le blog de Martine Sonnet – ISSN : 2267-8735
"Le problème de la nuit reste entier. Comment la traverser, chaque fois la traverser tout entière ?" Henri Michaux
Quelques jours de cela, j’ai traversé une ville fantôme. Défense d’y naître comme d’y trépasser, jamais vous n’y trouveriez de pré/dis/posé à vous enregistrer, vous souhaiter la bienvenue ou prendre congé de vous, civilement. Et si d’aventure pareil événement, inaugural ou final (voire entre les deux, matrimonial) vous est advenu, ou à vos aïeux, dans cette ville du temps de sa splendeur, inutile de leur commander des extraits d’actes ou des fiches, individuelles ou familiales, avec ou sans mentions marginales, qui en attestent : ils ont d’abord scotché la fente de la boîte à lettres puis le dernier du bureau, en partant, l’a arrachée. S’est dit : prise de guerre.
Le commerce n’a pas survécu : plus moyen d’y trouver chaussure à son pied. Encore que dans cette boutique ils n’aient jamais eu un choix bien exaltant et que l’absence de vitrine à lécher leur ait toujours été un handicap pour développer leur affaire. Quand ils ont définitivement baissé le rideau qu’ils n’ont jamais eu, s’en étant toujours tenus aux deux battants de portes pleines qui protégeaient parfaitement la marchandise du soleil (mais aussi de toute convoitise), les successeurs désignés par l’enseigne, la compagnie des sapeurs-pompiers du district a très poliment décliné l’offre. Certes la signalétique était en place, mais leurs engins – sans parler de la grande échelle qu’ils avaient toujours un mal fou à replier après usage – ne rentraient pas.
Conséquence logique de toutes ces désertions, le correspondant local du principal organe de PQR couvrant la région a mis la clef sous la porte. Il avait hérité de l’ancien bureau du garde-champêtre, le dernier titulaire de la charge, un cul-de-jatte ayant obtenu une dérogation lui permettant de simplement afficher les avis à diffuser de part et d’autre de sa fenêtre. Une fois le dernier chien de la ville écrasé par la camionnette louée par l’officier d’état civil pour son déménagement, après le refus des soldats du feu d’occuper l’ancien magasin de chaussures, le localier a commencé à s’ennuyer comme un rat mort et puis finalement s’est pendu. Les pompiers arrivés trop tard n’ont pu que constater son décès qui n’a jamais été consigné sur aucun registre ni annoncé par voie de presse. Et pour cause.
J’aimais bien votre sens de l’humour (acerbe, grinçant, toujours à froid… pas bien les mots !), mais le voilà qui monte en puissance et vire au noir, très noir pour cette fable de la déshumanisation. Du corsé qui revigore.
du qui se trouve de plus en plus dans nos rues ici, avec des rangées de rideaux baissés de ceux qui ont succédé aux enseignes peintes
Belle montée en logique. Même si hélas en certaines villes à l’heure où churent les industries qui les avaient fait prospérer, ce fut comme une histoire vraie.
le gris bleu des portes et volets comme le blanc cassé des pierres sied à ravir à cette jolie bourgade. on pense un peu aux bibliothèques et à leurs assis qui hantent ce type de communes (c’est bien, communes, pour décrire ce genre de lieu qui appelle la mort comme certains la gaieté…)
Et pourtant, beaucoup y vivent encore; il leur faut bien du talent pour ne pas se laisser envahir par le desespoir; ces petites bourgades sont légions dans le centre de la France;je pense au plateau de Millevaches, à la Creuse natale de ma mère; ton humour fait avaler la pilule.Merci à toi. Anne-Marie
Toutes les villes sont des fantômes. Pas seulement dans la littérature. En vrai aussi. Qu’on soit ou non mélancolique.