le blog de Martine Sonnet – ISSN : 2267-8735
"Le problème de la nuit reste entier. Comment la traverser, chaque fois la traverser tout entière ?" Henri Michaux
On me demande, enfin c’est un moteur de recherche qui me transmet la question,
quelle est la saison des jonquilles en Corrèze ?
J’avoue mon embarras pour y répondre.
D’une part, je n’ai jamais mis les pieds dans ce département*, comme dans une quarantaine d’autres de la métropole et tous ceux d’Outre-Mer – j’en tiens la liste à jour en fonction de mes déplacements incluant au moins un découché (pour pouvoir dire y être vraiment allée). J’en profite au passage, ou plutôt au non-encore-passage par tous ces départements qui me restent à découvrir, pour signaler que je ne suis donc pas non plus en mesure de répondre à cette autre question récemment soumise : quelle espèce de conifère pousse le mieux en province ?
D’autre part, si mon informateur habituel sur la Corrèze, Pierre Bergounioux, surveille leur floraison à Gif-sur-Yvette, sur son talus, il ne peut observer et noter tout aussi scrupuleusement sur son carnet la date de la floraison de ces mêmes fleurs jaunes, annonciatrices de renouveau, en Corrèze. Tout au plus peut-on déduire de ses séjours réguliers là-bas au cours des vacances de printemps de la zone C (amplitude : entre les trois dernières semaines d’avril et la première de mai), et au mois de juillet, qu’il n’en fait pas mention, et donc que les jonquilles corréziennes ne synchronisent pas leur éclosion avec ses villégiatures ; ce qui serait presque trop beau.
Pierre Bergounioux fait preuve de grands talents mais n’a pas le don d’ubiquité et les jonquilles des talus de Corrèze fleurissent quand ça leur chante, sans songer un seul instant qu’en aménageant leur calendrier, elles pourraient, comme leurs cousines de l’Essonne, se voir, par la grâce de l’écrivain, immortalisées entre les pages d’un livre à la couverture jaune coeur de jonquille.
Quoi qu’il en soit, l’internaute soucieux du cycle des saisons en Corrèze gagnera forcément à lire les oeuvres de Pierre Bergounioux, tant en ce qui concerne la flore que la faune et les rebuts de ferraille.
Et profitons-en tous : Pierre Bergounioux était hier soir l’invité d’Alain Veinstein dans son émission Du jour au lendemain sur France Culture, on peut l’écouter ou le réécouter en ligne.
(Dans les Hauts-de-Seine Sud, c’est à dire dans mon allée, toujours pas de jonquilles en fleur, donc pas d’image.)
* Contrairement à Philippe Didion qui nous fléchait le chemin dès 2008 et en parlait encore dans la dernière livraison de ses notules dominicales auxquelles il est d’autant plus vivement conseillé de s’abonner que celles-ci ne sont plus compilées sur son site.
Employée aux floraisons printanières, si vous attendez jonquilles en fleur pour poser ici photos, j’en serais fort marri (et bien d’autres avec moi) alors, pour l’amour du Ciel (comme disait ma grand mère, ou alors mon père, enfin quelqu’un des miens -ils ne m’épargnent guère non plus, mais tous – ou presque- s’en sont allés par la racine nourrir ce type ou un autre de flore), une absence de photo se résoudrait fort bien par l’offre d’audition d’une petite chanson, par exemple (mais ça n’a rien à voir, c’est juste ma fille qui m’a dit “regarde ça, ça va te plaire” je fais tourner…) ici une chanson gaie comme on les aime (croisé Pierre Michon dans le métro taleur : j’aurais du lui passer le bonjour de votre PB qui vous appelle “la petite Sonnet”, toujours adoré ça de sa part)
La première jonquille sera pour vous, promis (mais je guette, je guette par la fenêtre de ma cuisine et ne vois rien venir. Et merci pour la chansonnette. Et puis vous avez de le chance pour les rencontres dans le métro (et vous les racontez si bien)
J’ai, comme vous, en cours la lecture du Carnet de Notes 2001-2010, acheté à la Librairie Gallimard il y a un mois : les jonquilles y fleurissent début mars, chaque année – je suis en 2009 – en tout cas à Gif, devant la maison de l’auteur. Cette lecture du carnet est étonnante : on croit, à la lecture de chaque jour, que l’on va oublier des détails qui semblent triviaux (qui n’a jeté,sortant de chez soi, un œil rapide sur des fleurs?). Or, toutes les cent pages, ces jonquilles resurgissant dans leur première floraison m’ont petit à petit marqué: j’ai commencé à les remarquer vers 2005, puis je les ai attendues, puis amusé, retrouvées. Et puis, hier, rentrant de l’Ouest, je passe en voiture avant la porte de Saint-Cloud, le réel étant contaminé par la fiction : les jonquilles ont fleuri du côté de Gif, je les ai vues sur un bas-côté !