le blog de Martine Sonnet – ISSN : 2267-8735
"Le problème de la nuit reste entier. Comment la traverser, chaque fois la traverser tout entière ?" Henri Michaux
33 tours ? 45 tours ? 78 tours ? Ce drôle de disque, qui a du cran, m’en rappelle d’autres et le petit cylindre qu’il y avait lieu d’adapter au milieu du tourne-disques, chapeautant le gros poste de radio, quand on passait d’un coûteux 33 tours à un 45, plus abordable, autorisant donc quelques choix musicaux plus audacieux que Les Plus Belles Valses Viennoises sous la baguette de Franck Pourcel. Souvenir aussi du saphir, du soin fou qu’il convenait d’en prendre : enlever régulièrement la petite pelote de poussière qui ne manquait pas de s’y accrocher, parasitant l’écoute ou provoquant la glissade incontrôlée du dispositif jusqu’au coeur de l’étiquette Disques Barclay sans rien donner à entendre au passage. Soin d’autant plus nécessaire que le prêt des disques par la discothèque annexée à la bibliothèque municipale était conditionné à la présentation, une fois l’an pour inspection, de la pierre précieuse enchâssée dans son bout de bras. Mal commodément dévisser, envelopper, apporter, montrer, rapporter, revisser. On allait pas nous croire seulement sur notre bonne parole qu’on changeait bien de saphir tous les six mois. Effroi absolu quand, les disques convoités obtenus, emprunts ou achats, la maladresse de la pose du bras articulé conférait au saphir un mouvement perpétuel d’inanité sonore ; raclant la fine tranche de la galette noire, il n’embrayerait jamais sur le sillon porteur de notes. Bondir vers l’appareil, soulever, reposer encore plus délicatement, si possible se postant les yeux juste à hauteur du mécanisme, et Dario Moreno de nous transporter à Rio, au paradis, ou de nous regarder danser. Certains en lieu et place du saphir disposaient d’un diamant mais nous n’étions pas si riches.
(sur ces 78/45/33 tours nous en aurions à dire : générationnels ces signes, avec des parents comme les vôtres, Employée – ou comme les miens, plus bourgeois cependant – on se souvient entre autres d’Enrico Macias et des Compagnons de la chanson ces disques étaient à la maison, nous n’en empruntions point…) Mais c’est Dario qui revient, cependant, permettez ce souvenir été soixante quatre, avais-je onze ans, mon frère aîné seize, et le voilà employé stagiaire ou troisième assistant régie, je ne sais – dès que possible, je m’informe – sur le pratiquement (sinon cinéphiliquement) inoubliable “Dis-moi qui tuer” (Etienne Perrier, 1965) avec Michèle “t’as d’beaux yeux” Morgan et l’illustre Dario Moreno, sur le port de Sainte-Maxime ou Saint-Tropez, je ne sais plus, à la nuit, nous l’accompagnions, ma mère mes soeurs et moi (le frangin, pas Dario) et nous voyions, au loin, descendant de sa caravane, la merveille blonde sur le port, dans la nuit…
Merci pour le souvenir dariomorenesque mis en partage (vous racontez si bien !). J’ai hésité avec les Compagnons en effet, parce que leur Verte campagne : en boucle aussi…