le blog de Martine Sonnet – ISSN : 2267-8735
"Le problème de la nuit reste entier. Comment la traverser, chaque fois la traverser tout entière ?" Henri Michaux
J’ai découvert le livre Fragments du métropolitain en écoutant son auteure, Jeanne Truong, l’évoquer dans l’émission Du jour au lendemain d’Alain Veinstein que j’écoute presque tous les soirs parce que c’est l’un des lieux où l’écriture se parle le mieux, en respectant la lenteur et les silences qui s’imposent parfois.
Immédiatement eu envie de lire ces fragments nés d’une dizaine d’années de notes brèves saisies dans le vif de trajets et de correspondances du métro parisien, pressentant une familiarité souterraine entre ces notes et celles que je prends en traversant ma gare quotidienne.
Sauf que dans les wagons, dans les couloirs et sur les quais, Jeanne Truong est d’abord attentive à la foule des corps, à leurs mouvements, leurs frôlements, leurs défaillances et aux sommeils qui les emportent souvent, têtes contre vitres, quand dans ma gare je cherche plutôt les espaces vides de toute présence. Il n’empêche que quelque part nos regards se croisent – comme avec ceux d’Anne Savelli, de Cécile Portier et de Piero de Belleville à qui j’ai souvent pensé en lisant le livre.
Pour vous mettre en bouche (de métro), quelques brefs extraits des Fragments du métropolitain de Jeanne Truong, avec des photos prélevées dans l’album “Paris divers 2010-2011″ de mon iPhoto - sommairement rangées là mes captures métros, bus et ce qui y ressemble (mais le Montparnasse monde jouit d’un album à lui tout seul) – , à quoi j’ajoute un fragment sonore engrangé station Saint-Michel si je me souviens bien.
Non rien de rien (mp3)(…) le vide existentiel que tout le monde éprouve à Paris n’est pas seulement une projection mentale, elle est l’influence physique du grand trou dans lequel on a construit le métro. (Jeanne Truong, Fragments du métropolitain, p. 26)
Brouhaha causé par le voisinage de plusieurs langues étrangères. Comme c’est reposant de n’y rien comprendre, d’avoir la sensation d’être ailleurs, non seulement dans une contrée de Babel, mais encore dans les arbres, à l’intérieur d’un pépiement d’oiseaux. (Jeanne Truong, Fragments du métropolitain, p. 28)
Odeur de vieux chat qui se réveille. Odeur d’eau de Cologne. Si je me lève et change de place, elle n’en saura rien. Suis-je devenue faible au point de ne pas supporter les odeurs d’une vieille ? (Jeanne Truong, Fragments du métropolitain, p. 35)
Partout, le roulement des escalators tel un tambour militaire, la masse cadencée des régiments de guerre, emmenée dans la bataille de la production journalière. (Jeanne Truong, Fragments du métropolitain, (p. 37)
Voyager à côté d’un bel homme tranquille, calme comme un animal de compagnie, bonheur indicible quand le train passe au-dessus de l’eau. (Jeanne Truong, Fragments du métropolitain, p. 98)
Aujourd’hui, quatre heures sur la ligne 6. Je suis là. (Jeanne Truong, Fragments du métropolitain, p. 114)
Celui qui regarde dans la masse, en quête de son alter ego, le trouve dans les détails. Et, au fond de lui, le désir de se démarquer de la multitude. (Jeanne Truong, Fragments du métropolitain, p. 143)
A cette minute (…) quatre femmes de Brest donnent leurs impressions de Paris, ayant adoré le quartier de Montparnasse, tandis qu’un jeune Chinois, ébouriffé, bâille en lisant son journal, à son bras une jolie blonde, la tête contre la fenêtre, les yeux sur un homme mûr, lui-même retenu de la main par une Italienne à l’air autoritaire, élancée dans un grand manteau en velours. (Jeanne Truong, Fragments du métropolitain, p. 182)
Il y a bien là une photo que je connais pour l’avoir mise au journal… Quant au livre de Jeanne Truong, on va se le procurer… Merci du tuyau et des photos…
Jolies photos (jolie fille), mais celle avec l’affiche de l’année scolaire 1963-1964, elle est récente ?
Oui Dominique, travaux de réfection station Muette, prise le 18 juillet 2009, cf http://www.martinesonnet.fr/blogwp/?p=3580
Merci pour la précision : il arrive encore que l’on voie ce genre d’affiches comme revenues à la surface (du temps), une sorte de mini retour dans le passé qui nous transporte soudain… le métro roule dans la mémoire !