L'employée aux écritures

le blog de Martine Sonnet – ISSN : 2267-8735

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"Le problème de la nuit reste entier. Comment la traverser, chaque fois la traverser tout entière ?" Henri Michaux

D’un nuancier entendu au téléphone

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Posted by ms on 13 septembre 2012 at 8:21

Je regarde le nuancier, mon mari n’est pas là, mais je déciderai toute seule disait hier soir au téléphone ma voisine  de l’omnibus Sèvres Rive Gauche de 19h01 (depuis mon retour de vacances, quoi que je fasse, d’où que je vienne, je me retrouve tous les jours dans le train quittant le Montparnasse monde à 19h01) à un artisan qui avait fini de poser toutes les baguettes et cela rendait très bien, oui, elle en était contente même si elle ne le lui avait pas encore dit (et il s’en inquiétait).

Voisine d’âge moyen-mûr – je veux dire plus vieille que moi, mais au fond peut-être pas tant que cela -, à la mise discrète pour ne pas dire soumise, à qui l’on aurait donné le Bon Dieu sans confession. Mais sa détermination à choisir sans attendre le retour d’un mari en déplacement, donc hors de tout processus de concertation, la couleur nouvelle d’un décor partagé avec lui depuis des lustres prenait un tour transgressif qui faisait plaisir à entendre.

On sentait bien qu’elle ne prenait pas tous les jours de son propre chef une décision de cette importance et que l’artisan à l’autre bout du fil sans fil, habitué des longs conciliabules conjugaux au dessus de son nuancier, pouvait s’émouvoir d’une audace pareille. Si le dressing-room champagne ne plaisait pas à Monsieur, est-ce que l’on ne viendrait pas lui en faire reproche à lui qui n’aurait pas su doser le mélange des teintes avant d’y tremper son rouleau ? Plus rosé, le champagne, elle lui avait pourtant bien spécifié champagne rosé. Du moins le prétendrait.

Ecoutant ma voisine dont j’approuvais évidemment la résolution émancipatrice, je songeais que j’ai toujours été sensible aux nuanciers et autres albums d’échantillons de papiers peints ou de tissus, ces épuisements/mises à plat de toutes les valeurs possibles d’une couleur ou d’un motif.

Et je me souviens qu’à l’époque enfuie où l’on pouvait commander gratuitement des échantillons de tissus d’ameublement à la Redoute ou aux 3 Suisses je ne me privais pas de le faire, bien que n’en ayant nul besoin.

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5 Comments

  • On 13 septembre 2012 at 8:34 gilda said

    On dirait presque un des dialogues de “Quand la mer monte” quand le personnage joué par Yolande Moreau a sans cesse au téléphone son compagnon (pour le coup, c’est lui qui ne peut décider sans elle et qui est aux prises avec le nuancier) au sujet de la couleur d’un carrelage dont à un moment on se demande, étant donné la rencontre qu’elle a faite et l’idylle qui s’esquisse, si elle en verra la couleur, justement.

  • On 13 septembre 2012 at 8:53 ms said

    Merci Gilda de me rappeler cette scène que j’avais oubliée, mais pas le film bien sûr.

  • On 14 septembre 2012 at 11:53 PdB said

    L’ami Thierry Beinstingel (http://www.feuillesderoute.net/ilsdesertent1.htm) dans son dernier roman (“Ils désertent” Fayard, qui fait partie de la 1° sélection du Goncourt 2012) (ah oui, quand même) a recours, lui aussi, aux papiers peints pour une histoire, elle aussi, furieusement genrée… (en même temps, est-ce que vous n’outrepassez pas vos déductions holmésiennes en affirmant qu’ils sont ensemble “depuis des lustres” ? Peut-être vient-elle simplement de changer de mari -ou d’en adopter un sur le -très légèrement- tard ?- et n’ a aucunement cure des dispositions champagne/rosé/brut ou que sais-je de ce petit nouveau, décidant seule des couleurs des murs du dressing qu’il désertera de toutes façons-peut-être a-t-elle jeté son dévolu sur un voyageur-représentant-placier dans le but de décider seule ?- et les absents, toujours et partout, c’est un fait avéré, ont tort).
    Par ailleurs, je vois, Employée aux Echantillons Gratuits, que vous faites partie de la liste des auteurs conviés à la Fête de l’Huma ce week-end, alors, bonne fête…

  • On 14 septembre 2012 at 22:19 ms said

    Merci, vous devriez venir, une fois, à cette belle fête, elle fait du bien. Quant à la probabilité d’un remariage récent, non, franchement non.

  • On 19 septembre 2012 at 15:10 Dominique Hasselmann said

    Finalement, les mots font partie d’une sorte de grand nuancier et il est normal que vous en soyez une utilisatrice attentive !

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