le blog de Martine Sonnet – ISSN : 2267-8735
"Le problème de la nuit reste entier. Comment la traverser, chaque fois la traverser tout entière ?" Henri Michaux
Mon sang d’employée aux écritures n’a fait qu’un tour hier soir, passant devant la librairie Gibert Joseph, au vu de l’affichette prévenante placardée sur chacune de ses portes. Si vous souhaitez vous défaire d’un Bescherelle, d’un Grévisse, voire d’un Bled CP-CE1-CE2, courez leur vendre, ils en ont grand besoin.
Je descendais le boulevard Saint-Michel pour aller à l’Espace du même nom (cinéma où l’on ne peut payer sa place ni par carte bancaire ni par chèque – préparez votre monnaie) voir Entrée du personnel, film fort et terrifiant à bien des égards de Manuela Frésil. Il y est question du travail, de ses cadences et de ses effets dévastateurs sur la santé notamment musculo-squelettique des ouvriers et ouvrières dans les abattoirs de l’Ouest. (Et à propos de cadences et d’introduction de nouvelles machines qui sous couvert de progrès ne font que les accélérer, je croyais parfois entendre les gars du 62 évoquer leurs presses…)
Film à voir, bien sûr, dont je regrette juste qu’il soit dénué de contextualisation environnementalo-socio-économique – brèves allusions aux lois de la grande distribution et aux traites des maisons à payer mises à part. Mais comment traiter ce sujet sans en amont le relier à d’autres ravages à l’oeuvre sur la même terre, ceux de l’élevage intensif ? J’ai repensé à La vie moderne de Depardon et au beau Temps des grâces de Dominique Marchais, il me semble qu’avec celui de Manuela Frésil, ces films se complètent d’une certaine façon.
Entrée du personnel est d’abord un film sur le travail mais il dit aussi des choses sur notre rapport à la nature. Parce que si les bêtes entrent à l’abattoir sur leurs quatre ou deux pattes elles en sortent réduites en barquettes. Les images crues de l’industrialisation de leur mise à mort au service de nos assiettes suscitent nombre de questions, dont la moins dérangeante n’est pas : finalement, de ces bêtes, du personnel de l’abattoir et du consommateur, qui nourrit qui et à quel prix ?
Brrrr…. Voilà un film qui me fait souvenir de “L’année des Treize Lunes” de Rainer Fassbinder (1978) – qui avait une dimension sexuelle affirmée (re brrrr….) (si je trouve le courage j’irai…)
Giber avec un “s”, ce serait du même tonneau…
Gib(i)er d’eau douce ou saumâtre…
Ils vont mettre un ascenseur (oh pardon : un assensseur !) ?
Encore heureux qu’ils s’excusent pour la gêne occasionnée.