le blog de Martine Sonnet – ISSN : 2267-8735
"Le problème de la nuit reste entier. Comment la traverser, chaque fois la traverser tout entière ?" Henri Michaux
L’employée aux écritures collabore (dans le cadre de sa vie de bureau) à l’édition du journal que le libraire parisien Siméon Prosper Hardy a tenu de 1753 à 1789. Tâche de longue haleine unissant les efforts d’historiens des deux côtés de l’Atlantique, à Paris et à Montréal. Les quatre premiers volumes sont parus – le quatrième pas plus tard que la semaine dernière – aux éditions Hermann. Au total il y en aura douze, ce qui devrait nous mener vers 2017 pour le point final. Des index consultables en ligne complètent les volumes papiers comportant chacun une substantielle introduction thématique.
Siméon Prosper Hardy a donné un très joli titre à son journal
et parmi ces événements, mêlant allègrement aux affaires politiques et religieuses, les faits divers aussi bien que les transformations architecturales et urbanistiques de sa ville qu’il observe en parisien curieux, assez souvent revient le temps qu’il fait.
Comme je relisais hier et indexais géographiquement le texte du volume 6 (1779-1780), les considérations météorologiques désolées du libraire au printemps 1780 résonnaient au diapason des propos que l’on n’en finit plus d’échanger ces jours-ci à propos de la pluie plus que du beau temps. Lisez plutôt :
Lundi permier mai 1780. Orage assez considérable. Entre six et sept heures du soir, comme il avoit fait assez chaud pendant toute la journée, un orage considérable se déclare par de violens éclairs, et des coups de tonnerre très fréquents, il tombe aussi beaucoup de pluie, mais cet orage qui malheureusement s’étend au-delà de la capitale cause beaucoup de dommage dans les environs de Vincennes, Fontenay, Nogent, Montreuil &c. &c. par la perte qu’il occasionne des fruits et des légumes de toute espèce. La dame veuve Lemercier libraire de Paris, propriétaire d’une seule maison très belle size au village de Nogent où elle se trouvoit même alors avec compagnie, éprouve un dégât qu’on faisoit monter à la somme de six cents livres en carreaux de vitres et cloches de jardin, dégât qui avoit été opéré, disoit-on, en moins de [sic] demi-heure par l’impétuosité du vent et la force d’une pluie mêlée d’une grêle grosse comme des œufs de pigeon.
Lundi 8 mai 1780. [...] il pleuvoit presque chaque jour du présent mois de mai comme il avoit plu pendant tout le cours du précédent mois d’avril […]
dimanche 4 juin 1780. Deux orages consécutifs occasionnés par une chaleur considérable. Ce jour vers six heures du soir après huit à neuf jours d’une chaleur aussi considérable que celle qu’on eût pu éprouver dans la plus forte canicule, le baromètre ayant atteint jusqu’au trente neuvième degré et comme par suite d’un autre orage qui avoit commencé la nuit précédente entre deux et trois heures du matin ; le tonnerre accompagné d’éclairs et d’une pluie assez considérable gronde pendant plus d’une heure et tombe sur l’hôtel de Mr le procureur général du Parlement rue de la Planche fauxbourg St Germain. Entré par une antichambre et les gens effrayés s’étant sauvés dans le cabinet, le tonnerre les y ayant suivis avoit soi-disant brûlé toutes les pièces d’un seul procès. On entendit dire aussi qu’il étoit tombé au village de Montrouge près Paris, où il n’avoit causé d’autre dégât que de déraciner un grand et gros arbre, et encore qu’à Dourdan et dans les environs de cette petite ville le même orage avoit tout dévasté et qu’il n’y restoit plus absolument rien sur terre.
Rien de bien nouveau sous le (non) soleil d’avril mai juin.
La pilule est amère, et quand même il faisait un temps de chien -ou de gueux- dans les années quatre vingt voilà deux siècles, cela ne nous est que de peu de réconfort, voyez-vous, Employée à la météo, on préférerait, et de loin, consulter le journal (c’est aussi qu’on aime les journaux…) dudit SPH sous un chaud soleil radieux (c’est ainsi avec cet astre) (je vois, aux nombres de pages assez conséquents des 4 premiers volumes des éditions Hermann, que les historiens ne reculent toujours pas, jamais, devant les milliers de pages à lire : je viens de finir “la Guerre et la Paix”, quinze cents pages quand même, et cela m’a pris des mois, de bonheur, évidemment-encore que napoléon, à présent comme avant, j’en aie à peu près ma claque)