le blog de Martine Sonnet – ISSN : 2267-8735
"Le problème de la nuit reste entier. Comment la traverser, chaque fois la traverser tout entière ?" Henri Michaux
Trois jours en Alsace, à l’invitation de l’IRCOS (Institut régional de culture ouvrière et de service – elle y tient, à juste titre, au développé du sigle, Denise Stodel qui avait tout parfaitement organisé, merci à elle), pour y parler d’Atelier 62 dans le cadre du prix littéraire inter-CE auquel les forgerons participent.
Trois jours de rencontres dans des bibliothèques qui avaient toutes la particularité d’être installées dans des locaux industriels réhabilités et se prêtaient donc particulièrement bien à la lecture de ce livre et à nos échanges.
Jeudi 4, c’était à Mulhouse, dans la bibliothèque universitaire de la Fonderie, implantée avec d’autres équipements universitaires et culturels dans un ancien bâtiment très impressionnant de la SACM (Société alsacienne de constructions mécaniques). Des lecteurs qui ont autrefois travaillé sur le site sont venus nous expliquer, pleins d’émotion, ce qu’ils y fabriquaient et à quel endroit précisément.
A Colmar, le lendemain, changement d’univers : la bibliothèque universitaire du Grillenbreit est installée dans l’ancienne usine textile Bergas Kiener et autour de sa cheminée. Les forgerons de Billancourt sont là chaleureusement accueillis, et pas seulement parce qu’on s’assoit autour de la cheminée, par Annie Schaller, responsable du SCD de l’université de Haute-Alsace et son équipe.
Enfin samedi 6, c’est à la médiathèque André Malraux, qui occupe elle un bâtiment de l’ancien armement Seegmuller sur le port rhénan, que j’intervenais, après une visite des lieux guidée par l’enthousiaste équipe patrimoniale. Equipe avec laquelle nous sommes probablement appelées à nous revoir.
Trois réhabilitations de locaux industriels en bibliothèques, également soucieuses de porter et partager avec leurs publics la mémoire et la parole ouvrière de leurs origines, sans hésiter même à l’écrire en toutes lettres sur leurs murs.
Dites, ce n’est pas une “fonctionnalité” “édictée” par les “collectivités territoriales” que de faire muer (ou muter) les industries en “lieu dédié au livre”, à la lecture ou quelque chose ? On a comme cette impression, vu d’ici (en même temps, qu’est ce que c’est beau…!)
(je vais mettre des guillemets partout pour l’ampoulement des termes, d’accord ?) (je pense aux gens qui ont été foutus dehors avec ou sans indemnités, qui y passaient la vie, travail et bris du corps et cependant, cette émotion, cette vie, ce désir de vie et de rencontre des autres, de la même classe : qui me fait souvenir des types au coin fumeur de l’usine, le 31 juillet 69, heureux de s’en aller, grillant le clope en souriant…°