le blog de Martine Sonnet – ISSN : 2267-8735
"Le problème de la nuit reste entier. Comment la traverser, chaque fois la traverser tout entière ?" Henri Michaux
Inscrite sur elle-même dans sa grande largeur, en lettres capitales ma gare capitale. Lettres si sûres d’elles, des mots et du texte qu’elles composent qu’elles ont pris leurs distances (je me souviens de l’impératif “prenez vos distances” qui ouvrait les cours de gymnastique – et les bras tendus à l’horizontale le pauvre alphabet dessiné). Corps solide au fronton, jamais de lettre à terre, ni décrochée ballant dans le vide, ni même éteinte – comme si souvent aux enseignes commerciales, et ma pitié, toujours, pour les mots amputés, jusqu’à ce que, échelle à l’appui ou nacelle suspendue, on finisse par en rétablir le sens. Caractère affirmé, sans effets déliés ni pleins. Trait régulier et sobre, angles et arrondis juste pertinents. Du vocabulaire de gare sur lequel je bute souvent, celui des belles lettres m’est encore le plus familier.
Lettres lumineuses par elles-mêmes, comme autant d’objets de rêves nervaliens. Mais dans la gare, grande avarice typographique : du même corps ils ont écrit le seul mot ACCUEIL (à moins qu’il m’en échappe, ce que je ne crois pas). Et à l’extérieur, aux pilastres latéraux saillants en façade sur le parvis, c’est d’une autre police que s’inscrivent les noms des villes distribués en colonnes ; police sans style, lettres grises sur béton gris, encre invisible. S’appliquer à décrypter et de gauche à droite et de haut en bas, on irait de BAYONNE à TOURS en passant par TARBES PAU TOULOUSE MONTAUBAN AGEN LA ROCHELLE NIORT BORDEAUX ANGOULEME POITIERS CHATELLERAULT LES SABLES D’OLONNE QUIMPER LORIENT VANNES SAINT-NAZAIRE NANTES ANGERS SAINT-MALO BREST SAINT-BRIEUC RENNES LAVAL et LE MANS, comme de grands voyageurs. Exercice de gare : la lire in extenso - souvent entrepris mais jamais mené à bien, les lignes se brouillent trop vite.
Question police, le Garamond aurait dû naturellement s’imposer ici.
Et Jérôme Peignot serait sans doute de mon avis !
Dominique, merci pour ce bel et bon mot à ajouter dans la liste des mots de la famille de gare
… ON – PAR(T)… !
Tiens, je me demandais, ms, si vous connaissiez Paris-Bruxelles Grande Vitesse, de Christine Verneuil chez La Différence, qui part (en en parlant) de la si différente gare du Nord ?
Merci Philippe pour Christine Verneuil, que je ne connais pas, je prends note ; il y a aussi Romain Verger qui m’a signalé cette semaine son “Zones sensibles” chez Quidam dans lequel il est question de Granville, de trains et de gares, à lire tout cela
Je n’ai pas lu Zones sensibles, mais (comme vous, je crois) Grande Ourse – formidable.
Chez Christine Verneuil, on quitte parfois le chemin de fer pour l’autoroute, ses panneaux touristiques en brun, ses aires de stationnement (et leurs noms)… ça vaut le détour.
Merci pour les lettres, les noms de villes, Martine, et lire la gare in extenso : mais oui, bien sûr, la bonne idée !
(J’avais essayé avec les menus de brasserie de la gare du nord mais ça n’a pas pris).