le blog de Martine Sonnet – ISSN : 2267-8735
"Le problème de la nuit reste entier. Comment la traverser, chaque fois la traverser tout entière ?" Henri Michaux
Discussion (amicale) aujourd’hui avec une collègue dont je relis un texte : elle a féminisé systématiquement les mots comme “précurseur-e-” “successeur-e-” etc. avec le e bien détaché entre deux tirets. Elle a aussi accolé, par principe, “hétérosexuel” au mot couple pour parler de Mr and Mrs C, des anglais voyageurs du XVIIIe siècle.
Je lui fais remarquer que pour partager ses convictions, je trouve néanmoins que les textes sont alourdis par ces précisions qui ne sont pas forcément nécessaires ni utiles à la cause. Je ne suis pas pour ce martèlement – même si je l’applique à certains mots et tiens à être ingénieure de recherche - mais sans tirets – et non pas ingénieur (on a droit à quelques incohérences par ci par là, et d’ailleurs quand je serai grande je voudrais être un écrivain…). Et je trouve totalement absurde l’emploi qui se répand de chercheure avec ou sans tirets quand il existe chercheuse.
Ma collègue considère au contraire que la stricte application de ce principe contribue décisivement à l’évolution des esprits et des regards, en est même une condition. Nous ne sommes pas d’accord, je crains que l’agacement, que même moi je ressens à lire ces tournures insistantes, soit au bout du compte contreproductif, générateur de dérision ou de caricature. Qu’il faut s’y prendre autrement.
Personnellement, il me semble que revendiquer le salaire égal du travail égal, le règne de la parité en tous lieux et toutes instances et une répartition équilibrée des corvées ménagères, ce à quoi je m’emploie, n’empêche pas de s’accommoder d’une certaine neutralité du langage – même si je regrette qu’en français celle-ci soit phagocytée par le masculin.
Il y a un côté un peu systématiquement amusant dans cette propension à vouloir toujours et à toutes les sauces, il faut bien le dire, adopter un symbolisme de genre… et aussi un peu ennuyeux (c’est certes que c’est homme qui écrit, hein, voilà bien quelque chose qui va sans dire). La parité en tous lieux et toutes instances : oui, bon, et les professions aussi, qu’est-ce qu’on en fait, dites ? Les mineurs, les infirmières, les profs et les instits, les sage femmes, les péripatéticiennes, enfin tout ça disons, qu’est-ce qu’on en fait ? Bien sûr que c’est de la provocation, et puis les mots aussi ont un genre… Où arrêter ce symbolisme ? Je ne sais pas mais je crois que le -e- partout, c’est peut-être un petit peu trop…
Je préfère une femme écrivain à une femme qui écrit en vain.
je n’aime en tout cas pas du toute l’écrivaine, quant à l’auteure et aux formes identiques en “re” je ne les trouve vraiment pas heureuses à l’oreille du fait de l’insistance qu’il faut mettre sur le e final si l’on veut qu’il soit perçu
J’arrive après la bataille mais si les écrivaines, les femmes écrivains et autres autereures (avec un sans tirets), dans la formulation, me séduisent peu, j’en viens de plus en plus à me servir du mot autrice, beaucoup plus agréable à l’oreille, plus logique dans sa construction et qui, surtout, existe bel et bien (ou du moins a existé) si mes souvenirs de littérature du XVIe ne sont pas totalement dissipés.