet appartement que nous quittons – c’était un autre siècle), cette lecture collective du blog à la scène à laquelle Mathilde Roux m’a conviée à me joindre jeudi 2 mai à 19 heures à la bibliothèque Faidherbe.

Dénominateur commun des textes lus : tous suscités par les échanges de blogs à blogs du premier vendredi du mois, opération autrement dite vases communicants. Je n’en détaille pas les participants parce qu’il faut que je retourne scotcher mes derniers cartons, mais l’affiche vous aidera à les reconnaître.

Donc si vous êtes à Paris et avez toujours rêvé de savoir, par exemple, qui ouvre ses belles Fenêtres open space ou qui se cache Pendant le week-end, rejoignez nous jeudi soir…

avr 28, 2013

Pour saluer Maryse

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On aspirera très fort le parfum des tilleuls les soirs de juin

on ne perdra pas une note de mésange quand quelqu’une zinzinulera à portée d’oreilles

on caressera tous les chats roux sur nos chemins

et surtout, surtout, on  la lira et la relira, reliée ou pas.

Maryse Hache était mon invitée du premier vendredi d’octobre et je n’imaginais pas, comme nos échanges transatlantiques par e-mails pour ajuster nos textes étaient vifs et gais qu’elle puisse être si proche du fin mot de son histoire alors qu’elle ouvrait ici cette page nouvelle de son lirécrire.

Aujourd’hui je republie ci-dessous son texte et la présentation qu’elle en faisait, en hommage et avec infinie gratitude pour le don ultime de  ces lettres intimes juste entrouvertes.

depuis un moment vagabonde en moi un chantier rêvé d’écriture autour des correspondances de mon père, (échangées avec ma mère, ils venaient de se fiancer)  pendant ses presque six ans de captivité dans un camp en silésie orientale

je choisis, avec l’accord bienveillant, de martine sonnet, et à l’occasion de ce premier vase avec elle, d’ouvrir ce chantier en ses terres et sous son égide

gratitude

que l’écriture aille son chemin

.

pour l’instant ça s’appelle (emprise)

(essaierai de trouver le “e” majuscule particulier à son écriture)

terme qui fera vignette de ce chantier au semenoir

ce mot, je l’ai trouvé écrit manuscrit sur un petit bout de papier esseulé dans ses affaires

on peut lire, écriture inversée typographique, dans le coin supérieur droit, une fin de mot : “…ons” peut-être une terminaison de verbe conjugué, et “inutiles”

énigme

la force émotive et éveillante du mot manuscrit, soudain offerte à nouveau à ma lecture, marque de la main, gestuelle de l’écriture, forme des doigts, des ongles, alliance et bague, est plus forte pour moi qu’une photo

plus dynamique


.

il  ne se doute de rien

sa blondeur sa jeunesse répondent à l’appel du service militaire

pour l’instant cavalier 2° escadron 29 novembre 1939 à st germain-en-laye

il a 21 ans

ne se doute de rien

.

.

sauf

ses yeux bleus ont déjà croisé les yeux marron de geneviève

elle a 27 ans

train ligne denfert-rochereau direction seine et oise

lui monte ou descend station orsay il habite chez ses parents

il travaille chez ses parents paris 14°

elle monte ou descend à deux stations de différence, c’est lozère

elle habite chez sa tante c’est plus prudent en ces temps incertains

elle travaille à paris

horaires réguliers du train

ils y sont souvent ensemble se voient se regardent

et c’en est fait d’eux

“je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue”

.

il a fumé quelques unes de “leurs” cigarettes

“les cigarettes sont épatantes”

.

.

“… vous remercier de votre aimable attention”

“Je vous écrirai plus longuement dans quelques jours”

.

.

Filed under Les invités
oct 28, 2012

Les invités : Maryse Hache

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Dans le cadre des échanges entre blogs du premier vendredi du mois je suis particulièrement fière que Maryse Hache, du si beau Semenoir et de l’Abyssal cabaret (que l’on peut désormais lire aussi sur papier), ait choisi de lever le voile ici sur un travail qu’elle entreprend autour d’archives familiales – je n’en dis pas plus, elle présente elle-même son corpus mais je lui exprime toute ma gratitude pour ce cadeau fait à L’employée aux écritures. Chez elle, on peut lire mon New York, jeu de miroir, reflet amusé de la ville dans laquelle je séjourne quelques semaines, accueillie au Remarque Institute, NYU. Comme d’habitude, la liste établie par Brigitte Célérier@brigetoun si vous préférez – aide à se repérer dans tous les échanges annoncés. Merci à elle aussi.

depuis un moment vagabonde en moi un chantier rêvé d’écriture autour des correspondances de mon père, (échangées avec ma mère, ils venaient de se fiancer)  pendant ses presque six ans de captivité dans un camp en silésie orientale

je choisis, avec l’accord bienveillant, de martine sonnet, et à l’occasion de ce premier vase avec elle, d’ouvrir ce chantier en ses terres et sous son égide

gratitude

que l’écriture aille son chemin

.

pour l’instant ça s’appelle (emprise)

(essaierai de trouver le “e” majuscule particulier à son écriture)

terme qui fera vignette de ce chantier au semenoir

ce mot, je l’ai trouvé écrit manuscrit sur un petit bout de papier esseulé dans ses affaires

on peut lire, écriture inversée typographique, dans le coin supérieur droit, une fin de mot : “…ons” peut-être une terminaison de verbe conjugué, et “inutiles”

énigme

la force émotive et éveillante du mot manuscrit, soudain offerte à nouveau à ma lecture, marque de la main, gestuelle de l’écriture, forme des doigts, des ongles, alliance et bague, est plus forte pour moi qu’une photo

plus dynamique


.

il  ne se doute de rien

sa blondeur sa jeunesse répondent à l’appel du service militaire

pour l’instant cavalier 2° escadron 29 novembre 1939 à st germain-en-laye

il a 21 ans

ne se doute de rien

.

.

sauf

ses yeux bleus ont déjà croisé les yeux marron de geneviève

elle a 27 ans

train ligne denfert-rochereau direction seine et oise

lui monte ou descend station orsay il habite chez ses parents

il travaille chez ses parents paris 14°

elle monte ou descend à deux stations de différence, c’est lozère

elle habite chez sa tante c’est plus prudent en ces temps incertains

elle travaille à paris

horaires réguliers du train

ils y sont souvent ensemble se voient se regardent

et c’en est fait d’eux

“je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue”

.

il a fumé quelques unes de “leurs” cigarettes

“les cigarettes sont épatantes”

.

.

“… vous remercier de votre aimable attention”

“Je vous écrirai plus longuement dans quelques jours”

.

.

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oct 5, 2012

Les invités : Cécile Portier

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Premier vendredi du mois : Cécile Portier, de la très belle Petite Racinede Contact, de saphir antalgos, et de nombreux textes sur remue.net, rend visite à L’employée aux écritures et réciproquement. Nous nous sommes toutes les deux prises au mot : valises, il y aurait des valises dans notre échange. Et comme chaque mois, Brigitte Célérier a établi la liste des blogs participant aux “vases communicants” : merci à elle.

Voyager léger

C’est préférable de voyager léger. N’est-ce pas.

Est-ce vraiment raisonnable, alors, de prendre cette petite jupe d’été, ces 2 robes mi-saison, ces 3 pulls chauds, ces 4 jeans? Ces 5 petites culottes, les faut-il? Ces 6 paires de chaussettes?

Mieux vaut ne pas s’encombrer, d’accessoires ou de scrupules.

Alors laissons tout.

Pourtant, les petites culottes…

Mettons deux petites culottes et un scrupule en moins.

Mais lesquelles choisir? Celle à fleurs, celle à dentelles, celle en soie, celle en coton? Celle dont l’élastique lâche mais qui est si douce à porter, qu’on dirait qu’elle vous accompagne, comme une vieille amie bienveillante à qui on ne la fait plus? Ou bien celle-ci, sévère, inconfortable, mais plus élégante ?

Mettons cinq petites culottes mais un regret de plus (d’avoir renoncé à celle dont l’élastique lâche).

Mettons cinq petites culottes, mais si le temps est froid, s’il est chaud, si d’aventure il fallait aller danser, ou bien jardiner, ou bien ou bien ou bien…

Comment choisir entre la paire de galoches et celle d’escarpins, entre la pelisse et le maillot de bain?

C’est impossible de choisir.

Alors tout redéfaire, tout déballer.

Désespérer.

Et puis se dire cela, que ce qui pèse lourd ce n’est pas les choses qu’on emporte, mais ce qui les contient. Que ce qu’il faut, pour voyager léger, c’est une valise légère. Légère mais solide. Une valise qui tienne son contenu comme on dit de quelqu’un qu’il tient parole.

Les paroles données, les paroles tenues pèseront toujours moins lourd que les scrupules et les regrets.

Ce qu’il faut, c’est une valise à paroles.

Ca tombe bien, nous avons ça en magasin. Et avec elle, on peut y aller, ça tient sans craquer, la petite jupe d’été, les 2 robes mi-saison, les 3 pulls chauds, les 4 jeans, les 5 petites culottes, non, les 6, et puis aussi la brosse à dents, la brosse à cheveux, la brosse à sourcils, et même la brosse à reluire, ainsi que les 7 pêchés capitaux, les 8 merveilles du monde, les 9 vies du chat, les 10 commandements, les 11 coton-tiges, les 12 coups de minuit et les 36 chandelles.

Et va aussi pour les chemises de nuit  et les petits bibis.

Valise en papier – suitcase mail – de l’artiste Vanessa Notley (et merci à Juliette Mezenc pour la découverte!)

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oct 7, 2011

Invité : Matthieu Duperrex, 26 rue du Départ

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Dans le cadre des échanges de lieux d’écriture entre blogueurs, dits vases communicants, du premier vendredi du mois, L’employée aux écritures est heureuse d’accueillir Matthieu Duperrex, fondateur et animateur régulier, avec Claire Dutrait, du site Urbain, trop urbain, à qui rien de ce qui respire dans la ville n’échappe. Il me rend la pareille et nous avons convenu d’un thème commun pour nos billets échangés : Montparnasse. Donc à lire ci-dessous son 26 rue du Départ et chez lui ma Petite typologie illustrée des butoirs montparnassiens. Merci à lui.

26 rue du Départ

Le 26 rue du Départ, un petit immeuble précaire, pour un Mondrian qui s’y installe en 1921, l’année de son traité sur Le néoplasticisme. L’appartement du 26 entre vite dans la légende de l’angle droit, l’éphémère éternel à contourner, dont il est l’hymne pictural et la réalisation plastique et spirituelle. Michel Seuphor : « C’était une assez grande pièce, très claire et très haute de plafond, que Mondrian avait irrégulièrement divisée, utilisant à cette fin une grande armoire peinte en noir, elle-même partiellement masquée par un chevalet hors d’usage couvert de grands cartons rouges, gris et blancs. Un autre chevalet était placé contre le grand mur du fond, lequel changeait souvent d’aspect, Mondrian exerçant sur lui sa virtuosité néoplastique.

Rue du départ, j’enquête sur un hypothétique numéro 26 qui a disparu. Invariablement, mon chemin rebroussé après m’être trop avancé dans la triste promenade couverte des Galeries Lafayette, rue du Départ, et je me plante là, devant la pierre tombale de deux-cent-dix mètres. Je ne croise pas Mondrian en imper, au 26 rue du Départ inexistant, comme tu as pu croiser Pessoa. En face, l’Artisan-Boulanger-Pâtisserie, l’air un peu logé dans un « autrefois », lui seul. Les autres bâtiments reluisent d’un « demain » des années soixante. Le dur carambolage accidenté de volumes embrassés d’escaliers sales aux rambardes graisseuses que c’est devenu, le beau projet de la nouvelle gare, des hôtels, des commerces, des logements et des bureaux, et puis de l’esplanade au-dessus du centre commercial avec la Tour. Je souris. Je sais que l’Ordre des Architectes y a installé désormais ses bureaux, sans doute dans un état d’esprit voisin de Maupassant allant déjeuner au restaurant de la tour Eiffel : « Eh ! Quoi ! Il n’y a qu’ici que je ne la vois pas ! ».

Paris futuriste, Paris de l’urbanisme souterrain et de la construction sur dalle, à la Défense et à Maine Montparnasse, qui s’est étalé là, comme pour mourir en gare, avec un front bâti irrégulier, un feuilleté précaire de géométries raides qu’au débouché de la rue de Rennes j’approche encore, frissonnant au vent, comme d’un rempart bleu de béton. Je me cogne d’ailleurs dans des angles droits pour tourner fictivement autour du vieil immeuble cerné de boîtes de jazz. Je tourne derviche, cercle Dada en roue carrée, homme pythagoricien, surréaliste écorné, cubiste en débord, suprématiste baroque, architecte athénien, thuriféraire de l’Esprit nouveau, constructiviste en orbite, là, sur le plan des rues de Paris, à Montparnasse monde, où il y a Arrivées/Départs et rues qui vont avec.

Derrière le grillage des travaux Boogie-Woogie, il y a le grid de New York où il s’envolera, depuis le 26 rue du Départ, son Home éternel, qu’il voulait étendre — élastique et plastique — à la Rue puis à la Cité. Le Corbusier y donnait rendez-vous, au 26 rue du Départ, qu’il avait baptisé « Poème de l’angle droit ». Dix ans après la mort de Mondrian, l’atelier devient élégie, l’architecte publie le Poème de l’angle droit :

« On a

avec un charbon

tracé l’angle droit

le signe

Il est la réponse et le guide

le fait

une réponse

un choix

Il est simple et nu

mais saisissable

Les savants discuteront

de la relativité de sa rigueur

Mais la conscience

en a fait un signe

Il est la réponse et le guide

le fait

ma réponse

mon choix. »

Le Poème sort au moment où les politiques se prennent à rêver d’un nouveau Maine Montparnasse, tout d’angles droits. Ce sera la fin du 26, rue du Départ, son dernier souffle abstrait et géométrique, qui est aujourd’hui une grande tour ancienne de cinquante-neuf étages, 10.340 € le prix moyen du mètre carré, angle droit dévalué.

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juin 3, 2011

Invitée : Anne-Marie Emery

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Premier vendredi du mois, il y a du remue-ménage dans les blogs, on appelle ça les vases communicants : les unes et les uns s’en vont écrire chez les autres. Merci à Brigitte Célérier qui aide à s’y retrouver dans tout ça. C’est ainsi que  je suis heureuse d’accueillir Anne-Marie Emery du blog Pour le meilleur et pour le lire, reflet des lectures qui la touchent et dont elle donne à lire des morceaux choisis. Elle vient ici écrire son Montparnasse à elle (l’idée de l’invitation est née d’un de ses commentaires à une chronique récente du Montparnasse monde), riche en vies minuscules, tandis que je vous propose, chez elle, une page choisie sur le rayon le plus à portée de main de ma bibliothèque, celui des auteurs qui accompagnent au quotidien.

Sous les voies, la vie….

- Non, madame, cette rue n’existe pas, rue de Médéah, me dites-vous? Non, ici, c’est la mairie du 14ème.

- J’insiste, madame, j’ai besoin de cet extrait d’acte de naissance ; mon père est né au 18 de cette rue , le 13 janvier 1921 ; vous allez la trouver dans les archives.

- Un moment, je vous prie….C’est exact, madame, je vois que cette rue a disparu lors de l’élargissement des voies de la gare Montparnasse dans les années 60.

Et voilà,  disparues,  rasées, ces maisons à un étage où vous vous étiez établis en 1920, à votre arrivée de Lozère, votre fille, Marie-Louise avait douze ans.

Difficile de dire à votre place le choc, l’étrangeté du lieu, la brutalité de la découverte, le bruit, l’agitation de la rue, la circulation ; peut-être êtes-vous restés plusieurs semaines sans voix ? Le bitume, un portail, un trottoir ; vous avez dû être interdits, déboussolés devant les devantures, les affiches publicitaires ; rien de tel dans votre hameau de Chabalier, aux sources de l’Allier.

Et cependant, on se trompe sans doute ; bien doux était ce passage à la vie ordinaire, au sortir de la guerre ; une douleur tenace mais sobre au coeur, la décision de changer de vie. Vous, Rémi, blessé à la tête mais vivant, vous n’avez pas voulu reprendre votre poste d’instituteur “les enfants sont trop difficiles, le métier trop dur…” Ce sont vos propos de l’époque. Vous avez un brevet supérieur, vous obtenez le poste de gestionnaire du salon de thé du Bon Marché, on disait “Chez Boucicaut”, à ce moment-là. Mélanie vous suit, elle est enceinte, André va naître.

Il lui faudra à elle et toutes les autres femmes une immense finesse, pour vous accueillir, vous les maris et les pères devenus des inconnus. Ce ressort immédiat, ce désir d’un autre enfant, elle a su vous le donner. Vous avez vécu de bons moments rue de Médéah, glanant de jolis objets aux puces de la porte de Vanves. Nous l’avons encore, cette belle pendule. Mélanie a bien vite fait fondre la glace, son charmant accent cévenol, vraisemblablement.

J’aime imaginer le petit André, à peine sorti des langes, jouant dans la rue ; il était passablement insupportable, me dira plus tard Marie-Louise qui le gardait à l’occasion. Il allait traîner autour de l’atelier d’en face, au 11 de la rue. Il regardait le maitre sculpter son métal, le nez tout près du chalumeau. Et si c’était vous Julio Gonzalès qui lui aviez  donné l’amour du travail manuel bien fait.

Frêres et soeurs étaient restés derrière, s’établissant , qui dans le Gard, qui dans la Drôme ; il vous avait fallu de fermes convictions et une volonté farouche pour tout reconstruire ici, pour vous acclimater, pour ne pas être des intrus ; pas le choix, disiez-vous, en la circonstance, que faire là-haut à 1300 m d’altitude ?

Je songe aux milliers de voyageurs, qui, tous les jours à cet endroit précis rangent magazines et portables  avant l’arrivée en gare des trains qui amorcent là leur freinage. Ils ignorent que des gens ont vécu, à l’emplacement précis de ces rails, des vies pas si minuscules que çà ; les rues ne sont plus mais nous conservons précieusement des fragments de leurs vies d’exilés dans nos sacs à dos, de temps en temps, nous les convoquons et ils nous parlent myrtilles et arnica et toute cette nature qui leur a si cruellement manqué, à n’en pas douter, rue de Médéah.

Texte, photos et boîte à gâteaux Anne-Marie Emery

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jan 7, 2011

Philippe Annocque est Seul à voir (je sais bien de quoi il retourne)

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Premier vendredi du mois : carte blanche à Philippe Annocque (qui, à charge de revanche, m’accueille dans ses Hublots) – c’est dans le cadre des vases communicants entre blogs et je suis très fière que l’auteur de Liquide, pour sa première participation aux opérations, s’aventure sur mes terres…

Moi aussi, l’Histoire, ça me connaît.

Encore une fois, c’est la guerre. Je viens d’être appelé. (Est-ce moi qu’ils ont appelé ? Vous n’apercevez qu’une sorte de lycéen un peu gauche. Vous avez même l’impression que je n’ai pas terminé ma croissance.)

Je viens d’être appelé, comme tout le monde. Ne me plaignez pas : je ne suis pas contre.

Je sais pourtant bien de quoi il retourne. Tous ici, tous autant que nous sommes, nous le savons parfaitement. Sans doute, comme vous, l’avons-nous appris dans les livres. Cette guerre en effet est la première : la Première Guerre mondiale, qui vient juste d’être déclarée. Nous savons donc bien comment ça finira, comment ça aura du mal à finir, comment ça n’en finira jamais.

Dans mes mains, je retourne ma convocation. C’est un petit papier cartonné rectangulaire et allongé, horizontal. Sans doute sa couleur blanc cassé est-elle censée marquer l’époque ancienne.

J’ai paraît-il la possibilité de ne pas y aller (peut-être même est-ce écrit directement sur ma convocation), de ne pas la faire, cette guerre. Peut-être puis-je, au lieu de la guerre, être affecté à une autre tâche, pourquoi pas journalistique. Une dame un peu sotte, qui me veut du bien, a tout prévu pour moi. Mais moi, vous me comprendrez sans peine, je ne veux pas d’un tel privilège ; je veux faire comme les autres.

Mon père est préoccupé. Le voici qui vient me voir, en moto, et me demande des nouvelles. Il n’est pas bien à l’aise, sur cette machine ; cela se voit tout de suite : il roule trop lentement, il zigzague.

Et voilà que je l’ai perdue, ma convocation ! Impossible de mettre la main dessus ! C’est tout de même bien ennuyeux. Je ne sais plus où je dois me rendre, ni quand. Cela a-t-il un rapport avec cette promenade en voiture, lors de laquelle M au volant quitte la route, roule sur un terrain herbeux et inégal, escalade d’abrupts monticules sous prétexte de prendre des raccourcis ?

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fév 5, 2010

Attention croisement : avec Pierre Cohen Hadria

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Chaque premier vendredi du mois, il s’en passe de belles sur les blogs : selon le principe des vases communicants on écrit les uns chez les autres.

Après un premier échange/partage avec Anne Savelli de Fenêtres open space en octobre dernier, L’employée aux écritures laisse aujourd’hui ses clefs à Pierre Cohen Hadria et s’en va remplir à sa place ses Carnets de travail de mélico.

POUR TOUT BAGAGE

Ca commence par un planning, qu’on va chercher gare de Lyon, le jeudi matin : on y découvre ses parcours du week-end, le nombre de questionnaires à empiler dans son sac, sections et enveloppes, les crayons, les parcours haut-le-pied (rares), le nombre d’enquêteurs avec qui on va travailler, un moment, plus parfois les deux ou trois jours (si c’est un pote, c’est fête ; une amie, la joie ; un idiot, la barbe).

Une quinzaine de kilos à trimbaler, le Paris-Bordeaux, puis le Toulouse-Lyon, puis le Lyon- Nantes suivi d’un Bordeaux-Quimper, et retour par le train de nuit Quimper-Paris.

Un week-end  (un peu) comme les autres.

Le vendredi, en début d’après midi,

on embarque, on commence par aller se présenter au contrôleur, le chef de train, oui une enquête, je passe je distribue je récupère, je reviens on se croisera, oui, à plus tard, vous vous installez en première ?

Oui, on s’installe en première, on ferme la porte avec le carré, on tire les rideaux pour ne pas être importuné, on travaille, on n’est pas là pour attendre sa destination, non, nous, on est là pour le voyage, on bosse, on ne bulle pas, on évalue, on distribue, une rangée ou un compartiment sur quatre, on sourit, on évalue les visages des jeunes filles, les rides des dormeurs, puis on revient, on ramasse, « Ah vous ne l’avez pas rempli ? j’attends ? » ou : « Vous ne voulez pas ? c’est pas grave », « Vous voulez un crayon ? » et puis on rentre dans son compartiment, on compte, on inscrit le compte sur l’enveloppe, la section « Paris- Poitiers » la date, distribués, tant ; recueillis tant ; on regarde parfois un peu les réponses, ça n’a aucune importance, cette réponse « votre sexe ? : beau mais faible », les Portugais qui mangent le poulet avec pour nappe les questionnaires, les rires, les abrutis avec leurs quilles, les malheureux aux cheveux ras, les amoureux « on a ri, on s’est baisés, sur les neunoeils, les nénés »,

les vieux qui rentrent du cimetière, qui vont en vacances, ou en randonnée, ou ensemble pour le match ou pour prendre l’avion pour s’en aller loin, si loin, les pieds hors des chaussures, les sandwichs et les œufs durs, la mayonnaise en tube, les bouteilles, la bière, l’eau le vin, les livres, les journaux, les montres, les bracelets et les bijoux, et puis voilà qu’on s’endort, malcommodes, jambes repliées qui dépassent un peu dans le couloir, ou abandonnés sur l’épaule de la mère qui lit, ou tricote, nous n’avions pas alors de ces objets actuels, les casques, les vidéos dvd autres ordinateurs où regarder des films jouer travailler, non, juste un peu de lecture, alimentation boisson, le temps passe, la nuit tombe, voilà…

Quand on arrive en ville, le travail est terminé, on cherche une chambre, on demande aux contrôleurs si au foyer, par miracle, il y aurait un coin où s’installer, on économiserait alors les frais d’hôtel, on économise les frais de restaurant en mangeant sandwich et paquets de frites devant la gare, le sac à l’épaule qui pèse un âne mort, on l’abandonnerait bien à la consigne si on n’avait à la régler, on doit faire attention, c’est durant toute la semaine qu’il faudra vivre avec ce qu’on va gagner, on remplit les bouteilles d’eau aux fontaines des gares, je me souviens de celle de Metz, toute de pierres marron beige, grumeleuse, granuleuse, ou de celle de Strasbourg qui ne portait pas alors les stigmates de cette nouvelle mode urbanistique dite de la « lentille » comme il en est une à Saint-Lazare. Et les gares Avignon, Lyon Perrache, Saint Pierre des Corps, Bordeaux Saint Jean, Genève Cornavin non, l’aéroport ?

Je ne sais plus, le train qui s’arrête, les regards inquiets, la fenêtre, le bruit, comme ce jour dans le Cévenol où, après Nevers j’ai glissé dans le petit boyau entre les voitures, le changement brusque d’aiguillage, mon pied entre les wagons, mon mocassin blanc tout à coup tout noir de graisse, mon pantalon clair tâché, toute la ligne à enquêter dans cet état, mais entier, la peur rétrospective, mon pied… l’arrivée à Béziers, acheter un pantalon, des chaussures, vite, il est sept heures, l’été, la chaleur, les rires, le resto allez, tant pis.

Revenir à Paris, remettre les enveloppes à présent emplies de questionnaires comptés, donner quelques mots sur le voyage, lundi matin, gare de Lyon,

voilà, le siège du bureau, le chef d’équipe qui vous accueille avec un sourire « comme un lundi » et nous autres, à la fac, de l’autre côté de la Seine, argent bientôt au chèque, amphi bondé d’étudiants qui n’ont aucune idée de ce week-end, quelle importance ? tenter de suivre le cours de topologie, prendre des notes, regarder le monde, le resto U, aller au ciné, boire un verre en terrasse (rarement), retrouver ses amis, ses amantes, sa chambre, son toit, ses livres, son rythme. Vingt ans.

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déc 4, 2009

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