le blog de Martine Sonnet – ISSN : 2267-8735
"Le problème de la nuit reste entier. Comment la traverser, chaque fois la traverser tout entière ?" Henri Michaux
Je refuse de me laisser parquer banlieue, question de principe. D’où que j’arrive, parvis ou métro, je résiste aux injonctions de couper au plus court vers mon « Transilien » – pour parler comme eux. J’évite à tout prix le filtrage par la batterie de composteurs du niveau Virgin confinant, une fois franchie, au pauvre espace de relégation, rien qu’à nous, dont l’unique Relay maigrichon est fermé le samedi. Magasin de vêtements “Tout compte fait” dont je n’ai plus l’usage – ils s’arrêtent au 14 ans et à 10 ils n’en veulent déjà plus de ces habits-là – et sinistre buvette pour seules autres aménités. Ne pas se laisser piéger comme des bleus : qu’est-ce qu’on fera là si le train ne part pas ? Et le Navigo qui ne voudra pas vous rouvrir la porte dans l’autre sens, et les complications qui s’en suivront.
Partie de train restant en gare : vacherie réservée certaines heures aux banlieusards et il faudrait s’en souvenir de ces heures. Brimade propre aux voies 10 à 17 incluses. On arrive en courant - pourtant nos sacs de travail et ceux à commissions pèsent lourds – plein d’espoir encore, le signal sonore d’imminence du départ retentit, l’affichage en bout de quai tourne la page (chaque petite plaque de lettre défilant alphabétiquement pour composer la prochaine destination ou provenance) et c’est pour buter – sans plus aucun souffle – sur cette misérable potence. Comprendre qu’il est trop tard pour atteindre l’autre moitié du train qui, elle seule, non solidaire de la partie caudale du convoi, s’ébranlera. Et qu’il ne reste plus qu’à aller se faire pendre ailleurs.
Et dans l’oreille le bruit d’ailettes folles de ces petites plaques de lettres qui tournent pendant la course.
exactement comme vous les entendez, PhA, ces successions de petits claquements pressés dont on ne sait jamais quand ils vont s’interrompre (mais attention, ils sont en train de nous mettre des écrans illisibles partout)
On en arriverait presque à vouloir être présent dans ces moments-là : mais c’est le propre de la fiction (aussi) , nous aider à comprendre ce que ceux qui racontent vivent ou ont vécu… Pour ma part, j’ai toujours dans l’esprit, l’oeil, le regard aussi quand je suis sur cette place (je trouverai le nom) à dire “tiens, c’est là que la loco déboucha et qu’elle tua “vous me direz qui” la marchande de journaux… tout ça et la tour, là devant, avec ses publicités visibles des Invalides (et toujours, un peu loin, si près pourtant toujours, “Cléo de 5 à 7″, dont je parlais il y a peu avec llaria, et le parc Montsouris – moi j’aime le réservoir de la Vanne – un peu de Coluche aussi, et pas mal de Saint Anne- enfin ce 14° disons (sans ou avec la Santé et le cimetière)