L'employée aux écritures

le blog de Martine Sonnet – ISSN : 2267-8735

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"Le problème de la nuit reste entier. Comment la traverser, chaque fois la traverser tout entière ?" Henri Michaux

Montparnasse Monde 40

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Posted by ms on 27 juin 2009 at 12:50

La gare nous tient à l’oeil, mais c’est bien réciproque. Du moins en ce qui me concerne, même si je crains toujours, usant de mon appareil photographique, que l’on repère en haut lieu sécuritaire mon manège et se méprenne sur mes intentions toutes pacifiques – pour ne pas dire affectueuses. Toujours est-il que mon acuité visuelle n’est nulle part aussi fine et que mon point aveugle m’en fait voir-là de toutes les couleurs (dans les limites du spectre de la gare). Plongée au coeur du monde Montparnasse j’atteins, à très peu de choses près, la vision panoramique qui confère à la mouche son caractère insaisissable. La seule qui permette de suivre cette roulette échappée de son essieu de valise, et tous à shooter dedans, sans la sentir, pieds insensibles, absorbés qu’ils sont par l’affichage tardif de leur TGV, partis comme un seul homme et la roulette, entre eux, de l’un à l’autre, et sur elle-même comme une toupie. La gare, pour un peu, je n’en croirais pas mes yeux.

Dans la gare, mes autres sens ne sont pas au repos, si l’on en excepte le goût* – sauf, cas peu probable, à me trouver là mâchonnant un chewing-gum pas trop vieux, mobilisant encore un peu mes papilles gustatives. Pour le reste, j’ai l’ouïe fine, l’odorat développé et la sensibilité au monde Montparnasse à fleur de peau. J’entends celle qui confie à son téléphone “quand je vois Marie-Louise avec son poulet, ça me remet les idées en place” – ce qui stimule en outre mes facultés cognitives puisque je me demande bien comment une conversation peut en arriver là. Je sens bien que la gare ne sent pas partout la rose – je marchais un soir le long d’un quai de banlieue avec P.A. en lui parlant d’écrire la gare et lui : “mais l’odeur, tu la sens, l’odeur ?”.  Et j’ai la chair de poule rien qu’à penser à l’ombre de la personne de l’accident de personne. Qu’on ne me dise pas que je nourris pour ce lieu une passion insensée, même si je cherche encore quel sens donner à mon entreprise : la gare, au fond, j’en attendais quoi quand j’ai commencé ?

*Voir Montparnasse Monde 34

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2 Comments

  • On 29 juin 2009 at 23:13 PdB said

    Etrange que la “série” se termine par cette caméra (“le prisonnier” vous vous souvenez ?) : moi, je crois que ce qui est nourri ici pour le lieu l’est par ces passages fréquents, cette appropriation professionnelle (c’est une chose à laquelle je crois profondément) qui nous oblige à tous les jours de nos mêmes pas emprunter les mêmes lieux, chemins, sillons… J’espère dans la continuation de l’emprunt de ce lieu, ces choses qu’on croise sans les voir, tous les matins des jours “ouvrables” (cet adjectif, que d’incompréhensions et de méprises) et tous les soirs, et cette fréquentation bi-quotidienne ne cesse de laisser des traces dans la mémoire, le lieu du sentiment et des souvenirs (j’aime beaucoup savoir que, par exemple, le “Inno” de la rue s’est changé en un autre chose, mais que cette enseigne pare – c’est le mot juste, mais je ne sais s’il en est toujours ainsi aujourd’hui- la rue de Passy). Je déplore, je vous le dis sans fard, la fin de ce feuilleton : j’y trouverai pour ma part une suite sinon logique du moins simple au recours des personnes qui le hantent – ce qui serait un travail si enrichissant pour la société (fut-elle nationale des chemins de fer) qu’il faudrait le lui indiquer.
    J’aime aussi beaucoup savoir que le “héros” du livre que je finissait hier matin, la pluie crépitant dehors vers six heures, nommé Amadéu, j’aime beaucoup dis-je savoir que ce héros (qui n’en est pas un vu qu’il n’agit plus mais n’apparaît que mort – mais certes écrivain) était féru d’aiguillages, d’horaires et de changements : le train, comme source ou ferment de tant de fictions (on le nomme le “dur” en argot comme si le mou devait être …? )
    Le livre lu “Train de Nuit pour Lisbonne” Pascal Mercier, Christian Bourgois, 10/18 : la portée (refusée, certes) à un certain Panthéon de La Femme est un travers de cette narration, qui apporte pourtant, cette narration en forme de montage cinématographique et littéraire, une connaissance peut-être assez vraie de ce que nous essayons de nommer la loyauté. La ville en elle-même, dont le héros, Amadéu, semble malade dès qu’il la quitte, a la qualité de cette absence : ouverte sur le large du Tage, au loin comme au près Bélem, cette amabilité des hommes, ce charme des femmes, cette élégance de tous : savez-vous que le train de nuit s’en va de Montparnasse ? Voilà bien quelque chose que le présent nous a donné et qui s’accorde profondément à ces territoires lointains.

  • On 30 juin 2009 at 6:46 ms said

    PdB : Lisbonne vous va bien, y partir de Montparnasse oui on peut et je connais même un voyageur qui le fait parfois (mais changement de train juste passé la frontière espagnole : l’écartement des rails n’est pas le même, si je ne m’abuse)

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