le blog de Martine Sonnet – ISSN : 2267-8735
"Le problème de la nuit reste entier. Comment la traverser, chaque fois la traverser tout entière ?" Henri Michaux
M’y être crue longtemps la très bienvenue – à cause de ce nom « Montparnasse Bienvenüe » baptisant la station de métro qui dessert la gare sur les lignes 4, 6, 12 et 13, mais celle-ci n’existait pas alors – expliquerait par une imprégnation originelle (pour ne tout de même pas dire in utero qui serait exagéré) mon empathie pour le monde Montparnasse. Enfant, je me félicitais de ce que cette gare, la seule pratiquée, soit aussi la seule à accueillir d’un mot gentil les voyageurs. En famille, nous l’abordions toujours par la ligne 12, joignant la Mairie d’Issy à la Porte de la Chapelle – autrement encore dite « Nord/Sud », survivance de l’époque où il n’y en avait pas tant à traverser Paris de part en part. Sensibles au bon accueil qui nous était réservé avec cette bienvenue lancée avant même qu’on l’atteigne : il nous restait encore à marcher un certain temps dans des couloirs. Les stations Gare du Nord et Gare de l’Est sur la ligne Porte d’Orléans – Porte de Clignancourt, pour ne citer qu’elles, ont toujours été avares de pareille prévenance. Je ne connaîtrai la vie et les oeuvres métropolitaines de l’audacieux ingénieur Fulgence Bienvenüe que beaucoup plus tard, mais resterai imprégnée de ce sentiment d’hospitalité spécifique longtemps éprouvé à l’approche de la gare Montparnasse.
Arts et manières d’aller de chez nous à la gare, sans recourir aux bons offices d’un autobus, ni d’un métro ni d’un train. A vélo : cas fréquent quand j’occupais la pièce 2071 de l’immeuble Nord-Pont, les jours doux sans risques de pluie. Et l’affectueux “rentre bien” que me lançait le soir, me voyant passer à hauteur de sa porte ouverte sur le couloir courbe, celui qui de nous tous restait travailler le plus tard. Mon casque balancé à bout de bras, le sien posé sur une pile de livres derrière son bureau, sous les voies de chemin de fer vues du pont peintes par sa mère. A pied : c’est arrivé une seule fois, pendant ces grèves dites “le mouvement social de décembre 1995″ gravé dans les mémoires solidaires d’un autre siècle (et sur la pellicule d’un film de Dominique Cabrera qui s’appelait Nadia et les hippopotames). Il s’agissait, pour C. et moi, de rejoindre, sur le côté Commandant Mouchotte de la gare, les cars d’Air France qui, imperturbables, nous emmèneraient à Orly prendre un avion pour Madrid. L’étrange impression que cela fait de partir à pied de chez soi et de marcher longtemps longtemps dans la nuit pour aller prendre l’avion. Bien des années plus tard, on s’en souvient encore. Même parcours qu’à vélo, exactement, collé aux voies tout du long quoi qu’il arrive, mais le raccourcis en petit escalier, à Malakoff, se franchit plus aisément à pied.
Ce qui est bien, c’est qu’ils se sont installés en banlieue, je trouve ça plutôt agréable,- on -ils- dirai(en)t cool les jeunes qui nous poussent vers la sortie- : parce que il y a comme une transition, quelque chose entre cette Orne, là, et la grande ville où on se perd… j’ai adoré me perdre à Paris mais j’avais 17 piges en même temps, et aussi à Venise mais j’en avais 25…
Et plus tard, il y a près de quinze ans, avec l’autre “droit dans ses bottes” pauvre chose, et cette mayonnaise qui prenait, on allait en voiture avec des inconnus, d’ici à là, moi j’allais toujours en voiture, des gens, on en parle encore, cette mémoire est là, dans l’étude vélo que j’ai commise il y a toujours cet antécédent, et ce préalable (“mes” enquêtrices qui n’ont pas 25 ans me racontaient que leurs parents les prenaient sur le vélo pour les mener à l’école…). Pas si loin, et pas du tout, mais pas du tout éteint. En fait, je vais vous dire parce que je le sens : on attend…
L’appellation “Nord-Sud” est aussi une survivance de l’époque où l’actuelle ligne 12 (et une partie de l’actuelle ligne 13) faisait partie d’un réseau concurrent à la C.M.P. (Compagnie du chemin de fer Métropolitain de Paris, actuelle RATP) dénommé “Compagnie du chemin de fer électrique souterrain Nord-Sud de Paris”…
Ce réseau fut absorbé par la CMP en 1930.
Aujourd’hui, de nombreux vestiges décoratifs de cette époque subsistent heureusement.
Voir à ce sujet un excellent site
“quand j’occupais la pièce 2071 de l’immeuble Nord-Pont…” (un beau suspens dans ma lecture)
@Phileon : sur un sujet pareil, je n’en attendais pas moins de ta part !
@PhA : je ne serais pas passée par là, je crois bien que je ne serais jamais arrivée ici
Je dois avoir en photos des vestiges “NS” pris sur la ligne 13. Tiens, il faudrait que je regarde si à Brochant qu’ils refont, ils ont pris la peine d’en rajouter ou s’ils ne souhaitent quand même pas à ce point de faire du “comme avant”.
C’est rigolo, moi aussi je l’ai eue, la bienveillance du Bienvenüe et quand plus tard, longtemps plus tard, j’ai su, je me suis consolée grâce à son Fulgence, que je trouvais charmant (sans doute par association d’idées avec le Petit Nicolas où il pourrait être s’il ne figure pas).