le blog de Martine Sonnet – ISSN : 2267-8735
"Le problème de la nuit reste entier. Comment la traverser, chaque fois la traverser tout entière ?" Henri Michaux
A lire absolument dans Le Monde paru ce soir, donc daté mardi 28 octobre, p. 20 de l’édition papier, si vous l’avez, et ici pour la version numérique (à saisir vite avant qu’elle ne se transforme en archive payante), la pleine page consacrée par Sophie Landrin aux forgerons de Bogny-sur-Meuse qui attendront de pied ferme demain Nicolas Sarkozy à Rethel. C’est devant eux qu’alors candidat, il y a deux ans, il avait osé lancer sont fameux “Travailler plus pour gagner plus” et promis la fin des délocalisations et des agissements des patrons voyous…
Sarkozy élu, deux ans plus tard, taux de chômage de 23 % à Bogny-sur-Meuse, liquidation de Thomé-Génot (pôles alternateurs) et de Lenoir et Mernier (boulons). Et les forgerons des Ateliers des Janves en ont gros sur le coeur avec leurs 1200 euros au bout de 28 ans de maison.
Quand on lit les propos de ces forgerons des Ardennes en 2008 – “à la forge quand vous avez fait vos sept heures vous êtes complètement cassés ; en juillet, l’atelier, c’est une fournaise, il fait 60° derrière les fours” ou encore “à 50 ans on est fichu physiquement” -, on se croirait revenu dans l’atelier 62 de Billancourt en 1950, moins l’espoir d’une vie meilleure pour leurs enfants.
C’est qu’au fond, la forge, c’est plus qu’un décor, alors : mesurer, je me suis dit, mesurer dans quel sens elle influe sur ce travail, et dans quel sens aussi ce travail influe sur le reste du temps: c’est défendre tout le temps l livre, peut-être ? Je me demande, et c’est une question qu’il faudrait élucider (enfin, il faudrait, c’est beaucoup dire), c’est-à-dire : l’acier, les alliages, la fonte, le feu, toute cette mythologie, ou ce décor et ces corps alors, déjà brisés avant l’heure, avant l’âge, comme si, de l’intérieur déjà, les éléments s’en étaient emparés, c’est ça, au fond, il y avait dans le livre que je lisais quelque chose comme ça (conseillé par le notulographe) : “mais est-ce qu’on est vraiment là pour ça, métro télé dodo, métro télé dodo, et condamné à faire ça jusqu’à être épuisés et n’en plus pouvoir ?” je ne cite, pas envie de rechercher mais c’est l’esprit (“la voix” arnaldur indridason, point seuil mais policier) un peu quelque chose comme ça, une sorte de calvaire
Sur l’enclume de l’opinion, le grand Chef tape comme un sourd. Les éclats de feu qu’il envoie ne sont que fumerolles disparues dès qu’émises.
Le forgeron préoccupé uniquement de sa propre image en vient à se frapper lui-même (faux-mouvements, tics en boomerang). Son activisme dégage une petite fumée qui ne trompe plus personne.
Même le parti majoritaire en vient à oser critiquer ses dernières mesures (des “emplois aidés” par ici, des CDD par là…).
Un jour il va finir par prendre le marteau sur les doigts, et ça sentira la chair grillée.
Et le portage de journaux à domicile n’est sûrement pas la panacée : pas vraiment un métier d’avenir !