L'employée aux écritures

le blog de Martine Sonnet – ISSN : 2267-8735

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"Le problème de la nuit reste entier. Comment la traverser, chaque fois la traverser tout entière ?" Henri Michaux

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Pierre Bergounioux, Carnet de notes 2001-2010, lecture in progress

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Le point, une semaine plus tard : parvenue au mercredi 31 décembre 2008, p. 947. Lu donc cinq années et demie cette semaine, coeur du livre et année décisives pour l’histoire du livre lui-même puisque c’est en décembre 2003 que Pierre Bergounioux se lance dans la reprise et dactylographie (dit-il : entendre saisie sur ordinateur) des notes jetées quotidiennement sur des cahiers dont il mesure qu’ils lui tiennent en moyenne neuf mois. Cahiers parfois vert, parfois rouge.

Donc Pierre Bergounioux, en même temps qu’il continue de coucher au stylo sur papier son quotidien du jour fait réafleurer dans son écriture, par ses heures de dactylographie, celui d’avant, le réévoque, le commente et nous replonge, nous adeptes de la première heure de ses Carnets, dans notre mémoire de leur lecture en même temps qu’il mobilise nos souvenirs des décennies charnières XXe-XXIe siècles. Curieux effet, en double et triple hélices (comme celles que l’auteur sculpte) des temps écrits, lus et vécus. Léger vertige pour nous, douloureux vertiges pour l’écrivain, et course contre la montre : que tous ces temps se rattrapent en heure et en temps, lui vivant – il se sent tellement vieux dans sa cinquantaine.

Récurrences infaillibles année après année : l’éclosion de la première jonquille à Gif, toujours vers le 20 janvier, la visite familiale à la foire de Paris autour du premier mai, la promenade du soir pour le parfum des tilleuls en juin, la bourse aux minéraux du PLM Saint-Jacques un dimanche en décembre. En tous temps le suivi de l’activité des salles de ventes de Versailles et Rambouillet et des arrivages en librairie – mais celle des PUF place de la Sorbonne ferme. Pour s’en tenir aux mois de vie urbaine. D’autres récurrences, tout aussi infaillibles, rythment les séjours corréziens.

Ce qui change radicalement dans le coeur du livre, c’est la vie de Pierre Bergounioux en enseignant : il quitte fin 2006 les classes de collège de l’Essonne pour les amphis de l’Ecole des Beaux-Arts, rue Bonaparte à Paris, où il vient enseigner la littérature. Respiration professionnelle nouvelle, mais bataille sévère contre les RER, et finalement acquisition en juin 2008 d’un téléphone portable, le plus simple possible : en cas d’ennui, je pourrai prévenir. Les cabines sont devenues choses rares et les ennuis ne manquent pas.

Signalons aussi, ces années-là,  l’usage devenu indispensable de l’appareil photo numérique pour compléter la prise des notes quotidiennes, la mise au rebut du minitel au profit d’une connexion internet maison, mais pas immédiatement l’ADSL puisque le téléphone n’est plus disponible quand on se connecte.

Pour en rester aux évolutions significatives, signalons encore la fin de la Renault 21 et le changement de marque du véhicule qui lui succède. D’ailleurs, par deux fois Pierre Bergounioux, longeant l’île Seguin constate les progrès de la démolition de l’usine, en septembre 2004 se rendant à la maison de la radio répondre aux question d’Alain Veinstein, puis le dimanche 5 août 2007. Cette fois c’est fini : les usines Renault, sur l’île Seguin, ont été rasées. Ne subsiste que le portail d’entrée, auquel fait pendant celui, en brique, à gauche, qui donne sur la chaussée. Quelque chose a pris fin, à n’en pas douter.

En novembre 2008 ce sont les forges de Syam, où il avait séjouné en 2002 et à propos desquelles il avait écrit, qui ferment à leur tour.

De la vie de famille sous toutes ses coutures (et lessives !), de l’amour et du souci des proches, je ne m’autorise pas à parler, sauf pour dire que je donnerais bien tout Jean-Claude Kaufmann et tout François de Singly pour les 30 années du Carnet de notes de Pierre Bergounioux.

PS : si vous cherchez sur ce blog d’autres articles consacrés à Pierre Bergounioux, voyez par ici :

Art de la jonquille chez Pierre Bergounioux : mise à jour 2016-2020

Un printemps bergounien malgré tout

Ouvrir l’année à Gif-sur-Yvette avec Pierre Bergounioux

Une jonquille par temps de chrysanthèmes (offerte par Pierre Bergounioux)

Tristesse des mois en -bre (selon Pierre Bergounioux)

Compression d’étés bergouniens

Lui et nous : à propos du Carnet de notes 2011-2015 de Pierre Bergounioux

Jonquilles primeures à Gif-Sur-Yvette : suite des Carnets de Pierre Bergounioux

Enfin visibles à Paris : des ferrailles de Pierre Bergounioux

Mots de la fin (provisoire) du Carnet de notes 2001-2010 de Pierre Bergounioux

Lecture en cours : Pierre Bergounioux, Carnet de notes 2001-2010

“Un concert baroque de soupapes”, Pierre Bergounioux sculpteur

Dans Les moments littéraires, Bergounioux

Histoire, littérature, sciences sociales – et Bergounioux

D’une page 48 de Bergounioux, et tout son monde est là

Couleurs Bergounioux (au couteau)

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jan 23, 2012

Lecture en cours : Pierre Bergounioux, Carnet de notes 2001-2010

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La raison pour laquelle je n’ai pas trop le temps d’écrire un billet de blog ce week-end est que je me suis jetée à tête perdue, il y a de cela juste une semaine, dans la lecture du troisième tome du Carnet de notes de Pierre Bergounioux celui qui brasse et embrasse les années 2001-2010 et vient de paraître. Toujours habillé du jaune Verdier et pour faire suite au tome 2, 1991-2000, paru en 2007, et au premier, 1980-1990, en 2006. Des livres que j’ai tous lus dès parution et toutes affaires cessantes.

Bilan d’étape sur le tome 3, en une semaine, à 19h01 (heure de l’ordinateur) ce dimanche soir j’en suis à la page 376, autrement dit au mardi 24 juin 2003, au terme d’une année scolaire particulièrement éprouvante pour le professeur de collège Bergounioux. (Année scolaire pendant laquelle il a la grande décence de refuser la légion d’honneur, ce qui n’est pas vraiment pour nous étonner). L’espace de ces deux ans et demi, janvier 2001-juin 2003, Pierre Bergounioux, tôt levé, écrit (à la main puis dactylographie à l’ordinateur et sauvegarde sur disquette) notamment Les forges de Syam (où il a passé une semaine en février 2002), Simples, magistraux et autres antidotesJusqu’à Faulkner, B 17 G, le court traité visant à faire mieux Aimer la grammaire, et le livre d’entretiens avec son frère, le linguiste et écrivain Gabriel Bergounioux, Pierre Bergounioux, l’héritage.

Donc je n’ai rien écrit de la semaine pour donner le maximum de temps à cette lecture et si je n’ai pas avancé plus c’est qu’il y avait aussi le travail quotidien à assurer ; j’ai cependant mis toutes les chances de mon côté en changeant mes lunettes pour l’occasion.

Ce qui est assez troublant avec ce tome, c’est comme le temps du journal rattrape le nôtre, celui de la lecture. Voir par exemple Pierre Bergounioux dépenser ses derniers francs et retirer ses premiers euros à un distributeur ou le voir pester de plus en plus fréquemment contres les conversations ineptes infligées en tous lieux publiques par les portables (mais l’on cherche encore à savoir sur un minitel si un avion s’est posé).

Pour le reste toujours la fascinante fusion des vies d’écriture, de labeur enseignant, de famille et domestique. Ah ces fameuse lessives séchant sur les hauteurs de Gif-sur-Yvette entre deux grains ! concurrencées de plus en plus il me semble par l’épluchage des légumes, ou le passage au supermarché dès 8h30 du matin. Et les soubresauts de la R21 remontant de Corrèze bourrée de ferraille jusqu’à la gueule et lors d’un voyage même littéralement soulevée de la route par une hélice d’avion imprudemment arrimée sur son toit…

Mais sous la surface des jours et leur répétition, sans répit sourd l’angoisse de ne pas atteindre le but que s’est assigné l’adolescent de 17 ans : comprendre ce qu’il fait là – dût-il dévaliser sa vie durant toutes les librairies du monde, en “extraire” tous les livres. Pierre Bergounioux extrait ses lectures (recopie les passages qui lui plaisent le plus) comme le faisaient les lettrés du XVIIIe siècle

La cinquantaine venue, escortée comme toutes les cinquantaines de douloureuses disparitions de compagnons de route, et la notoriété de l’écrivain source d’incessantes sollicitations (le téléphone sonne de plus en plus dans la maison) et nombreux voyages (de Cuba à Sarajevo) lui laissant bien le peu le temps de s’appartenir ne peuvent qu’aggraver son angoisse. La tonalité dominante de ces années 2001-2010 est bien sombre, même si ce 24 juin 2003 C’est encore une éclatante journée qui commence – la canicule ne tardera pas.

Ceci dit, j’y retourne, au 24 juin 2003.

PS : si vous cherchez la suite et d’autres articles sur ce blog à propos de Pierre Bergounioux, voyez par ici :

Art de la jonquille chez Pierre Bergounioux : mise à jour 2016-2020

Un printemps bergounien malgré tout

Ouvrir l’année à Gif-sur-Yvette avec Pierre Bergounioux

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Lui et nous : à propos du Carnet de notes 2011-2015 de Pierre Bergounioux

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Mots de la fin (provisoire) du Carnet de notes 2001-2010 de Pierre Bergounioux

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“Un concert baroque de soupapes”, Pierre Bergounioux sculpteur

Dans Les moments littéraires, Bergounioux

Histoire, littérature, sciences sociales – et Bergounioux

D’une page 48 de Bergounioux, et tout son monde est là

Couleurs Bergounioux (au couteau)

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jan 15, 2012

Fragments de “Fragments du métropolitain” de Jeanne Truong

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J’ai découvert le livre Fragments du métropolitain en écoutant son auteure, Jeanne Truong, l’évoquer dans l’émission Du jour au lendemain d’Alain Veinstein que j’écoute presque tous les soirs parce que c’est l’un des lieux où l’écriture se parle le mieux, en respectant la lenteur et les silences qui s’imposent parfois.

Immédiatement eu envie de lire ces fragments nés d’une dizaine d’années de notes brèves saisies dans le vif de trajets et de correspondances du métro parisien, pressentant une familiarité souterraine entre ces notes et celles que je prends en traversant ma gare quotidienne.

Sauf que dans les wagons, dans les couloirs et sur les quais, Jeanne Truong est d’abord attentive à la foule des corps, à leurs mouvements, leurs frôlements, leurs défaillances et aux sommeils qui les emportent souvent, têtes contre vitres, quand dans ma gare  je cherche plutôt les espaces vides de toute présence. Il n’empêche que quelque part nos regards se croisent – comme avec ceux d’Anne Savelli, de Cécile Portier et de Piero de Belleville à qui j’ai souvent pensé en lisant le livre.

Pour vous mettre en bouche (de métro), quelques brefs extraits des Fragments du métropolitain de Jeanne Truong, avec des photos prélevées dans l’album “Paris divers 2010-2011″ de mon iPhoto - sommairement rangées là mes captures métros, bus et ce qui y ressemble (mais le Montparnasse monde jouit d’un album à lui tout seul) – , à quoi j’ajoute un fragment sonore engrangé station Saint-Michel si je me souviens bien.

Non rien de rien (mp3)

(…) le vide existentiel que tout le monde éprouve à Paris n’est pas seulement une projection mentale, elle est l’influence physique du grand trou dans lequel on a construit le métro. (Jeanne Truong, Fragments du métropolitain, p. 26)

Brouhaha causé par le voisinage de plusieurs langues étrangères. Comme c’est reposant de n’y rien comprendre, d’avoir la sensation d’être ailleurs, non seulement dans une contrée de Babel, mais encore dans les arbres, à l’intérieur d’un pépiement d’oiseaux. (Jeanne Truong, Fragments du métropolitain, p. 28)

Odeur de vieux chat qui se réveille. Odeur d’eau de Cologne. Si je me lève et change de place, elle n’en saura rien. Suis-je devenue faible au point de ne pas supporter les odeurs d’une vieille ? (Jeanne Truong, Fragments du métropolitain, p. 35)

Partout, le roulement des escalators tel un tambour militaire, la masse cadencée des régiments de guerre, emmenée dans la bataille de la production journalière. (Jeanne Truong, Fragments du métropolitain, (p. 37)

Voyager à côté d’un bel homme tranquille, calme comme un animal de compagnie, bonheur indicible quand le train passe au-dessus de l’eau. (Jeanne Truong, Fragments du métropolitain, p. 98)

Aujourd’hui, quatre heures sur la ligne 6. Je suis là. (Jeanne Truong, Fragments du métropolitain, p. 114)

Celui qui regarde dans la masse, en quête de son alter ego, le trouve dans les détails. Et, au fond de lui, le désir de se démarquer de la multitude. (Jeanne Truong, Fragments du métropolitain, p. 143)

A cette minute (…) quatre femmes de Brest donnent leurs impressions de Paris, ayant adoré le quartier de Montparnasse, tandis qu’un jeune Chinois, ébouriffé, bâille en lisant son journal, à son bras une jolie blonde, la tête contre la fenêtre, les yeux sur un homme mûr, lui-même retenu de la main par une Italienne à l’air autoritaire, élancée dans un grand manteau en velours. (Jeanne Truong, Fragments du métropolitain, p. 182)

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jan 7, 2012

La chance d’avoir Henri Matisse pour voisin

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Depuis quelques jours j’ai un deuxième livre sur Matisse, mais de format beaucoup plus réduit que le premier.

Le premier, celui de Pierre Schneider, je l’avais reçu en cadeau, peu après sa parution. Le nouveau, c’est le petit livre de Peter Kropmanns que je découvre parce qu’il est exposé dans une vitrine de librairie à Issy-les-Moulineaux – de l’utilité toujours de ces vitrines quand elles sont bien composées : nulle part dans la presse papier ni sur le web je n’avais repéré sa parution et pourtant j’ouvre l’oeil. Présence logique dans cette ville puisqu’il s’agit de Matisse à Issy, l’atelier dans la verdure.

J’ai plusieurs raisons d’être sensible à ce joli petit livre. Les deux principales étant, la première que Matisse est le peintre dont j’ai le plus envie d’habiter les tableaux, en familiarité spontanée et évidente avec personnages, motifs, décors. Etre celle qui converse avec l’homme en pyjama, rêver ou lire dans un fauteuil près d’une table ronde avec pot de géraniums ou bocal de poissons rouges, tapis sous les pieds, rideaux épais. Je crois que cela remonte à ma première visite (classe de 2nde C4D 1970-1971 lycée Rabelais Meudon accompagnée de notre fantastique professeure de lettres alors Annie H.), au Musée national d’art moderne d’avant Beaubourg, donc au Palais de Tokyo, et à mon émerveillement devant sa Blouse roumaine immédiatement adoptée par ma garde-robe.

La deuxième, Matisse a été quasiment mon voisin de 1909 à 1917 et le livre de Peter Kropmanns est précisément consacré à ces années où le peintre habite et travaille à Issy-les-Moulineaux tout près de la gare de Clamart ; commodité d’accès qui justifie son choix. Quand Matisse prospecte, il écrit à Albert Marquet en avril 1909 après une première visite : J’ai déjà vu quelque chose de très bien à Clamart, ou plutôt à Issy-les-Moulineaux, à 10 minutes de la gare de Clamart. Compter encore à l’époque dix bonnes minutes de train pour Montparnasse (sept aujourd’hui).

Le livre de Peter Kropmanns relève de la tentative d’épuisement des neuf années pendant lesquelles le 42, route de Clamart, – aujourd’hui 92, avenue du Général de Gaulle – sera l’adresse principale de Matisse.

Sa maison – l’atelier a été démoli, le terrain attenant sur lequel Matisse le fait construire dès son arrivée a été vendu et construit de longue date – je la connais bien. Le bus 394 passe devant (dans les deux sens) et à vrai dire c’est du bus et de sa hauteur qu’on la voit le mieux, le regard passant alors au dessus du mur qui l’enclôt. Toujours heureuse d’y voir des fenêtres ouvertes ou de la lumière le soir en hiver. Je me suis longtemps désolée de son état d’abandon et puis, fort heureusement, depuis 2007 la villa réveillée abrite les archives Henri Matisse. Archives d’où proviennent les précieuses photos nous invitant chez le peintre, grand honneur qui nous est fait.

C’est d’abord la vie de banlieusard du peintre que raconte Matisse à Issy, l’atelier dans la verdure, vie de famille et vie d’artiste, en même temps que sont évoquées les oeuvres nées de ce qu’il a sous les yeux, intérieurs de la maison ou de l’atelier, fenêtres sur jardin, jardin, et de ses promenades dans les environs, à Clamart, à l’étang de Trivaux, à Villacoublay ou à Malabry. Mais les voyages, l’Espagne, la Russie, le Maroc, et les villégiatures, Nice ou Collioure, qui entrecoupent le séjour et les toiles qui en portent souvenir sont là aussi.

Récit simple et attentif aux moindres détails domestiques de la vie isséenne du peintre avec son épouse Amélie, et les enfants Marguerite, Jean et Pierre, sans oublier les chiens et les poissons rouges.

C’est le train que l’on prend gare de Clamart pour aller à Paris et que l’on fait prendre aux visiteurs et acheteurs. Passent par là Pierre Bonnard, Alice et André Derain, Josette et Juan Gris, Albert Gleizes, mais aussi Serge de Diaghilev, Diego Rivera, Gertrude Stein, Pablo Picasso, entre autres.

C’est la composition du jardin, les belles heures qu’on y passe en été, mais l’isolement qu’on ressent à Issy en hiver malgré le confort de la maison – salle de bains avec baignoire, radiateurs dans chaque pièce, ligne téléphonique – quand les visiteurs se font plus rares. Le mal de Paris qui prend parfois l’artiste et la location d’un appartement 19 quai Saint-Michel pour y remédier quand il saisit trop fort.

Lecture émouvante, lecture de proximité : Matisse et moi fréquentons la même gare

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juin 17, 2011

Dans Les moments littéraires, Bergounioux

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J’aime aller chaque octobre faire un petit tour au Salon de la revue à l’Espace Blancs-Manteaux, y  rencontrer les éditeurs intellectuels de revues appréciées ; revues de création littéraire et revues de sciences humaines, revues papier et revues en ligne côte à côte. D’ici là, la revue publie.net, numérique donc, animée par Pierre Ménard tenait bellement sa place dans l’article à propos du salon dans le Libé  du week-end.

Au salon de la revue j’ai acheté le numéro de la revue Les moments littéraires (n° 24, 2e semestre 2010) que je convoitais depuis que j’avais repéré son existence. Son dossier est consacré à  Pierre Bergounioux, “greffier de ces jours” avec extraits de ces notes quotidiennes pour l’année 2003, août 2003 pour être plus précise. Jours de canicule : il fait chaud à Gif, il fait chaud en Suisse et il fait encore plus chaud à Brive où l’écrivain rejoint d’urgence son frère Gabriel au chevet de leur mère frappée d’un accident vasculaire cérébral et reprenant lentement ses esprits, ses mots et, plus lentement encore, ses gestes.

C’est un avant-goût (tout y est dans ces quelques pages, des petites heures des levers au changement de réfrigérateur) du tome 3 du Carnet de notes qui couvrira, j’imagine, les années 2001-2010. Lecture attendue. Les bonnes feuilles – portant si bien leur beau nom – sont précédées d’un texte de François Bon sur Le taiseux Bergounioux (nul autour de lui ne savait l’entreprise des carnets de notes en cours).Texte de François Bon éveillant le souvenir d’un autre, inclus lui dans  Tumulte (p. 384-388 – mais il faut tout lire et relire de ce livre), “Presque un journal”, dans lequel il évoque sa stupeur admirative à la lecture sur son écran des épreuves du premier Carnet de Notes.

Entre l’avant-propos signé de l’ami et les extraits d’août 2003, un très bel entretien de Gilbert Moreau avec Pierre Bergounioux. Puis les bonnes feuilles (et l’étonnement que suscite la lecture de ces paragraphes de prose familière dans un format et sur un papier différents de ceux des gros volumes souples Verdier), qui s’enchaînent de façon très émouvante avec quelques pages tirées des notes écrites par le père, Raymond Bergounioux, sur l’enfance de Pierre (comme il en existe aussi sur son frère cadet). Notamment père et fils ensemble à la pêche pour la première fois.

Pour mémoire : une autre revue a consacré récemment un numéro à Pierre Bergounioux, Le préau des collines, n°11, paru au printemps.

Dans les deux sens, entre Saint-Michel et la rue Vieille du Temple, la Seine traversée par ses deux îles. Je ne retouche pas mes photos prises du pont entre les deux, mais il faisait sombre et froid dimanche.

PS : si vous cherchez d’autres articles de ce blog consacrés à Pierre Bergounioux, en voici quelques uns :

Art de la jonquille chez Pierre Bergounioux : mise à jour 2016-2020

Un printemps bergounien malgré tout

Ouvrir l’année à Gif-sur-Yvette avec Pierre Bergounioux

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Pierre Bergounioux, Carnet de notes 2001-2010, lecture in progress

Lecture en cours : Pierre Bergounioux, Carnet de notes 2001-2010

“Un concert baroque de soupapes”, Pierre Bergounioux sculpteur

Histoire, littérature, sciences sociales – et Bergounioux

D’une page 48 de Bergounioux, et tout son monde est là

Couleurs Bergounioux (au couteau)

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oct 19, 2010

D’azur et d’acier – livre briqué de Lucien Suel

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De Fives, je connaissais le nom inscrit dans la litanie Caulier, Fives, Marbrerie, Pont de Bois stations de la ligne 1 du métro lillois dans lequel on s’engouffre arrivant en TGV  de Paris pour rejoindre au plus vite le campus universitaire de Villeneuve d’Ascq.

Noms de lieux sous lesquels on passe sans en voir les couleurs, mais grâce à Lucien Suel je sais maintenant, pour Fives, que c’est D’azur et d’acier (pour parler comme un blason), mais aussi et surtout de brique. Tellement de briques, même, qu’il faut à la mise en page et à la typographie de son livre D’azur et d’acier savoir les empiler.

Lucien Suel a séjourné trois mois d’hiver en résidence d’écrivain à Fives, commune absorbée par la communauté urbaine lilloise, mais qui garde la distinction de son passé industriel chevillée à l’âme. Pas n’importe quel passé : à Fives, longtemps a mugi une usine dans laquelle on fabriquait des locomotives, de celles qui ont fait briller les rails sur les prairies les plus lointaines et cinématographiques, jusqu’au Far West.

Fabriquer des locomotives (des ponts et des ascenseurs aussi), ça vous classe et vous occupe une ville, surtout quand on en fabrique pendant 150 ans. Aussi, quand la production s’arrête, il vous reste

un coeur qui ne bat plus, un coeur en capilotade et un cerveau dispersé avec tous ceux qui ont travaillé ici, dont le vaste savoir-faire n’a été enseigné ou transmis à quiconque

(parmi eux, un certain Degeyter, le musicien de L’Internationale) et l’usine FCB, pour Fives-Cail-Babcock, – un concentré de puissance et d’intelligence – emprise muette et stérile contenue derrière son mur d’enceinte : 5 mètres de hauteur, en briques.  En faire quoi ?

Alchimie heureuse du quotidien de l’écrivain résident (jusqu’au bifteck dans le frigo), d’une enquête sur le passé de l’usine et de la commune, de la rencontre de son présent, en causant avec celles et ceux qui l’entourent, en lisant le Canard de Fives, en marchant, en furetant, en se frottant par tous les pores à la ville, et de la “réduction” poétique des briques  omniprésentes, le livre procure un singulier bonheur de lecture.

Et ce n’est pas tout : les éditions La contre allée proposent sur leur site un complément audio  à télécharger livre en main. Une petite merveille d’intelligence et de poésie croisant la voix de Lucien Suel et l’accordéon diatonique de Laure Chailloux. En complémentarité parfaite avec un livre bel objet.

Je crois bien que la prochaine fois que je roulerai en métro vers Villeneuve-d’Ascq, à Fives, je remonterai à l’air libre mettre mes pas dans ceux de Lucien Suel à la rencontre des orphelins des locomotives, privés encore du souffle de l’usine qui les portait au monde.

De Lucien Suel j’avais déjà beaucoup aimé Mort d’un jardinier et La patience de Mauricette, avec leurs couvertures à objets (brouette, panier) à la Table ronde. A suivre encore, sa présence blog et texte numérique, aussi avec Josiane Suel, chez publie.net.

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oct 7, 2010

Cafés fermés et “Le train des jours” de Gilles Ortlieb

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Extrait méticuleusement recopié de Gilles Ortlieb, Le train des jours (Ed. Finitude, 2010)

Sur le chemin de Gandrange, visité plusieurs fois ces derniers mois, traverser en plusieurs sens le chapelet des localités moyennes et mitoyennes qui s’étendent depuis Thionville jusqu’aux vallées de l’Orne et de la Fensch (Florange, Fameck, Hayange, Rombas, Vitry-sur-Orne, Boussange…) où je pourrais presque, maintenant, tenir la chronique des fermetures, abandons, disparitions (la boucherie-charcuterie de M. Lhuillier, par exemple, désormais condamnée à Clouange, tout comme le Café du Commerce dont j’avais poussé la porte il y a quleques mois, le temps d’échanger quelques phrases avec un patron déjà très désabusé). Ce qui ne répond pas pour autant à la question, si ancienne qu’elle devrait avoir cessé d’en être une : mais que vient-on chercher là – quelle révélation ou confirmation, quelles leçons ? – dans ces endroits si ordinaires et perdus qu’ils n’existent, très passagèrement, que pour ceux qui les traversent – ou pour ceux qui y vivent.

Livre recueil de signes de vie, que ce soit à Luxembourg (où le Portugal se profile) où Gilles Ortlieb travaille, en Grèce où il se promène, en Lorraine comme dans l’extrait cité, où il déambule sans savoir très bien ce qu’il cherche, ou à Lisbonne où il finit l’année puisque ses textes sont les glanes d’une année qui pourrait être 2008. Des voyages, des lectures, quelques événements privés, quelques événements publics. Une écriture attentive et sensible ; pudique aussi, ce qui en fait toute la force quand le train des jours n’amène pas que du bon.

J’ai choisi l’extrait des pages 63-64 parce que le Café du Commerce qui ferme à Clouange m’évoque le Café du Courrier, fermé, que j’ai photographié à Saint-Claude cette semaine et les questions qui ne peuvent manquer de surgir devant sa devanture blanchie. Ce qu’ils sont devenus ceux qui ont eu, un temps, plaisir à se retrouver là. Et ce qui fonde le désenchantement des patrons de café, de Clouange à Saint-Claude, occultant leurs vitres les uns après les autres.

Le livre de Gilles Ortlieb, je l’ai acheté un peu  ”par raccroc”. Je ne savais pas qu’il venait d’en publier un nouveau. J’étais entrée jeudi soir dans la librairie Tschann à cause de ce coin de vitrine résolument industrieuse, qui rapprochait les grands livres d’Alain Pras et d’Edward Burtynsky de celui de Bernd et Hilla Becher, Bergwerke und Hütten. C’est celui des Becher que je voulais voir de plus près et Muriel me l’a extrait de la vitrine. Il n’y est jamais retourné. C’est comme je terminais de le payer (par carte) que la pile de petits Ortlieb posée devant la caisse a attiré mon regard et j’ai aussitôt  sorti mon porte-monnaie pour compléter mes achats. Achats groupés cohérents : dans le livre des Becher, des sites sidérurgiques dont parle Ortlieb, Rombas par exemple, sont photographiés.

Et puis vendredi matin, nouvelle heureuse découverte : tout à la fin du Train des jours, Ortlieb fait allusion à sa lecture d’Atelier 62 et en cite un extrait. Tout cela est parfaitement logique finalement. C’est d’ailleurs ce dont nous convenons avec Muriel, lorsque, quelques heures plus tard, la boutique se situant sur mon trajet le plus quotidien, j’ai  passé la tête dans la librairie pour lui dire la coïncidence qui n’en est pas une.

J’aime aussi beaucoup cette note brève de Gilles Ortlieb parce qu’elle sonne familier : “Réfugié dans la pièce du fond”. Je ne vois pas comment, parfois, résumer autrement la situation.

Pièce du fond de soi : celle d’où l’on écrit.

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mai 22, 2010

Dublin, Dubliners, Dublinesca

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Découvrir Dublin, ce sera pour une autre fois (c’est convenu – consolation), ainsi en ont décidé les cendres…

Préparation pourtant soignée, avec Christine Weld et Fabrice Rozié, et je me réjouissais de parler et entendre parler là-bas de villes et de littérature, puisque la ville était le thème de ce 11e  festival franco-irlandais.

J’aurais parlé de tout ce que je lis de l’histoire et de l’invention littéraire de Paris sur les façades de ses maisons quand je marche quotidiennement dans la ville, de tous ces écrivains qui collent à mes basques.

Je me réjouissais aussi d’avoir l’occasion de tracer en lecture un parcours de découverte dans le cher Montparnasse monde et d’en montrer des images.

Et puis, de vive voix, j’aurais dit à Enrique Vila-Matas l’heureux moment passé à lire son récent Dublinesca, fourmillant de réflexions aussi réjouissantes et référencées que  le “Avoir une mère et ne pas savoir de quoi parler avec elle !” de la page 150 emprunté à la plume de l’écrivain tchèque (qui gagne à être connu) Vilém Vok. Un écrivain publié par le héros du roman, éditeur au catalogue estimé mais à la maison périclitée.

Toujours dans les parages, Joyce et Beckett, bien sûr, puisque la grande affaire c’est d’aller à Dublin LE jour où il faut aller à Dublin, mais jamais très loin non plus, parmi beaucoup d’autres, Paul Auster ou Edward Hopper (et Hammershoi aussi). Les villes autour de l’éditeur Riba grouillent de génies en tous genres, tandis que ses démons à lui le rongent de l’intérieur – sans parler du harcèlement exercé par son épouse et ses vieux parents, des gens qui “s’aiment depuis toujours, voilà précisément pourquoi ils se haïssent”.

Entre Barcelone, qu’habite le héros, Dublin, New York, Londres et Paris, les fils d’écriture se croisent et se recroisent jusqu’à tisser une toile qui n’attend plus qu’un bon moteur de recherche… Parce que l’éditeur retiré des affaires est devenu un peu hikikomori sur les bords.

Dublinesca n’a fait que croître et embellir mon envie d’aller à Dublin, mais au terme d’une journée passée à scruter le nuage, j’ai fini par me résoudre ce soir à défaire mon bagage et ranger ma tenue de voyage.

avr 16, 2010

Sous prétexte de question d’appendicite, aller à Gabrielle Roy

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Parmi les questions récurrentes posées à L’employée aux écritures par les moteurs qui cherchent pour vous, à côté de toutes celles relatives à l’art du pliage des serviettes, il y a celle de l’appendicite.

Ou plus exactement des suites de l’appendicectomie, du normal et du pathologique, de ce qu’il convient de faire ou de ne pas faire et à quel moment, avec quelles précautions, dans le cours de la convalescence. La précision clinique de certaines de ces interpellations me valant parfois des haut-le-coeur, je préfère ne pas m’arrêter à y répondre.

Heureuse, en revanche, que ces histoires d’appendicite m’amènent à évoquer une de mes lectures récentes les plus marquantes, celle du récit autobiographique de Gabrielle Roy La détresse et l’enchantement (éd. Boréal, 1984) acheté à la Librairie du Québec, rue Gay Lussac, à deux pas de mon bureau. Et comme je faisais remarquer au libraire que cet écrivain était bien à l’honneur dans son rayon littérature, il a souligné que Gabrielle aurait eu 100 ans l’année dernière, puisqu’elle est née, à Saint-Boniface au Manitoba, en 1909 (et morte à Québec en 1983).

Au Manitoba, sa famille lutte pied à pied pour exister dans sa langue – française -  une langue méprisée, cernée d’une culture autre, comme pour joindre les deux bouts. Pour en apprendre plus à son propos, je vous renvoie à cette page de François Bon qui en son Tiers Livre, de son séjour québecois, a très bien fait les choses pour donner envie de la lire. Merci à lui.

Le rapport avec l’appendicite j’y arrive : son récit d’enfance s’ouvre, à quelques pages près, sur l’opération subie à l’âge de 11 ans, événement fondateur dans la conscience qu’elle prend du monde – différent du sien – qui l’entoure. Il faut dire que La détresse et l’enchantement commence par ces mots : Quand donc ai-je pris conscience pour la première fois que j’étais, dans mon pays, d’une espèce destinée à être traitée en inférieure ? Et que le séjour à l’hôpital et l’opération que les parents se saigneront aux quatre veines pour payer est décisif dans cette perception.

A 11 ans comme Gabrielle et dans le même sentiment que mon appréhension du monde progressait de façon fulgurante du fait de cette semaine passée en clinique, j’ai été opérée de l’appendicite. Comme s’il fallait en passer par cette anesthésie générale, au réveil alors tellement pénible – c’est mieux dosé maintenant -, pour que la conscience, dans sa totalité, s’éveille enfin. L’anesthésie générale, comme préalable à un réveil général, une sorte  d’ébrouement qu’on ne serait jamais allé chercher aussi loin.

Une expérience partagée, point commun entre Gabrielle et moi, parmi de nombreux autres apparus au fil de ma lecture. Par exemple : le fait que nos mères ayant déjà de nombreux enfants et surtout des filles, nous aient mises au monde au même âge tardif exactement, en terminant ainsi avec nous de leurs maternités. Et tout ce que cette position particulière dans la fratrie génère comme conséquences.

(D’ailleurs, pour en revenir à l’appendicite, ma crise s’était déclenchée en l’absence de mes parents, et mes soeurs aînées avaient pris les choses en main, faisant le nécessaire dans l’urgence qui s’imposait).

Ces opérations, qui se sont raréfiées me semble-t-il – aucun de nos fils n’y est passé -, cassaient l’ordinaire de nos jours et rompaient la marche de nos scolarités. Ce temps là, qui ne passait pas pareil, perdurait dans une dispense de gymnastique. Et malgré cela, phobie durable que ma cicatrice ne se rouvre.

A la clinique, pour la première fois de ma vie j’ai bu du thé, et alors que le personnel se désolait de devoir me faire partager une chambre d’adulte, quand je m’en réjouissais, fuyant comme je pouvais toute sociabilité enfantine, je nouais là une relation prolongée avec cette jeune femme dont il avait fallu interrompre une grossesse extra-utérine. Tous mes efforts pour me représenter cette douleur échouaient contre ma frayeur à l’idée qu’un enfant puisse ainsi prétendre pousser à l’extérieur de soi. Contre soi.

De nos ventres, de ce qu’il fallait parfois en extirper, de l’ordre social qui régnait autour de ces interventions, de ce qui pouvait s’en dire, de ce qui devait s’en taire : autant de leçons de vie accélérées.

Pour en revenir à Gabrielle Roy, que je continuerai à lire en allant chercher ses romans, (le libraire du Québec n’a pas fini de me voir), cette premier lecture me laisse – au-delà de tellement de reconnaissances -, grande ouverte une fenêtre avec vue sur le Manitoba. Je n’avais, jusqu’à la lire, pas la moindre idée de ce à quoi pouvait bien ressembler le Manitoba, de ce qu’on pouvait éprouver à vivre là-bas. Je mesure maintenant à quel point cela manquait dans mon paysage.

fév 20, 2010

Des centrales, en littérature et en photographie

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L’employée aux écritures voit des centrales nucléaires partout.

D’abord il y a La centrale, celle d’Elisabeth Filhol (chez P.O.L.), à lire pour se glisser dans leurs enceintes interdites avec les équipes itinérantes de travailleurs intérimaires qui interviennent pour la maintenance des réacteurs pendant les arrêts de production. Bossent jusqu’à avoir leur dose. S’arrêtent. Roulent et vont s’embaucher dans une autre. 19 centrales, 19 stations possibles, distances à la ville toujours maintenues. Des hommes qui partagent voitures pour les trajets et caravanes fixes sur des campings pour se loger, comme rouler, plus économiquement, sinon à quoi bon ? Dans le roman d’Elisabeth Filhol il y a les centrales, le travail, les hommes, et tout est également important et justement posé et exposé par l’écriture.

Et puis il y a les centrales dans les paysages, photographiées par Jürgen Nefzger, qu’on a pu voir sur Arte dans le dernier numéro de Metropolis. La série s’appelle Fluffy Clouds, et est exposée à Toulouse au  Château d’eau jusqu’au 7 février. Quand on vient de lire celle d’Elisabeth Filhol, on réagit forcément à ces images étonnantes, grand angle, souvent avec personnages comme si de rien n’était – l’étonnant pêcheur à la ligne au repos dans son transat !. Seulement quoi qu’il se passe au premier plan, à l’arrière toujours des tours et des fumées. Une constante photographique (on pense, parce qu’on l’aime, mais c’est très différent comme regard, au beau travail des Becher, bien sûr).

Enfin qui dit constance + centrale, appelle Philippe de Jonckheere qui note semaine après semaine, en allant au travail en train de Paris à Clermont-Ferrand, ses pensées au moment où son téoz passe au droit de la centrale de Neuvy-sur-Loire qu’il prend alors systématiquement en photo, sauf incident qui l’en détourne, comme trop de fatigue parfois. C’est à lire (avec milles autre choses graves, tendres, et parfois colères) dans le bloc-notes de son Désordre. Mais pour en rattraper 424 pages d’un coup, si on ne le suit pas, c’est plus pratique de passer par publie.net – parce que son Désordre, on s’y perd et tant mieux, c’est fait pour.

Et quand on est fidèle au bloc-notes et qu’on se retrouve dans un TGV qui longe au loin une centrale, c’est plus fort que soi…

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jan 19, 2010

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