le blog de Martine Sonnet – ISSN : 2267-8735
"Le problème de la nuit reste entier. Comment la traverser, chaque fois la traverser tout entière ?" Henri Michaux
Ne soyez pas dupes : les « Point Rencontre » et « Point Groupe N° » dont j’ai personnellement suivi la numérotation jusqu’à 5 – mais en ai-je vraiment fait le tour ? -, inscription trilingue français/anglais/espagnol illustrée d’un pictogramme éloquent avec petites flèches convergentes, sont autant de leurres. Au Meeting Point pas plus qu’au Puento de Encuentro vous ne ferez le point avec qui que ce soit, ni en colloque singulier ni en nombre. Gare manigancée pour vous faire filer doux, vite et droit ; gare sans espoir d’assemblage d’aucune sorte ; gare plus avare que d’autres, même, en grands embrassements (je pense à de belles effusions sur les quais de la gare de Lyon auxquelles j’ai pu, étant jeune, m’adonner). Quant à faire le point avec la gare elle-même, comme je m’y évertue : quelle entreprise ! Quinze semaines que nous y sommes et sentiment d’avoir juste effleuré quelques points.
Souvenir de gare. L’expression était « libération du contingent » : chaque fin de trimestre, la gare traversée par des hordes de jeunes types suintant la bière, cheveux ras, brandissant des quilles gigantesques enjolivées de rubans. Qui n’avaient qu’un mot à la bouche : Zéro, Zéro, Zéro, hurlé plus que chanté, sur tous les tons, faux. Ils avaient fait leur temps, à l’Est, et rentraient chez eux, à l’Ouest. Et tous les vendredis soirs dans un sens, les dimanches soirs dans l’autre, transhumances du même désordre entre les gares Montparnasse et de l’Est ; entre les deux le métro, la ligne 4. Tracé convenu des cheminements brouillé pour attraper le dernier train en correspondance. Ne pas se trouver sur leur chemin. J’ignore si les autres gares parisiennes étaient sujettes à ces mêmes flux brutaux de jeunes hommes tous pareils, à gros sacs suspendus à l’épaule, traînés, poussés, portés comme ils pouvaient – c’était avant la quasi généralisation des bagages à roulettes. Misère à quoi on les réduisait.
Joliment souligné d’un Y horizontal et lumineux
merci PhA, un jour justement il sera question de la typographie de la gare dans le feuilleton
C’est vrai que la gare Montparnasse est assez peu effusive et celle de Lyon bien davantage.
Faille entre les générations : alors que le père de mes enfants évoque son service militaire non comme trouffion mais comme VSNE, son interlocuteur qui le croyait plus jeune, s’étonne.
(ne surtout pas croire que je regrette aux gars leur année perdue, certains revenaient si bêtes, si enrégimentés – et fumeurs tristes, accro. -)
C’est un jour d’octobre 77 que j’ai déboulé du train, vers six heures du soir, gare du nord, venant de Compiègne où les saloperies de gradés m’avaient explicitement fait comprendre que je ne serais jamais un homme, où les autres encadrés me regardaient comme la misère de vérole sur le bas clergé breton (ou pas) mais que je ressortais libre, 55 kilos en sortant, 75 en arrivant, quatre vingt jours, une misère, une honte, une chimère, alors que j’aurais pu me retrouver caporal, transmetteur, infanterie, vaillant portant haut et fort les couleurs de ce satané pays, je n’hurlai pas “zéro”, n’avais pas ce hochet de bois qu’eux, ces hommes donc, brandissaient comme un ignoble trophée, mais j’avais conservé intacte la haine de ce corps comme d’un autre, le clergé, qui me fait, aujourd’hui comme hier et comme depuis et avant, ressentir devant ceux qui les servent , toujours, le même sentiment, à la fois gai et triste mais noir, devant une telle courbure de l’âme : c’est donc possible ? me dis-je, en les voyant, les interrogeant (comme aujourd’hui encore, ce capitaine de la légion étrangère venu à Paris montrer à sa femme la merveille d’un mirage 4 grandeur nature), c’est vraiment encore de vrais personnages de ce monde-ci ? Oui. Trop.
Gare de l’Est, oui, pour les soldats à quilles : ç’en était plein.
Transhumance humaine en gare de Montparnasse…
On parlait des sonorités entendues dans la gare Montparnasse (produites par l’Ircam et d’autres, messages annonces attentions etc…) dans l’émission de France culture, “science publique” entre deux et trois, ça doit pouvoir s’écouter sur le site et se télécharger certainement , et en plus ça ne manquait pas d’intérêt… Je ne l’ai pas écoutée entièrement vu que j’étais en caisse ramenant ma tante de l’hôpital où on lui a ôté son plâtre
ça c’est une nouvelle, alors, merci PdB, je colle tout de suite le lien et j’écoute dès que je peux :
(c’est une chose à laquelle j’ai bien pensé, sonoriser le feuilleton, mais pas encore passée à la réalisation…)