le blog de Martine Sonnet – ISSN : 2267-8735
"Le problème de la nuit reste entier. Comment la traverser, chaque fois la traverser tout entière ?" Henri Michaux
Ma semaine ouvrable (au cas peu probable où Libé me la demanderait pour son édition de demain) ; je m’étais déjà livrée une fois à cet exercice sur le blog.
Lundi 5. Pour l’essentiel, la journée tend vers le rendez-vous de 18h30 à l’Atlantique avec Jérôme Wurtz pour parler de son travail cinématographique sur Billancourt et son histoire familiale qui, comme la mienne, passe par là mais venant d’Alsace et du Nord dans son cas. J’aime bien donner des rendez-vous à l’Atlantique, une brasserie idéalement placée pour qui fréquente la gare Montparnasse et se prêtant assez bien à travailler tranquille avec son espace à tables rondes relativement espacées et son wifi. Jérôme parti dans l’idée d’une adaptation d’Atelier 62 évolue vers un travail personnel, riche de sa propre histoire et de ses lieux à lui, comme le puissant 57, rue du Vieux Pont de Sèvres, auquel il intègre des éléments venant de mon “texte usine”, mes chapitres numérotés en romain. Il double ce travail de création d’un autre travail universitaire conduit avec un historien des techniques spécialiste de l’usine Renault de Billancourt dont il reconstitue les ateliers en 3D. Je suis heureuse de tous ces développements. Je lui ai apporté un exemplaire du CD de chansons de forgerons recueillis par Noëlle Gérôme que je possédais en double. Plus tard en soirée, constat de la disparition (à éclaircir) des poissons du petit bassin de l’entrée de l’immeuble sur lequel en tant qu’occupants du rez-de-chaussée et amis des bêtes nous veillons pour la collectivité (réduite à 4 appartements). Et pour finir un régal : le Don Giovanni retransmis en direct depuis Aix sur Arte dont nous approuvons la mise en scène / mise en questions par Dmitri Tcherniakov.
Mardi 6. “Sarkozy doit partir” c’est ce que je lis à la une de France Soir avant de comprendre que je prends mes désirs pour des réalités et que mes lunettes sont à changer une fois de plus. En fait ce qui barre la une de France Soir c’est : “Sarkozy doit parler” ; ça m’étonnait bien un peu, cette prise de position du rejeton de l’oligarchie russe actuel patron du journal. Aujourd’hui résultats du bac, mais je ne suis plus maternellement concernée, c’est fini pour nous depuis l’année dernière et je me revois recevant la bonne nouvelle assise à la terrasse d’un café face à la gare de Toulon. C’était la semaine de ma tournée des plages du Var. Un peu de monde aux portes des lycées proches de l’école qui abrite mon bureau, alors qu’hier j’avais trouvé le quartier particulièrement vide. Peu de suspense pourtant, je pense, pour les élèves scolarisés dans ces parages… Sur mon chemin de retour, c’est twitter qui m’annonce la mise en ligne dans la revue été 2010 de remue.net du texte que j’ai lu lors de la récente nuit de lectures de l’association, juste avant de trouver le mail de Dominique Dussidour m’en informant. Quant aux poissons rouge en copropriété j’apprends sitôt rentrée qu’ils sont en villégiature dans une baignoire du deuxième étage pour cause de fuite insidieuse vidant leur bassin : ils ont failli finir sur le flanc.
mercredi 7. Pas tous les jours que je vais au bureau sous un chapeau de soleil : aujourd’hui oui et je le suspends derrière ma porte.
Mon directeur de labo (historien du théâtre qui n’a pas aimé le Don Giovanni de lundi soir et en particulier son “déclassement” de l’aristocratie XVIIIe à la bourgeoisie XIXe – le décor unique en était un typique salon bourgeois) a la gentillesse de me signaler quand j’arrive qu’il vient de lire dans un ouvrage collectif récent Bourdieu et la littérature (mon directeur de labo est heureusement très ouvert à la sociologie, surtout bourdieusienne) un article citant Atelier 62 pour son inscription dans un courant actuel de récits de filiation empreints de l’apport du sociologue. Consultant sur internet sa table des matières, je me dis que l’auteur de cette contribution doit être Dominique Viart qui a déjà écrit ailleurs sur mon livre et m’avait invitée à son séminaire à Lille l’an dernier. Une descente à la librairie Compagnie à l’heure du déjeuner me le confirme. Je pousse jusqu’à la papèterie la plus proche pour l’achat de mon agenda papier septembre/septembre, complément qui reste indispensable aux divers agendas à la technologie plus avancée dont j’use également. J’ai déjà des choses à écrire desssus, comme les dates du séminaire Femmes au travail, questions de genre, XVe-XXe siècles, puisque je viens de bloquer les réservations de salles, une conférence à Beauvais en mars, ou les Rencontres à lire de Dax, le week-end du 1er mai au cours desquelles j’irai lire en bonne compagnie.
Jeudi 8. Je travaille chez moi : de l’avantage des chantiers qui, même conséquents, tiennent sur une clef USB. Ce n’est pas la chaleur qui me retient dans ma banlieue encore assez verte – j’avouerais même que j’aime qu’il fasse chaud – mais un rendez-vous banlieusard à 13 h. Dans ma ville et, plus précisément, tout près de la place terminus et correspondance de plusieurs lignes de bus où a été découvert il y a quelques semaines le cadavre d’une femme qui après autopsie s’est révélée être morte de mort naturelle. Si tant est qu’il soit naturel de mourir à la rue d’un cancer généralisé (à deux pas d’une clinique qui les traite), quelques mois après une expulsion ont dit les journaux. Je ne sais de cette affaire et de l’enquête que ce que j’en ai lu : fort peu de choses. Des ouvriers du chantier du tramway qui passera bientôt là pour filer vers Vélizy ont trouvé un matin son corps, en sous-vêtements, dans un terre-plein herbeux broussailleux, anciennement soigné et fleuri mais à l’abandon du fait des travaux. Longeant ces espaces pour me rendre à mon rendez-vous, je pense à elle, malade à l’extrême, venue se coucher là, au milieu des immeubles. Dans la salle d’attente où je passe une heure, il y a un écran de TV qui dégouline du journal de 13 heures de TF1. A chaque fois que je lève les yeux vers lui j’y vois des vacanciers béats sur des plages ou des supporters de football euphoriques : rien qui ressemble à nos soucis.
Vendredi 9. Je commence par récupérer (en demandant si ça ne dérange personne) l’article lu dans le Monde hier soir sur la saisonnalité des naissances pour son allusion au déficit du printemps 2004 renvoyant à la canicule d’août 2003. J’ai un dossier papier, un dossier immatériel et un fichier word baptisés “canicule” dans lesquels s’accumulent des articles et de la littérature grise glanés ici et là. Plus tard au pub de l’angle Ulm/Gay Lussac, café avec PCH qui sort 2 livres de son sac. Le premier, Les trois saisons de la rage, écrit par son frère Victor, sortira en août et je le lirai pour sûr : c’est l’histoire d’un médecin de la campagne normande (ornaise) au XIXe siècle. Le second, Paris ville moderne, de Virginie Lefebvre, il me le donne, il y est question de l’aménagement des quartiers Montparnasse et Défense, de 1950 à 1975 ; je ne connaissais pas. PCH profite de son café en terrasse pour photographier le 129e lion de sa collection. Après-midi studieux à la BnF, salle N et donc loin de ma place préférée en salle V, parce que le format de la boîte contenant les Bulletins d’information de la RNUR de 1946 à 1959 ne rentre pas dans les petits chariots suspendus qui circulent de n’importe quel magasin à n’importe quelle salle de lecture. J’apprends dans le cours de mes dépouillements qu’une ouvrière soudeuse entrée à l’usine en 1911 est décorée de la légion d’honneur en 1955 : j’essaierai d’en savoir plus sur son compte.
comme je ne lirai pas le Libération de demain, je saurai que j’en ai eu le meilleur, qu’il n’a pas
Employée, sous le lien de PCH arrive une des statues commentée, ou illustrée, ou racontée simplement dite, énoncée dans le feuilleton “Dans la ville haute” d’Anne Savelli, ce qui est chouette, non concerté mais pas déconcertant : la gare du Nord comme à vous Montparnasse… Vous vous étiez déjà croisées…
J’aime beaucoup la villégiature des poissons. Eux aussi auront eu des vacances, donc.
La statistique caniculaire dans un sens me rassure et dans l’autre me peine. Solitude irrémédiable d’être animal d’été.