L'employée aux écritures

le blog de Martine Sonnet – ISSN : 2267-8735

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"Le problème de la nuit reste entier. Comment la traverser, chaque fois la traverser tout entière ?" Henri Michaux

Montparnasse Monde 39

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Posted by ms on 20 juin 2009 at 11:43

Les salles d’attente de la gare je ne les fréquente pas puisque la (dé)raison d’être de ma présence en ce lieu ne se réduit jamais à la perspective d’un train. Mais, à supposer que je rentre un jour dans le rang des usagères ordinaires, ma carte escapade ne m’ouvrira pas leur saint des saints : le salon « Grands Voyageurs » qui dispense à ceux-là, exclusivement, ses honneurs et aménités. Avec obséquiosité, du moins vu, au dérobé, de l’extérieur : le salon ne s’ouvre sur l’accès latéral Commandant Mouchotte qu’au moyen de meurtrières horizontales vitrées sécurité. Pour la tranquillité et l’entre soi de ceux à l’intérieur. Je respecte la distance de courtoisie (comme au guichet de la Poste) et ne colle pas l’objectif de l’appareil photo sur un rai ajouré. Sans faire de paranoïa excessive, escapade et Grand Voyageur, c’est un peu torchon et serviette. Je me demande pourtant si mon entreprise d’écriture ne justifierait pas l’obtention d’un mot de passe dérogatoire, au moins à usage anthropologique. Je ne cherche pas à me faire plaindre, mais dans la gare, je n’ai pas forcément tous les atouts dans mon jeu.

Dans mon bureau au dessus des voies, je ne voyais pas le temps passer. Tout d’un coup, il pouvait être 7 heures du soir, voire plus tard encore, et je devais me sauver : les courses, la cuisine. Je n’étais jamais restée aussi tardivement dans aucun des bureaux par lesquels j’étais passée. Et je n’en rentrais pas fatiguée. La gare, le bureau, le jardin et moi, nous formions un écosystème. J’étais bien et je n’étais pas la seule : nous étions tous bien ensemble au dessus de la gare Pasteur, tous angles arrondis, sur les voies 1 à 9 ; nos fenêtres côté jardin. Même les chargés de mission que leur archéologie familiale ne scotchait pas, comme la mienne, à la gare, vivaient avec elle en parfaite harmonie, recourant à ses nombreux services – intrinsèquement ferroviaires ou adventices – autant que de besoin. Qui descendait acheter le journal ; qui des cigarettes ; qui un billet de train ; qui un sandwich si vraiment pas le temps d’aller plus loin ; qui y garait sa voiture un jour exceptionnel nécessitant une voiture (par exemple pour y transporter du matériel et des provisions de pique-nique). Et toujours proposer aux autres d’en profiter : se rendre mutuellement service et avec la gare. J’ai beaucoup aimé cette vie-là, mon petit éco-système dans notre symbiose générale.

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4 Comments

  • On 20 juin 2009 at 14:38 PhA said

    Depuis l’enfance il nous poursuit, le jardin, la chambre ou le salon défendu.

  • On 20 juin 2009 at 22:42 PdB said

    “Grands Voyageurs” voyez, pas tant “Grandes Voyageuses”, et la double journée, j’aime beaucoup que vous vous “sauviez” avec les courses et la cuisine. Me suis-je, moi, jamais “sauvé” pour (par) des courses ? Je ne crois pas, peut-être, mais mes horaires (lorsqu’il y en a) sont toujours d’une stricte observance : le truc s’arrête à telle heure, pile, commence à telle autre, pile… Il y avait là, je sais bien, comme un havre, et quelque chose de regrettable (qu’on regrette : comme ce sens change aussi, avec ce “sauver”…) et parfois, je regarde la gare et je me souviens de celle du commandant David Bowman qui vidéo-téléphone à sa fille, je crois bien, pour son anniversaire, dans “2001 l’Odyssée de l’espace” durant son transfert vers la Lune, vous voyez cette gare-là ? Et son “grand voyageur” ?

  • On 12 août 2009 at 10:15 gilda said

    Ton évocation des échanges me rappelle mes débuts aux bureaux avant que le siège social ne brûle et qu’on perde en tout cas pour nous ces locaux. Tant que le boulot était fait on pouvait aller et venir, et oui descendre au kiosque chercher Le Monde, faire un saut à la librairie car l’amie libraire avait signalé que le nouveau Fred était arrivé, ou un Sjöwall et Wahlöö nouveau et qu’attendre jusqu’au soir était juste impossible (il ne s’agissait pas de lire, il fallait travailler, mais déjà : l’avoir en main et la promesse d’une belle nuit qu’il portait). Il y avait une boîte postale au rez-de-chaussé et j’y postais souvent mon courrier personnel ou bien les factures à payer. Quant aux démarches bancaires on les effectuaient sur place. La seule condition était d’éviter d’être absents lors des réunions.
    Pour ça aussi je n’ai pas supporté, quand le boulot est devenu entièrement fliqué et nous, mes collègues (pourtant cadres) et moi des sortes de prisonniers.

  • On 12 août 2009 at 10:16 gilda said

    pardon, effectuait. Et sans doute quelques autres trucs : je ne parviens décidément pas à relire avant de cliquer.

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