le blog de Martine Sonnet – ISSN : 2267-8735
"Le problème de la nuit reste entier. Comment la traverser, chaque fois la traverser tout entière ?" Henri Michaux
Sur la face ventrale il y avait Nicolas Bouvier et Antonio Lobo Antunes et quelques heureux souvenirs de musées dans des villes comme Londres, Vienne, Lisbonne, Bruxelles, ou New York – assez récents ceux-là.
Sur le flanc, du moins le flanc visible, côté machine à café, le caro, caro Nanni se posant des questions sur La cosa, cette chose devenue indicible qui avait fait Parti il y a longtemps, entouré de billets souvenirs. Autant de petits instants de vie plaisants partagés dans des théâtres, le plus souvent de la Ville, du Rond-Point et, en voisins, 71 à Malakoff, ou diverses salles de concert et dont on était heureux de garder trace.
Je me souviens qu’une thèse de sociologie a été consacrée aux décors de frigos familiaux. Je contribue, avec ces images du nôtre saisies juste avant dislocation, à fournir en matériaux d’étude la poursuite de la recherche. Parce qu’il s’est avéré un dimanche récent (après courses du matin au marché et de la veille au supermarché) que l’entrebaillement de sa porte exhalait un souffle d’air chaud en lieu et place de la petite fraîcheur attendue. L’hypothèse d’une aggravation soudaine du réchauffement climatique écartée, je passe sur la visite du spécialiste envoyé par la maison mère de l’appareil, son diagnostic sans appel, la commande d’un successeur au frigo 1999-2012, la gestion à flux tendu de l’approvisionnement pendant une douzaine de jours et la livraison du frigo 2012-?
S’il est trop tôt pour évoquer le décor du nouveau venu dans la cuisine, sa ligne n’étant pas encore clairement affirmée, je soulignerai en revanche son heureux éclairage interne, désormais zénithal, sublimant le moindre pack de yaourts nature à 0% par un effet lumineux digne des meilleurs scénographes.
Je ferai part aussi de notre perplexité devant la documentation papier fournie en français, allemand, néerlandais et italien nous informant des caractéristiques principales de l’appareil et des précautions à prendre pour le mettre en service puis le conserver en état de marche jusqu’au terme que les directeurs de la société de consommation lui ont assigné. Le problème n’est pas celui d’un éventuel charabia auquel nous n’aurions rien compris, puisque la traduction en français depuis la langue originale de Goethe et du fabriquant nous a semblé très correcte. La version francophone est même tellement correcte qu’il y en a deux, trop rapidement prises pour des doubles, alors que deux discrètes mentions fr-FR et fr-BE distinguent les publics auxquelles les brochures s’adressent.
Leur comparaison rigoureuse met en évidence des différences sensibles entre modes de vie de cuisine et habitus familiaux de part et d’autre du Quiévrain. Deux exemples : la tentation de placer des canettes dans le congélateur semble ne titiller que les esprits de nos voisins belges, seuls à s’en voir dissuader, tandis que celle de s’asseoir dans un tiroir de congélation serait propre aux enfants français. Leurs parents sont en effet les seuls à être mis en garde sur ce point : les enfants belges, pas plus qu’italiens, ni allemands – d’après nos compétences linguistiques réunies – n’auraient l’idée d’un jeu pareil. Ouf, les miens ne sont plus de taille.
* Titre hommage au Terminal frigo de Jean Rolin bien sûr.
imagination c’est à cela qu’on reconnaît le génie français, et dès l’enfance, c’est bien connu, comme le côté éventuellement néfaste de la chose
Ah, “La cosa” (quel film !)
J’ai beaucoup aimé “L’hypothèse d’une aggravation soudaine du réchauffement climatique écartée”, et cet écart subtil de dangers encourus par les utilisateurs de même langue mais de pays différents.
Rares sont les arguties qui seraient susceptibles de m’opposer à l’Employée au Renouvellement du Réfrigérateur Familial (RRF) mais ici, cependant un point particulier qui, probablement à tort car je n’en connais point la cause (je ne la demande d’ailleurs pas) (je ne veux pas le savoir), me fait immédiatement lever un sourcil, sinon moqueur, du moins étonné : quelle est donc la lubie qui assiège cette maisonnée que de se fournir en yaourts à zéro pour cent de matière grasse ? (On ne pose pas la question, non plus, du goût “nature” de ces éléments de menu, mais tout de même) Qu’un éclairage zénithal “sublime” une telle aberration en dit d’ailleurs fort long sur le fabricant (d’outre Rhin, si j’ai compris : ça ne m’étonne pas) (je n’ai rien contre les Chleux comme disait je ne sais qui mais là, ils outrepassent les limites de la bienséance)
@PdB : juste une petite précision si cela peut vous rassurer : ce n’est pas toute la maisonnée qui consomme ces yaourts sur lesquels vous faites la fine bouche, ils sont à l’usage exclusif de L’employée.