le blog de Martine Sonnet – ISSN : 2267-8735
"Le problème de la nuit reste entier. Comment la traverser, chaque fois la traverser tout entière ?" Henri Michaux
Tous les 36 du mois, guère plus, je me souviens que je suis titulaire d’un permis de conduire les véhicules de tourisme et probablement les camionnettes en deça d’un tonnage dont je ne me suis jamais inquiétée, m’astreignant à ne me déplacer qu’avec des charges tenant dans un sac à dos, au pire dans un charriot à commissions si vraiment trop lourdes. Non que, lâchant lâchement le guidon de ma bicyclette, je me saisisse ces jours-là du volant d’un de engin carrossé et motorisé mais tout simplement à l’occasion du paiement par chèque d’une somme suffisamment conséquente pour qu’au passage en caisse il me soit réclamé deux pièces d’identité. Car de petite envergure dans mes moyens de locomotion je le suis également dans mes moyens de paiement : je suis restée fidèle aux chèques en papier qui présentent l’avantage d’être reliés en carnet offrant ainsi leurs souches à l’écriture, des informations relatives à la dépense certes, mais également de toute autre chose de moins de 24 cm2 urgente à consigner. Je paie par chèque et continuerai de le faire tant que ma banque postale m’en renouvellera les carnets (sans même que je les lui commande : elle sait à qui elle a à faire). Sans vouloir me vanter de ma collection, je précise à qui s’intéresserait à l’évolution des carnets de chèques de ces quatre dernières décennies, que j’ai conservé tous les talons des carnets utilisés depuis le tout premier, étrenné ou presque (chèque n°3 du 20 janvier 1975, le n°2 ayant été annulé, la petite croix signifie que le chèque a été encaissé) par l’achat d’une leçon de conduite. A la caisse, pendant que je signe mon chèque avalé/recraché/réavalé/rerecraché par l’imprimante autant que de besoin pour faire bonne impression, si derrière moi la queue s’allonge et trépigne, tant pis pour eux. D’ailleurs le plus souvent, ma carte nationale d’identité délivrée par la sous-préfecture d’Antony suffit à asseoir ma crédibilité. Mais quand il m’arrive, rarement – mes moyens ne me permettent pas d’en faire une habitude -, d’effectuer une emplette imposant que je déploie un volet supplémentaire de mon parte-carte pour en extraire le document cartonné rose qui redoublera la confiance de mon débiteur, je me souviens qu’autrefois, dans les temps où je recevais mon premier carnet de chèques par lettre recommandée à aller retirer en mains propres au bureau de poste qui existait encore dans le centre commercial qui existait encore de la cité de la Plaine, j’ai passé cet examen du permis de conduire (et même à plusieurs reprises). M’y préparer m’ayant radicalement passé l’envie d’en faire usage par la suite, mon permis est intact, ses points tiennent bon, je ne m’en suis jamais servie.
Vue aérienne de ma collection de talons de chéquiers rangés sur deux épaisseurs dans une boîte carrée en métal de biscuits Delacre.
Une version antérieure de ce texte avait été confiée à l’anonyme et collectif Convoi des glossolales le 5 août 2011.