le blog de Martine Sonnet – ISSN : 2267-8735
"Le problème de la nuit reste entier. Comment la traverser, chaque fois la traverser tout entière ?" Henri Michaux
Dans leurs téléphones ils disent qu’ils t’appellent de la gare, les plus optimistes, ou bien qu’ils sont dans le train, les plus anxieux qui ne croiront à la réalité de leur départ qu’une fois à bord. Place trouvée, sacs posés, manteau en boule sur le siège à côté – premiers arrivés. Certains en partance vers les profondeurs bocagères annonçant successivement à leurs proches le franchissement de ces deux épreuves (comme en soulevant discrètement un pan de leur veston, on découvrirait à la fois une attache de bretelle et une boucle de ceinture). Et dans le cours du voyage, ils s’assureront encore qu’on vient bien les chercher, avec une automobile, sur le parking de quel côté et à la bonne heure – pas forcément celle de la fiche horaire. Dans l’ancien temps, il y avait des cabines, qui fonctionnaient, jusque sur les quais, mais les téléphones portables ont sonné leur glas. Aujourd’hui désaffectées. Je me demandais toujours, passant à leur hauteur, comment ceux qui parlaient dans leurs lourds combinés, abrégeraient poliment la conversation à l’approche du signal sonore. Maintenant je pourrais, si je voulais, munie d’un portable, parler quand le rouge est mis et même quand le train s’ébroue. Mais en gare, je reste muette comme une carpe. D’ailleurs, à qui je dirais que j’y suis, dans la gare, quand c’est un vrai secret de Polichinelle.
Des extensions nécessaires de la gare, en vrac : la librairie Tschann sur le boulevard du Montparnasse, au n°125 , et s’installer pour lire à la cafétéria d’Inno devenu Monoprix en dégustant leur café du mois – comme une fois mémorable avec Tarkos dans le petit sac plastique vert ; les Sept cinémas Parnassiens, en y accédant toujours par la rue Delambre et l’assurance d’un film visible au moins sur les sept ; la dalle-fontaine au cœur de la place de Catalogne quand le film d’eau douce s’y étale, et tourner voluptueusement autour à vélo (aux beaux jours, du temps du bureau sur les voies, j’y arrivais par la piste cyclable de la rue Vercingétorix qui débouche-là, et parfois dans la dernière ligne droite, juste de l’autre côté, un TGV avec qui faire la course) ; la Grande Poste et le Musée Postal du boulevard de Vaugirard, parce que j’ai toujours été maniaque du courrier sous toutes ses formes et je déplore la raréfaction des wagons jaunes, signes d’espoir pour les lettres qu’on venait de lâcher par la fente d’une boîte dans la gare. Mais jamais ne s’inscrira dans mes extensions de la gare, la tour, juste utile à guider de loin – et même depuis mon quai de banlieue, c’est une chance que j’ai -, le regard dans la bonne direction. Aiguille de boussole qui rassure.
Il y avait du temps où les études nous tenaient, en descendant le boulevard, ce restaurant (dieu que le terme est euphémique…!) qui se nommait, vous vous souvenez, “Roger la frite” ? avec son steak un peu godasse, à 7 francs accompagné de ses frites quand même, je me souviens, nous avions vingt ans, la cinémathèque était à Chaillot et Jussieu venait d’ouvrir tout en amiante… Tschann était aussi l’extension de l’école, bien des années plus tard, hautement studieuse scientifique et sociale, quelques encablures en descendant le boulevard, pas à dire, la géographie a quelque fois des choses à nous rappeler.
PdB : Roger la frite je n’ai pas beaucoup fréquenté (comme de façon générale les restaurants dont je n’ai aucune “culture” pour ne pas faire ma bourdieusienne en parlant d’habitus)
Par ailleurs, comme je fais dans cet épisode du feuilleton du samedi une allusion à Tarkos et plus précisément au jour où j’ai acheté Anachronisme (c’était d’ailleurs un samedi), j’ajoute ce lien vers le site de Lucien Suel qui vient de lui consacrer un très beau texte hommage
Ce n’est pas votre genre, comment dire ? c’est compliqué, mais pour ma part, je le vois bien. Ce n’est pas tant l’habitus, mais plus quelque chose qui n’a pas lieu, voyez, même à présent j’en suis sûr, iriez-vous manger le menu dans ce petit restaurant en face du studio des Ursulines ? Plutôt pas, mais avec une cantine, oui (à ce propos, je me permets de vous indiquer, que, du temps des études, le restaurant – universitaire, sans doute- Albert Châtelet était vraiment couru (juste derrière l’Ens) parce qu’on y avait l’honneur d’y être servi à table… Vous souvenez-vous ?)
un petit restaurant en face du studio des Ursulines : vous êtes sûr PdB ? (pas beaucoup fréquenté non plus les restau U)
Oui, dans les verts, au coin de la rue Gay Lussac, c’est encore elle, là, je crois bien (j’y suis allé l’été dernier pour ces escapades de l’institut Curie…)
.. “le rouge est mis” … aujourd’hui, croisement de rues vue en live du côté de Denfert, du côté de la route en pli des embouteillages.. choix.. Porte d’Orléans où Gare Mont parnasse ?…pensée furtive .. le feuilleton du samedi . ou la route du retour .. la sagesse contrainte a gagné avec en /une voix off toute remplie d’images mots .. et voiloo .. pas de photos de la gare chez mariedom.. elles sont toutes là sorties de ta plume … imaginées ++++