le blog de Martine Sonnet – ISSN : 2267-8735
"Le problème de la nuit reste entier. Comment la traverser, chaque fois la traverser tout entière ?" Henri Michaux
L’employée aux écritures, qui souhaite rester professionnellement performante, a suivi aujourd’hui une journée d’information sur l’édition électronique en sciences humaines et sociales, organisée par le service formation de son employeur.
Il y était beaucoup question de digital humanities pour reprendre le terme utilisé par nos collègues anglo-saxons, plus engagés que nous sur le terrain de ces « humanités numériques » . Je me suis réjouie que cette journée rencontre un si grand succès qu’on a dû refuser du monde pour s’en tenir aux 90 places qu’offrait la salle dans laquelle se déroulaient les présentations, signe de la curiosité, et plus si affinités, d’une partie de mes collègues pour ces questions.
Mais ce qui était tout à fait remarquable, c’est que ce public était aux 4/5e féminin, et même si cela sautait moins évidemment aux yeux, relevait comme moi très majoritairement des catégories de personnel ITA (Ingénieurs, Techniciens, Administratifs) vouées à « accompagner » la recherche. On notera au passage que la féminité et le statut ITA font très bon ménage puisque le dernier bilan social du CNRS dont les chiffres sont accessibles, celui de 2006, fait état de 31,5 % de femmes chez les chercheurs – taux de longue date stagnant -, pour 51,8 % chez les ITA.
Messieurs les éminents chercheurs de nos disciplines ne se bousculaient donc pas au portillon de cette journée ouverte à tous… Et c’est bien regrettable parce qu’au sein des laboratoires de SHS, faire progresser les pratiques de circulation de l’information émanant des différentes équipes (par exemple grâce à la plate-forme Hypothèses destinée à l’accueil de blogs/carnets de recherche dont j’irai bientôt apprendre à me servir), améliorer la rapide mise à disposition par captations audio/vidéo des journées d’études organisées par les uns et les autres, ne plus attendre 3 ans pour publier sur du papier à tout prix les actes d’un colloque ou déposer ses travaux pre-print en archives ouvertes, passe par la familiarisation de tous avec les usages et les outils de l’édition numérique.
Je lis votre billet avec une certaine stupéfaction car il me rappelle, quasiment mot pour mot, mais dans un tout autre contexte (quoique),une situation que j’ai vécue.
Dans un certain Conseil général, j’avais été chargé de la communication interne. Bien. Tout un programme.
Vint un moment où un Intranet s’est imposé pour supplanter les divers supports papiers, bulletins d’infos, journal interne et compagnie.
Puis, deuxième phase, vint encore le moment de responsabiliser un peu plus les agents et de leur faire suivre une formation afin qu’ils mettent eux-mêmes de l’information en ligne. Mon rôle était celui d’une cellule de veille afin qu’il n’y ait pas de “débordements”…Hummmmmm ….
Bref, réunions et stages de formation : Absolument aucun cadre de la sacro-sainte hiérarchie qui préferait envoyer ses secrétaires et ses subordonnés directs.
Pourquoi ?
Parce que les nouvelles démarches leur enlevaient le contrôle de l’info, source principale de leur pouvoir illusoire
C’était en 2000 et ça me met encore en colère..
Amicalement
Bertrand
Est-ce que ça voudrait dire que la gent masculine (au pouvoir) est bornée/dépassée par le numérique, tandis que les forces vives de l’actuelle modernité (plutôt des femmes, apparemment) tenteraient un débordement par la technique de ceux qui la laissent sous le joug de leur position ? Si oui, je pense que c’est un combat à mener (mais que les défections masculines vont apparaître assez rapidement). Si, dans le champ des sciences humaines et sociales, le pouvoir appartient (appartiendra ?) à celles qui s’empareront de la technique, j’encourage et applaudis des deux mains (je mets l’adresse d’Hypothèse en signet, mais j’ai quelque part une sorte de conscience de classe qui a tendance à renâcler… := c’est que ce n’est pas non plus facile pour nous, disons)
@PDB : A la pâle lumière de ce que j’ai pu vivre de la question, Je ne pense pas qu’il s’agisse de sexisme proprement dit…
Il s’agit de perte de pouvoir. Bon évidemment, ça voudrait dire alors que c’est principalement les hommes qui ont – avaient – le pouvoir…
Avec l’introduction de ce qu’ont a appelé ” Les NTIC” dans les administrations, vrai que l’inutilité de toute une hiérarchie intermédiaire a été mise au jour…
Et dans ce petit peuple qui renâclait à suivre le mouvement des Intranet et autres messageries internes, il y avait beaucoup de femmes…
Voili voilou…
“On” pas “ont”, bien sûr…”On” est un cochon disait mon prof de français. Le même que celui de FB…..
Oui, ce n’est pas très étonnant (en même temps, il n’y a guère de raison que les hommes sont plus bêtes que les femmes, ou plus traditionalistes, ou plus attachées à leur petit pouvoir de … franchement, je ne vois pas pourquoi …?)
du côté des chercheurs SHS, le désintérêt me paraît résider surtout dans la “gratuité” de ces pratiques de publication en ligne : celles-ci n’entrant pas dans les comptages bibliométriques à quoi se restreint de plus en plus l’évaluation individuelle, pas de temps à perdre avec ces apprentissages qui n’apporteront rien sur le plan carrière…
Pour avoir travaillé dès les années 80 auprès de certains “inventeurs” – majoritairement des hommes – des protocoles internet, il m’a semblé que le masculin se passionnait invariablement pour les mécanismes de la communication, pour les outils, les procédés, les performances, alors que le féminin s’intéressait beaucoup plus vite (et beaucoup mieux) à l’utilisation des technologies, à leur diffusion, aux contenus, aux services.
Aux Etats-Unis, l’approche des NTIC est certainement moins précautionneuse et réglementée que chez nous. Avec les avantages (rapidité d’adoption et pervasivité) et les inconvénients (dérives, menaces pour la vie privée, etc.)
Depuis longtemps chercheurs et sociologues américains publient enquêtes et études sur les nouveaux médias, en … les utilisant ! Cela peut paraître la moindre des choses, mais comme vous le soulignez, c’est loin d’être le cas ici.