le blog de Martine Sonnet – ISSN : 2267-8735
"Le problème de la nuit reste entier. Comment la traverser, chaque fois la traverser tout entière ?" Henri Michaux
C’était vraiment une belle semaine, au cours de laquelle j’ai rencontré Régine Robin, puis le même jour, mercredi 26, écouté Antonio Lobo Antunes à la librairie Compagnie et enfin, j’en rentre juste, bu les paroles, tout à l’heure au Petit Palais, de Pierre Bergounioux et Charles Juliet en un dialogue magistralement mené par Dominique Viart.
Pour reprendre dans l’ordre, avec Régine Robin nous avons beaucoup parlé – en déjeunant place de Catalogne – de villes en général, de Paris en particulier et du quartier de Montparnasse en encore plus particulier, de voyages (que je ne fais pas alors qu’elle est une parfaite globe-trotteuse) et d’historiens. Je l’ai étonnée en lui rappelant sa thèse sur les cahiers de doléances du bailliage de Semur-en-Auxois qui nous était donnée en modèle quand j’ai commencé mes études. Nous avons échangé sur notre expérience commune de curiosités extra-disciplinaires, linguistiques puis sociologiques dans son cas, alliées à une forte tentation littéraire pas forcément très bien comprises dans notre milieu professionnel…
Sortant du Millésime 62, elle m’a proposé de passer chez elle prendre un Mégapolis, les derniers pas du flâneur – échangé contre un Montparnasse monde. Grand moment : Régine Robin réside, quand elle est à Paris, dans le long immeuble donnant sur le Jardin Atlantique d’un côté, l’avenue du Commandant Mouchotte de l’autre. Celui dont la façade sert de toile de fond à mon profil twitter. Elles est mouchottienne, c’est son terme. Occasion de saisir quelques vues inédites, mais il fait très gris et je ne retouche pas la luminosité.
A 18 heures ce même jour je me suis propulsée de la rue d’Ulm à la petite salle en sous-sol de l’ancienne librairie de la place Paul Painlevé dans laquelle se tiennent les rencontres d’auteurs invités par la librairie Compagnie. Pleine à craquer et toutes les marches de l’escalier aussi. Antonio Lobo Antunes est arrivé, assez frigorifié et tout le monde voulait le débarrasser de son manteau, mais il ne s’est pas laissé faire, voulant le garder jusqu’à ce qu’il ait moins froid. Et puis il a parlé doucement, accent superbe, surtout pas de son livre nouvellement traduit, Mon nom est légion, ce qui ne facilitait pas la tâche du libraire animateur, qui aurait bien aimé tout de même qu’il en parle un peu… Mais non, c’est trop intime de parler des livres disait-il, alors il livrait plutôt : son enfance, ses grands-parents, le Brésil, l’Allemagne, sa fratrie (ses parents : quatre garçons les cinq premières années du mariage et encore deux plus tard), la guerre, l’écriture, le cancer, les honneurs. Amusée d’entendre Alain Veinstein qui le recevait vendredi soir pour ce même livre partir lui du principe que son interlocuteur ne parlerait pas du livre…
Et puis voilà qu’hier soir sur twitter Gilda* annonce que Pierre Bergounioux intervient au Petit Palais cet après-midi dans le cadre de “Littérature en vérité” ce qui bouleverse de fond en comble mon programme ménager du dimanche. En fait parlent ensemble de “l’expérience intérieure” Pierre Bergounioux et Charles Juliet, avec Dominique Viart. Ce dernier a parfaitement préparé la rencontre et aucune parole ne se perd, que ce soit à propos des rapports journaux/oeuvres, des récits de filiation, du renoncement à la fiction, de l’écriture sur les autres (Descartes ou Faulkner pour Bergounioux, Beckett ou Bram van Velde pour Juliet), de la littérature comme suture du sensible et de l’intellection. Des lectures d’extraits des deux auteurs par eux-mêmes, choisis et cochés par Dominique Viart sur ses exemplaires qu’il leur passe, émaillent les échanges. C’est un moment précieux. De temps en temps Pierre Bergounioux verbalise la ponctuation de ces phrases, façon de nous rappeler qu’il aime la grammaire… Mise en ligne annoncée – et espérée très vite pour que tout le monde en profite – sur le site de France Culture paraît-il.
Satisfaction aussi cette semaine d’un premier écho de lecture de Montparnasse monde, dans sa version couchée sur papier, sur le web : c’est Romain Verger qui le signe. Du coup j’ajoute au blog une page Montparnasse monde Actualités. Vraiment une belle semaine.
* Sur le blog de Gilda, le compte rendu illustré de l’après-midi (et je mesure que dans le mien j’ai oublié de parler de la soudure !)
J’adore fracasser les programmes ménagers. (rire sardonique)
Quel moment, je suis encore émue plusieurs heures, une tout autre lecture et un bon bain après.
Vous n’y allez pas de main morte, Employée, quand vous vous y mettez : trois de nos plus éminents contemporains d’un coup, c’est très fort (mais moins que le fait de trouver Régine Robin dans cet immeuble : le Montparnasse Monde est, finalement, aussi petit que l’autre, on dirait) (vous n’y couperez pas, je ferais un billet sur le nouveau et sa version “couchée sur papier”- juste après les vases co de février que j’ai l’honneur et l’avantage d’échanger avec Maryse Hache…)