le blog de Martine Sonnet – ISSN : 2267-8735
"Le problème de la nuit reste entier. Comment la traverser, chaque fois la traverser tout entière ?" Henri Michaux
Gare grise, mais de toute la gamme chromatique des gris. Unis le plus souvent, plus ou moins dégradés par l’usure générale, mais aussi granités des bordures de quais ou des marches des grands escaliers à l’ancienne du hall Maine – qui tremblent sous nos jambes par moment sans qu’on comprenne pourquoi, par quelle loi mécanique de déformation nécessaire à cette imbrication complexe d’escaliers et d’escalators suspendus dans un grand vide. Ailleurs, gris mats ciment, luisants béton, brillants métal ; sans oublier l’anthracite crasse toujours prête à rajouter sa couche ni le gris souris des souris qui traversent les traverses. Montparnasse monde gris répétitif (comme certaines musiques que je goûte assez). Nuancier de la gare dicté sans nuance par celui des matériaux qu’on ne s’est pas amusé à peindre – une surface pareille et puis, des goûts et des couleurs, allez mettre tout le monde d’accord ! Il y a juste ces deux murs en vis à vis, aux deux extrêmités, du hall Maine confiés, a fresca, à un artiste cinétique bien dans le goût assez pompidolien de l’époque à laquelle on avait reconstruit la gare en lui faisant prendre un certain recul.
Exercices de gare. Parmi les plus difficiles que je connaisse : calculer le poids moyen d’un bagage de voyageur, à l’arrivée, au départ (voies 10 à 17 exclues, mais 25 à 28 comprises) ; pour les voies 10 à 17 uniquement, le poids moyen d’un sac à commissions (le soir), d’un cartable et d’un petit sac à dos journalier (la mode des attachés-cases a passé) ; la somme du nombre de pas dépensés dans la gare, un jour ouvré, un jour ouvrable, un dimanche et fête, par les voyageurs, par le personnel de la gare, par celui des trains et par les agents des sociétés sous-traitantes ; le nombre moyen quotidien de chiens, de chats et de furets passant et repassant par la gare ; celui des cafés qu’on y ingurgite ; évaluer l’énergie produite par la mise en marche simultanée, sous le panneau d’affichage des voies, de la totalité des passagers d’un TGV double affiché tardivement, et ce qu’on pourrait faire avec. Il va de soi que tous les calculs afférant aux personnes et aux animaux doivent les distinguer selon leur sexe, sans quoi ces exercices et leurs résultats ne serviraient de rien à l’avancement des travaux en sciences humaines relatifs au genre que je mène par ailleurs.
“Ce qu’on pourrait faire avec…”
PhA : j’aime bien vos petites reprises sibyllines
Et moi j’aime bien le léger vent de folie qui souffle sur Montparnasse aujourd’hui !
PhA : cette gare, comparée à d’autres, est relativement peu sujette aux courants d’air, vous comprendrez donc que les vents de folie, même légers, n’y soufflent pas tous les jours…
Je suggère d’autres variables (mais c’est facile) que le sexe (ou le genre pour les effarouchés) : l’âge, le niveau d’études, le revenu, la religion -exercée ou pas-, le statut matrimonial (des animaux aussi moins les 3 précédentes), il y en a des kilos : le poids (à sec, avant ou après le repas des noces d’or des parents), la taille (la pointure, veste robe chemise en soie cravate culotte soutien gorge bas collants chaussettes pantalon etc… vu une liste de pressing impressionnante dans un hôtel avant hier) et la couleur des yeux, des cheveux, longueur etc…
J’arrête mais j’aime.
PdB : facile pour un pro comme vous, peut-être, mais pour la commune des mortelles usagères… (et à part ça, vous avez fait bon voyage j’espère)
Oui, pour le voyage, mais pour le reste, les banques, les avocats, les papiers à n’en plus finir, la succession et la réalité des choses (où que les yeux se tournent, ils ne repèrent que des escrocs), je vous assure que la vie, de ce côté-là (l’envers de la littérature ?), est vraiment raide (j’étais cependant avec un ami qui appelle ma mère “maman”, et mon cousin que je viens de connaître, et tous deux m’ont aidé à rire de -pratiquement- tout, sur la corniche, là où mes grands parents prenaient des bains de mer, le lycée français où je ne suivis que la 11°, la route et le pont où la 4 Cv de ma mère alla s’écraser – un peu- parce que j’en avais débloqué le frein à main… les souvenirs, les jus d’orange et les fous rires, toujours au rendez-vous : est-ce le pays qui nous animait ? peut-être… mais hier soir il y pleuvait… N’importe, ça va)