L'employée aux écritures

le blog de Martine Sonnet – ISSN : 2267-8735

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"Le problème de la nuit reste entier. Comment la traverser, chaque fois la traverser tout entière ?" Henri Michaux

Archives for utopiques

Progrès significatifs dans l’art de la discrétion

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Dans la salle d’attente de ce cabinet d’imagerie médicale des plus sophistiqués et des plus en vue de la ville

les hommes invisibles passent enfin inaperçus, leurs attentes ont été satisfaites – au risque d’être oubliés et que leur tour ne vienne jamais : la discrétion a son prix.

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juil 2, 2011

Pessoa avec interphone

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J’avais déjà croisé l’homme dans la rue Soufflot, c’était le 20 octobre 2009 mais je m’en souviens comme si c’était hier. Aujourd’hui, j’ai osé m’avancer jusqu’à sa porte. Je ne vous donnerai pas l’adresse, il n’aime pas trop être dérangé, sans compter qu’il en change souvent.

J’ai sonné timidement, juste une fois. J’ai attendu un certain temps (sans doute était-il occupé à ranger ses effets dans sa malle, il venait d’arriver ou allait repartir avec toute sa suite) et finalement Personne a répondu.

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mar 5, 2011

De la ville fantôme où l’histoire tourne en rond

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Quelques jours de cela, j’ai traversé une ville fantôme. Défense d’y naître comme d’y trépasser, jamais vous n’y trouveriez de pré/dis/posé à vous enregistrer, vous souhaiter la bienvenue ou prendre congé de vous, civilement. Et si d’aventure pareil événement, inaugural ou final (voire entre les deux, matrimonial) vous est advenu, ou à vos aïeux, dans cette ville du temps de sa splendeur, inutile de leur commander des extraits d’actes ou des fiches, individuelles ou familiales, avec ou sans mentions marginales, qui en attestent : ils ont d’abord scotché la fente de la boîte à lettres puis le dernier du bureau, en partant, l’a arrachée. S’est dit : prise de guerre.

Le commerce n’a pas survécu : plus moyen d’y trouver chaussure à son pied. Encore que dans cette boutique ils n’aient jamais eu un choix bien exaltant et que l’absence de vitrine à lécher leur ait toujours été un handicap pour développer leur affaire. Quand ils ont définitivement baissé le rideau qu’ils n’ont jamais eu, s’en étant toujours tenus aux deux battants de portes pleines qui protégeaient parfaitement la marchandise du soleil (mais aussi de toute convoitise), les successeurs désignés par l’enseigne, la compagnie des sapeurs-pompiers du district a très poliment décliné l’offre. Certes la signalétique était en place, mais leurs engins – sans parler de la grande échelle qu’ils avaient toujours un mal fou à replier après usage – ne rentraient pas.

Conséquence logique de toutes ces désertions, le correspondant local du principal organe de PQR couvrant la région a mis la clef sous la porte. Il avait hérité de l’ancien bureau du garde-champêtre, le dernier titulaire de la charge, un cul-de-jatte  ayant obtenu une dérogation  lui permettant de simplement afficher les avis à diffuser de part et d’autre de sa fenêtre. Une fois le dernier chien de la ville écrasé par la camionnette louée par l’officier d’état civil pour son déménagement, après le refus des soldats du feu d’occuper l’ancien magasin de chaussures, le localier a commencé à s’ennuyer comme un rat mort et puis finalement s’est pendu. Les pompiers arrivés trop tard n’ont pu que constater son décès qui n’a jamais été consigné sur aucun registre ni annoncé par voie de presse. Et pour cause.

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fév 6, 2011

Immeubles communicants

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Soit, collés aux rails, dressés, ces deux immeubles, longs, minces, de même élévation, reliés à leur sommet par une passerelle.

Immeubles qui, forcément, fonctionnent comme des vases communicants* entre lesquels les couples échangent leurs unités constitutives ; les familles se recomposent pour tendre à l’égalisation des fratries (en nombre et en sexes) ; les niveaux de vie (hauteurs de revenus, d’endettements et d’épargne) s’équilibrent. C’est là que le bât blesse et surtout les nouveaux habitants un peu mieux nantis que la moyenne et ignorants de la fonction exacte d’une passerelle qu’ils ont prise, avant de s’installer dans les lieux, pour un élément du dispositif d’évacuation en cas d’incendie. Ceux-là ont vite fait de rechanger d’adresse et malheureusement chaque déménagement, puis chaque emménagement, remettent toute la donne des équilibres à plat.

Dans la passerelle aveugle, comme la circulation est intense et continue, chacun est sommé de tenir sa droite (à la façon des nageurs de lignes d’eau encombrées des piscines municipales). La mise à l’essai d’un sens de circulation alterné avec feu de signalisation n’a pas fait ses preuves : générateur d’embouteillages et par tant de mouvements de panique dans les escaliers. Il est formellement déconseillé d’emprunter les ascenseurs pour accéder à la passerelle car ceux-ci ne suffisent plus alors à leur usage ordinaire de desserte des appartements hauts perchés.

Tout ce que j’espère quand je vois du train ces deux immeubles et leur trait d’union c’est, qu’au bout du compte, le bonheur des uns n’y fasse pas le malheur des autres.

* Petit hommage d’une non participante aux vases communicants d’hier, premier vendredi du mois, ayant suscité de beaux échanges d’écritures sur les blogs. On peut, pour les repérer, les aborder par le magistral, comme chaque mois, compte rendu de Brigitte Célérier ou grâce au cut-up, c’est nouveau, de Christine Jeanney.

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nov 6, 2010

Maison aux orties

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Ceux de la maison aux orties ont renoncé à sortir et même à faire de la soupe. Un temps, ils avaient maîtrisé la situation avec leurs potages, leurs tourtes, leurs terrines, leurs tartes, leurs cakes aux orties. Ils en fumaient, aussi, autant qu’ils pouvaient. Mais leurs invités – parce qu’à eux seuls il n’y arrivaient pas – s’en sont lassés des dîners tout à l’ortie, depuis les amuse-gueules avec l’apéro jusqu’au dessert ; sans parler de l’infusion digestive qu’il aurait été malséant de refuser avant de se séparer. Leurs plus proches voisins les premiers en ont soupé, sont partis, et la maison n’a jamais été relouée. Propriété en deshérence qui s’effrite. Reste le mur troué, vue sur orties et la gouttière pliée. Dans la maison aux orties, ils l’ont mal pris et ont définitivement fermé leurs volets. Pas voir ça, l’abandon. Ce qu’ils bouinent maintenant de l’autre côté, comment ils s’en sortent, pas idée. Ni même s’ils sont encore en vie.

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sept 29, 2010

Noyade interdite

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Je sais bien que c’est une bouée de sauvetage, mode d’emploi superflu, juste écrit dessus, dans le blanc, le nom du port d’attache rendu peu lisible, non par le déchaînement des flots, mais par la succession des averses qui l’ont battue de plein fouet. Il n’y pas de vitre protectrice ni de petit marteau accroché à saisir pour la briser : ce serait perdre un temps précieux. Une bouée de sauvetage, objet utile s’il en est, qu’il y aurait lieu d’arracher au plus vite à son support pour lui faire remplir son office si les circonstances l’exigeaient ; toute autre considération, notamment d’esthétique paysagère, serait alors la plus malvenue, passible même de poursuites pour non assistance à personne en danger. Mais, franchement, je souhaite que nul, promeneur trébuchant sur un rivage sapé par les ragondins, pêcheur aux ambitions démesurées, désespéré aux semelles de plomb, n’y contraigne : dépourvue de son heureux contraste circulaire ma photo perdrait son petit charme. Rien de plus monotone que cette promenade autour du plan d’eau un jour vaquant d’août sans soleil, mais il faut bien, sur le soir, finir par se dégourdir un peu les jambes. De quoi se jeter à l’eau. Heureusement, tout est prévu.

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août 21, 2010

Héroïnes

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L’employée aux écritures, à qui ses histoires de marquise ont légèrement monté à la tête,  peut bien rêver à de somptueux atours

dans lesquels elle finirait l’année en beauté, il n’en demeure pas moins qu’arrivée trop tard pour être

celle qui distribue les tartines dans l’encoignure de la porte et le jeune homme, gilet bleu culotte jaune la regarde,

celle dans la ronde devant le château, le sang des Valois coulait dans ses veines,

celle admirable quand elle choisissait ses colliers,

celle le soir sous le grand tilleul, sa main dans la main du précepteur,

celle enjointe par son mari de dormir maintenant, il le veut, la comédie est finie,

celle qui fait naufrage, et pourtant l’île et son amoureux si proches,

celle dont les yeux de fougère se sont ouverts quand tant d’autres se fermaient,

celle qui a lu trop de romans, alors dans la calèche,

celle que l’homme magnifique de l’autre côté de la baie n’a jamais pu oublier,

celle qu’Aurélien trouva laide, la première fois qu’il la vit,

celle qui manigance tout dans ses lettres avec son amant,

celle pour qui le vice consul de France à Lahore ruina sa carrière,

celle tremblante au côté de son mari sur le champ de courses,

celle de la petite bande au bout de la plage, en polo avec une bicyclette,

et même celle qui était, comme vous le savez déjà sans rien en savoir encore…

que vais-je bien pouvoir trouver à faire pour m’occuper en 2010 ?

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déc 31, 2009

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