le blog de Martine Sonnet – ISSN : 2267-8735
"Le problème de la nuit reste entier. Comment la traverser, chaque fois la traverser tout entière ?" Henri Michaux
Il y avait ce vaste garage Mercedes-Benz, entre les rues du Cardinal Lemoine et des Fossés-Saint-Bernard : je crois l’avoir toujours connu. Du moins, à partir du moment où, bac (D mention assez bien) en poche en juin 1973 j’étais venue, à côté, retirer un dossier d’inscription en Tour centrale, 2 place Jussieu, Paris 5e. La rumeur ou légende urbaine courait qu’un cheval était inscrit dans cette université Paris 7 et y validait régulièrement ce qu’il convenait d’unités de valeurs pour se voir au bout du compte diplômé. Je ne sais plus en quelle discipline, mais certainement pas en trot attelé. Moi je venais là pour m’inscrire en histoire.
Grande façade verte côté Jussieu. Telle qu’elle est restée jusqu’à ce dernier automne, même si l’activité du garage, aux pompes à essence duquel on avait longtemps servi de l’
a pris fin me semble-t-il, il y a plusieurs mois de cela. Bien après néanmoins que le promoteur immobilier qui récupère ce vaste terrain, idéalement situé, double exposition, ait commencé à se vanter de ce qu’il y édifierait et comme c’était une belle adresse. Pousse-toi de là que je m’y mette. Prix au mètre carré je préfère ne pas y penser.
Passant là le 25 décembre dernier, quand j’ai constaté à quel point la démolition allait grand train, j’ai regretté de ne pas avoir été plus vigilante. Le paysage avait déjà considérablement changé, troué de telle sorte que de la rue des Fossés-Saint-Bernard on avait vue directe sur celle du Cardinal Lemoine et réciproquement. Je collectionne ces points de vue éphémères, photographie obstinément les brèches dans la ville, le tissu urbain édenté par les mâchoires des bulls.
La tour d’escalier mise à nu par les démolisseurs, je n’avais jamais soupçonné son existence. J’ai décidé de suivre, semaine après semaine, l’effacement progressif de Jussieu Automobiles, raison sociale de l’établissement, même si le nom qui avait laissé une empreinte encore visible (comme celle de l’essence des lieux) c’était
Dimanche 1er janvier, quatre angles nets : la tour d’escalier et les autres structures adventices avaient disparu.
Dimanche 8, je m’étais dit (et l’avais même twitté pour le dire aux autres) que les derniers vestiges de Jussieu Automobiles ne passeraient pas la semaine.
Dimanche 15 janvier 2017, je constate que j’avais vu juste. Tout est fini, d’un côté
comme de l’autre.
Suite des travaux : ici et ici et complément archéologique ici.
eh bien, Employée, imaginez que nous aurions pu nous croiser, puisque j’allais du même pas que vous à Jussieu cette année-là mon bac C en poche (mention assez bien itou, mais en deuxième donne pour ma part) m’inscrire dans cette université (je n’allai qu’à la numéro 6 pour ma part…) sise tout autant dans ces copieux courants d’air mais en mathématiques et physique (les sciences des structures et de la matière n’auraient bientôt plus aucun secret pour moi) (imaginais-je dans mon illusion propre aux vingt ans) et je me souviens de ce garage, en effet, qui à présent… Ah ce Paris qui change… allez, offrez-nous plutôt une ford mustang…(on oubliera la télé couleurs de la chanson)
Je me demande si la Ford Mustang est aussi “chansongénique” que la Mercedes Benz ?