le blog de Martine Sonnet – ISSN : 2267-8735
"Le problème de la nuit reste entier. Comment la traverser, chaque fois la traverser tout entière ?" Henri Michaux
Les scènes se passent dans une boulangerie de la rive gauche, sur un boulevard de mon itinérance quotidienne Cette boulangerie n’a jamais été sympathique mais propose de bons financiers à la pistache et j’aime bien, d’une part, les financiers, d’autre part, tout ce qui est à la pistache.
Acte I, à la veille des dernières petites vacances de printemps de la zone C : comme je me trouve dans la boutique, les deux jeunes vendeuses parlent entre elles à mots couverts mais je comprends que leurs patrons les soupçonnent de distraire de la monnaie de la caisse.
Acte II, à la rentrée de ces même congés, jour de réouverture de la boulangerie : queue jusque sur le trottoir mais je prends mon tour et quand il arrive je comprends pourquoi l’attente et les étranges bruits de jackpot : une machine infernale dans laquelle il faut introduire ses pièces et qui rend automatiquement la monnaie trône sur la caisse ; personne n’y comprend rien et les vendeuses en réexpliquent le fonctionnement à chaque client.
Acte III : après avoir un certain temps évité la boutique, le jour où ma gourmandise l’emporte je paie mon financier à la pistache avec le plus gros billet à ma portée (20 euros) par esprit de rébellion contre une technologie prétendument hygiéniste à l’égard des clients mais surtout suspicieuse envers le personnel ; je constate qu’une affichette explicative a été collée sur l’appareil antipathique, spécifiant d’introduire les pièces LENTEMENT et UNE PAR UNE dans la fente (comme les billets de train dans les composteurs).
Acte IV, hier matin : je me demande si la machine a passé l’été, déroge à mon boycott et règle mon achat avec un billet de 5 euros – les temps sont durs ; mais grande est ma jubilation à la lecture de la nouvelle affichette apparue sur l’engin démoniaque, ajoutant aux recommandations antérieures la demande expresse d’attendre calmement le retour des pièces dues et de NE PAS TAPER SUR LA CAISSE.
Trop prise au dépourvu pour pouvoir photographier discrètement ; une autre fois peut-être. Et puisque j’y pense, à propos des boulangers parisiens, j’en profite pour suggérer de lire le beau livre que l’historien américain Steven L. Kaplan, a consacré à ceux du XVIIIe siècle, Le meilleur pain du monde : les boulangers de Paris au XVIIIe siècle.
On comprend qu’ils “fassent” si bien les financiers.
@PhA : ce sont les plaisirs pâtissiers, mordre à belles dents un financier, un jésuite, une religieuse, une polonaise, un baba… sans oublier les joies de la conversation
J’aime beaucoup le “ne pas taper sur la caisse”. Il est effectivement des boycotts difficiles.
Nous avons nous aussi un boulanger “technologique” mais au contraire plutôt intelligent, il faudrait tiens, que j’en fasse un billet.
La patron va se séparer des deux vendeuses, ça ne tardera pas.
“distraire de la monnaie de la caisse”, l’expression est vraiment savoureuse !
Moi j’aurais mis “Ne pas taper DANS la caisse” ça aurait aidé… En même temps (concomitamment si vous voulez, Employée) conseiller un livre de 756 pages, vous n’y allez pas de main morte (ni avec le dos de la cuillère) (je reconnais bien là votre occupation rétribuée – qui vous procure billets de 20 et de 5- je veux dire historienne)(un pavé de ce type n’alerte même pas cette corporation, c’est dire, je suis certain, ma main à couper, que vous avez haussé vos épaules) (ne mentez pas) (soyez, comme le bon pain, franche…) ( il y a aussi mordre dans l’éclair qui n’est pas mal – on se prendrait, presque, si on aimait les gâteaux – ce qui n’est pas mon cas- pour Zeus en son Olympe)(je vais me taper un petit casse-dalle au jambon, tiens)(ou au pâté, mais ça fait un peu tard)
Boulangerie monde, me dis-je souvent (pas en ces termes, cependant).
Dans le Montparnasse Monde le boulanger s’appelle Paul.