le blog de Martine Sonnet – ISSN : 2267-8735
"Le problème de la nuit reste entier. Comment la traverser, chaque fois la traverser tout entière ?" Henri Michaux
Les nouvelles étagères en bois destinées au rangement des livres dont l’usage se répand ne leur laissent aucune chance : elles sont si peu profondes que les livres ne s’y logent qu’à plat (donc de face ce qui est plus vendeur) et tiennent debout sans artifice. Les deux ours de la rue Delambre n’ont d’ailleurs déjà plus d’autre ouvrage qu’un malheureux vieil in-12 à caler de leurs arrières-trains. Les deux bêtes se tournent résolument le dos, ont fini d’être solidaires, chacun envisageant désormais son avenir hors paire.
La chose n’est pas sans conséquences douloureuses sur le marché de l’emploi, mais en dépit de la vague de suicides qui a décimé la petite usine de ***, personne ne prête la moindre attention au mal être ni à l’avenir incertain des ouvriers du presse-livre à l’heure du numeric turn.
On s’inquiéte à juste titre du devenir des libraires, des bibliothécaires, des éditeurs et même parfois des auteurs, mais aucun rapport officiel pour se pencher sur le sort des fabricants de presses-livres, aucune mesure d’accompagnement en leur faveur, aucune pétition de soutien. Les ouvriers du presse-livre avaient pourtant atteint un savoir-faire admirable dans l’art de coincer entre deux petites plaquettes de marbre perpendiculairement jointives, un lion superbe et généreux, un fier cheval cabré, un éléphant inébranlable, un ours renfrogné, aux fins de les faire garants, généralement par paire et disposés en vis à vis, de la verticalité des ouvrages rangés dans nos bibliothèques de salons.
De sévères compressions de personnel frappent ces professionnels de la compression des livres auxquels le seul secteur de reconversion proposé, est celui de la plaque funéraire, aux prises lui-même avec la montée en puissance de la crémation peu favorable à l’expansion de son marché.
(Nouvelle moutûre, illustrée et augmentée, d’un texte que j’avais confié au Convoi des glossolales n° 366 du vendredi 12 novembre 2010)
J’aime beaucoup l’idée d’une reconversion en plaquistes de pompes fu., mais que là non plus ça marche pas fort (ce qui n’est pas faux mais plutôt pour cause de concurrence je crois indienne, que crémations – ça plaquote un peu dans les colombariums -).
(quand on pense en plus que les ours polaires disparaissent, c’est une sacrée mise en abime )
de quoi réfléchir devant les bibliothèques de la marque Suédoise
Ils ont beau tenter un avenir “hors paire” (très fort, “hors paire”, très très fort…), ils sont comme les deux souliers de “La Bottine souriante” : l’un n’irait pas sans l’autre…
Par ailleurs :
on a vu se poser “Atelier 62″ à la vitrine de Tschann ici:
http://semenoir.typepad.fr/semenoir/2011/02/atelier62-msonnet-vitrine-librairie-tschann-paris-bd-montparnasse.html
hein…
C’est drôle, on avait presque les mêmes autrefois, je ne sais pas ce qu’ils sont devenus…