le blog de Martine Sonnet – ISSN : 2267-8735
"Le problème de la nuit reste entier. Comment la traverser, chaque fois la traverser tout entière ?" Henri Michaux
Evidemment je pense à Henri Thomas et au titre de l’un de ses romans : Le cinéma dans la grange. Parce qu’on y est presque. Mais les films sont rangés dans leurs boîtes rondes, retournés à leurs distributeurs depuis longtemps. Je crois même qu’une fois de plus la salle est à vendre.
J’ai oublié quels films j’ai vus dans cette salle, parce qu’il y en a eu, pendant toutes ces années, quand les vacances scolaires, l’été, n’avaient d’autres lieux que cette campagne. Vacances trop longues, années trop nombreuses, je l’ai déjà écrit. Mais ce qui reste intact de ces séances, c’est l’euphorie du retour à pied, dans la nuit, marchant au milieu de la grand-route, nous signalant par une lampe de poche (boîtier métal rectangulaire, pile plate) agitée à bout de bras face aux deux ronds jaunes des phares quand d’aventure il se trouve quelque Aronde ou Dauphine pour circuler encore. Nous tous sautant alors sur la berme, agripés les uns aux autres qu’on ne bascule pas dans le fossé. Sitôt l’auto passée reprenant possession du milieu de la route et les deux kilomètres et demi, la côte de Bel-Air même, avalés comme cela dans les rires, en bande. Aller entre soi au cinéma ne viendrait pas à l’idée : la sortie serait moins gaie, la marche obligée du retour éreintante, alors on entraîne les plus proches voisins (jamais vraiment proches dans ce bocage) qu’on sèmera en chemin en s’en retournant. Sous les étoiles.
à gauche, une porte murée ? comme une ombre qui sortirait du mur pour un petit coucou facétieux… oui, aller à pied, en bande, toute une nostalgie
Ces cinémathèques de campagne cèdent la place à des propriétaires urbains qui installeront leur écran plat de 2m de large au mur pour regarder des chaînes câblées.