le blog de Martine Sonnet – ISSN : 2267-8735
"Le problème de la nuit reste entier. Comment la traverser, chaque fois la traverser tout entière ?" Henri Michaux
Pour faire suite à un billet précédent consacré aux mois de juillet et d’août, un autre extrait de ma contribution au récent livre collectif Pierre Bergounioux : le présent de l’invention, dirigé par Laurent Demanze. J’en rappelle le principe : une relecture de ses trois premiers Carnets de notes (1980 à 2010) dessinant l’archétype d’une année bergounienne. Tous les passages composés en italiques ci-dessous sont des citations extraites de ces trois volumes.
Septembre, octobre, novembre, décembre.
Voici venir les tristes mois à la finale en –bre, c’est tout dire. Remettre un pull sur sa chemise et reprendre le chemin du collège, pré-rentrer, rentrer, toucher son emploi du temps, expérimenter chacune des journées de la semaine qui forme l’unité de base de l’année scolaire, classe après classe rencontrer les parents. C’est un automne de huit mois qui a débuté en septembre. S’armer de courage pour le traverser, honorer les commandes, les invitations, les sollicitations de toutes sortes, et rester réceptif à ce moment récurrent, […] à la frontière de l’été et de l’automne, où le grand passé entrouvre ses portes de corne, où les morts nous font signe. Les entendre, et ce qui s’est déjà écrit de leurs dits, en corriger les épreuves, en signer les services de presse, accompagner les livres parus, leurs traductions, leurs rééditions sous habits neufs. Aspirer au dernier jour de la première moitié du premier trimestre ; dans ces temps-là souffler quelques jours et retarder sa montre d’une heure. Faire la part des distractions propres aux mois en -bre : Fête de l’Huma, FIAC, Salon du livre jeunesse de Montreuil, y aller, ou pas, mais pour rien au monde ne manquer la bourse aux minéraux de l’hôtel PLM Saint-Jacques, même quand l’inattendu a déserté ses étalages - vingt ans que nous fréquentons cette bourse. Tout nous émerveillait au début. On sortait de la vieille Corrèze. On n’avait rien vu. Au 11 novembre, l’automne s’aigrit. Tout périclite, penser à la vignette automobile et au vaccin contre la grippe. Décembre, léger répit au collège avec la semaine de stage des troisièmes. Faire le dos rond - la vie devient domiciliaire et familiale – pour amortir ce temps obscur, immobile et froid de décembre. Le ciel est pareil à une feuille de fer, la lumière pauvre, comme si la nuit restait mêlée au jour. Ne pas tenter de les démêler, n’en extraire que la date du 15*, anniversaire, – 12 ans, 15 ans, 21 ans, 25 ans, 30 ans, 31 ans – , des cahiers de 288 pages propres à serrer chacun quatre ou cinq mois de la vie précieuse de Pierre Bergounioux. Et quand, pour une fois, le dernier jour de l’année coïncide avec la dernière page de ce cahier, l’événement mérite pierre blanche : c’est arrivé le 31 décembre 2001.
* Si la toute première entrée du premier volume est bien datée du 16 décembre 1980, c’est par la suite toujours à la date du 15 décembre, donc la veille, que l’anniversaire du Carnet est mentionné.
P.S. Pour continuer votre lecture sur ce blog par quelques autres articles dans lesquels il est question de Pierre Bergounioux :
Art de la jonquille chez Pierre Bergounioux : mise à jour 2016-2020
Un printemps bergounien malgré tout
Ouvrir l’année à Gif-sur-Yvette avec Pierre Bergounioux
Une jonquille par temps de chrysanthèmes (offerte par Pierre Bergounioux)
Compression d’étés bergouniens
Lui et nous : à propos du “Carnet de notes 2011-2015″ de Pierre Bergounioux
Jonquilles primeures à Gif-sur-Yvette : suite des Carnets de Pierre Bergounioux
“Vies métalliques”, rencontres avec Pierre Bergounioux
Enfin visibles à Paris : des ferrailles de Pierre Bergounioux
Mots de la fin (provisoire) du Carnet de notes 2001-2010 de Pierre Bergounioux
Pierre Bergounioux, Carnet de notes 2001-2010, lecture in progress
Lecture en cours : Pierre Bergounioux, Carnet de notes 2001-2010
“Un concert baroque de soupapes”, Pierre Bergounioux sculpteur
Dans Les moments littéraires, Bergounioux
Histoire, littérature, sciences sociales – et Bergounioux
D’une page 48 de Bergounioux, et tout son monde est là
Couleurs Bergounioux (au couteau)
(il n’aime pas les huîtres, ce Bergou – il faut se battre pour continuer à vivre (ça me fait ça tous les ans) et continuer à tenter de trouver quelques rafraîchissements dans ce dernier trimestre – quand il y aura Noël peut-être (mais les fêtes, ces fêtes-là, je les agonis) – il faudrait trouver de la chaleur, faire des feux de cheminées (avoir des cheminées en ville, le luxe) et manger des chocolats (dommage, je ne les aime guère) – je ne suis pas loin de penser de la même manière (mais les rentrées des classes sont loin, déjà – les enfants en ont fini, nous autres voilà bien longtemps) et c’est vrai que, pour novembre… (heureusement, le 30, naquit l’une de mes filles : à son anniversaire, on sent déjà que les choses vont s’arranger et que mars reviendra sûrement…)
Je ne veux pas “divulgâcher”, comme il faudrait dire, mais vous verrez quand on en sera au mois de mars, que ça ne va pas encore vraiment mieux…