le blog de Martine Sonnet – ISSN : 2267-8735
"Le problème de la nuit reste entier. Comment la traverser, chaque fois la traverser tout entière ?" Henri Michaux
Premier vendredi du mois : carte blanche à Philippe Annocque (qui, à charge de revanche, m’accueille dans ses Hublots) – c’est dans le cadre des vases communicants entre blogs et je suis très fière que l’auteur de Liquide, pour sa première participation aux opérations, s’aventure sur mes terres…
Moi aussi, l’Histoire, ça me connaît.
Encore une fois, c’est la guerre. Je viens d’être appelé. (Est-ce moi qu’ils ont appelé ? Vous n’apercevez qu’une sorte de lycéen un peu gauche. Vous avez même l’impression que je n’ai pas terminé ma croissance.)
Je viens d’être appelé, comme tout le monde. Ne me plaignez pas : je ne suis pas contre.
Je sais pourtant bien de quoi il retourne. Tous ici, tous autant que nous sommes, nous le savons parfaitement. Sans doute, comme vous, l’avons-nous appris dans les livres. Cette guerre en effet est la première : la Première Guerre mondiale, qui vient juste d’être déclarée. Nous savons donc bien comment ça finira, comment ça aura du mal à finir, comment ça n’en finira jamais.
Dans mes mains, je retourne ma convocation. C’est un petit papier cartonné rectangulaire et allongé, horizontal. Sans doute sa couleur blanc cassé est-elle censée marquer l’époque ancienne.
J’ai paraît-il la possibilité de ne pas y aller (peut-être même est-ce écrit directement sur ma convocation), de ne pas la faire, cette guerre. Peut-être puis-je, au lieu de la guerre, être affecté à une autre tâche, pourquoi pas journalistique. Une dame un peu sotte, qui me veut du bien, a tout prévu pour moi. Mais moi, vous me comprendrez sans peine, je ne veux pas d’un tel privilège ; je veux faire comme les autres.
Mon père est préoccupé. Le voici qui vient me voir, en moto, et me demande des nouvelles. Il n’est pas bien à l’aise, sur cette machine ; cela se voit tout de suite : il roule trop lentement, il zigzague.
Et voilà que je l’ai perdue, ma convocation ! Impossible de mettre la main dessus ! C’est tout de même bien ennuyeux. Je ne sais plus où je dois me rendre, ni quand. Cela a-t-il un rapport avec cette promenade en voiture, lors de laquelle M au volant quitte la route, roule sur un terrain herbeux et inégal, escalade d’abrupts monticules sous prétexte de prendre des raccourcis ?
si bien re-vécu ou re-créé avec précision et flou nécessaires
Quel plaisir de te lire chez une autre. Je vais relire ce texte, c’est pour le moment un de mes préférés dans les échanges de ce mois.
Littérature : convocation à ne pas perdre !
Et cette folle rage de vivre qui pousse M et tant d’autres (et nous avec)
à prendre les chemins de traverse, le coeur battant, pour glisser sur la mousse ?
Ce texte c’est du Annocque tout craché. Un régal. Pas besoin de signature.
Vivement le prochain livre.
alors bienvenue au jeune annocque qui a, comme qui dirait, de la bouteille (et de toute façon, question vases et liquide, personne n’arrive à son hublot)
“Jeune Annocque”? Ah pardon, j’ai dû me tromper!
Toujours cette inquiétante étrangeté! J’adore toujours autant!
Merci à tous – et à notre hôtesse !
Le jeune Annocque s’en va-t-en guerre. Rêve ou réalité ?
Un beau rêve labyrinthique à souhait, me suis pour l’instant arrêtée au premier magnolia.