le blog de Martine Sonnet – ISSN : 2267-8735
"Le problème de la nuit reste entier. Comment la traverser, chaque fois la traverser tout entière ?" Henri Michaux
Dans la gare, leur faculté d’invention n’a d’égale que leur détermination à nous faire filer droit. D’où cette signalétique nouvelle apparue sous mes pas ces derniers jours. Mais moi, indocile, toujours des chemins de traverse, je m’en suis déjà expliquée. Ils peuvent bien arrondir leurs flèches pour leur donner un caractère plus bienveillant (pour ne pas dire maternel) qu’injonctif, je ne les suivrai pas. N’empêche, ça les ennuie que nous banlieusards foulions les plate-bandes des grands voyageurs. Ce qu’il y a de foncièrement déplaisant, c’est qu’ils partent du principe que, usagers usés du quotidien, nous marchons tête baissée, contrits, repentants. Rampant quasiment. Sans compter que l’omnibus Sèvres Rive Gauche (le “petit gris” des initiés) n’a rien du profil d’oeuf figurant sur le pictogramme pour signifier l’idée d’un train. Beaucoup plus carré.
Au cas où vous ne le sauriez pas (très peu de gens le savent en fait), outre une série sur ce blog, Montparnasse monde est aussi un livre paru il y a un an aux éditions Le temps qu’il fait.
cette bizarrerie des institutions, notamment de transports (la régie autonome, cette horreur et ses sièges anti-cloches et ses contrôleurs intraitablement rigides, froids toujours et inhumains, déjà, parfois secondés de la gendarmerie à présent rattachée à bauvau où officie l’un des ignobles qui n’en a plus que pour 60 jours, enfin) cette bizarrerie dis-je de se montrer plus bornées encore que l’armée ou la curie romaine me fait froid dans le dos : des entreprises de ce type, où l’humanité n’a pas de place alors qu’elles travaillent par elle, pour elle, c’est à frémir… Qu’en sera-t-il lorsque, bientôt, on aura trouvé le moyen de se passer, comme sur la quatorze du métro, de conducteur ? On a l’impression qu’ils veulent à toute force se passer d’employés, laisser aux machines les manettes, infester les couloirs d’écrans aux poisseuses images écoeurantes de sourires niais, satisfaits et repus, mais pourquoi ? pourquoi faire, imaginer nous endormir avec de telles flèches ? Sont-elles trempées dans le somnifère, l’anxiolytique, le calmant incolore ?
C’est qu’on essaierait presque de nous faire prendre le Transilien pour un tramway.