le blog de Martine Sonnet – ISSN : 2267-8735
"Le problème de la nuit reste entier. Comment la traverser, chaque fois la traverser tout entière ?" Henri Michaux
Grands pouvoirs de la gare, comme celui d’abolir le temps. L’hiver dernier, l’horloge en façade, côté Départs, sans aiguilles. Plusieurs mois, le temps de partir demeuré sans commune mesure. Chacun pour soi. Horloge muette : angoisse du voyageur, quand, intrinsèquement, le voyageur en partance pour l’Ouest en est l’espèce la plus sujette à l’angoisse. Au printemps, à leur tour, Arrivées à pas d’heures : envolées les aiguilles avec les douze pastilles marquant les heures. Mais la gêne était moindre, de toutes les façons on arrivait et qui, sorti de la gare, se retournerait pour y lire encore l’heure ? Horloge rassurante, celle posée au sol du hall Pasteur, jamais prise en défaut, aiguilles et heures arrimées solidement ; une horloge qui se laisse approcher, à laquelle on peut se mesurer et dont le globe renvoie l’image de qui la photographie. Son exacte pendante, dos à dos de l’autre côté de la verrière, dépourvue de cette protection, mais hors d’atteintes au dessus des voies. Mes montres, toujours réglées sur le fuseau horaire de Montparnasse (et comme je la regrette la montre au cadran qui commençait par “Longtemps je me suis couché de bonne heure…”). A la gare, je remets toutes mes pendules à l’heure.
Extension de la gare : à Inno, appellation qui proviendrait de l’abréviation d’une enseigne antérieure, “Innovation”, mais c’est sans importance et d’ailleurs depuis les travaux de l’été 2007 ils ont rebaptisé « Monoprix » ce supermarché de la rue du Départ. Manoeuvres fréquentes dans l’univers de la grande distribution. Ne plus dire aux miens que je fais les « courses à Inno en rentrant », le temps qu’il me faudra. Et penser à me faire établir la carte Monoprix pour répondre enfin « oui » au passage en caisse : à chaque client ils demandent et moi, tête baissée fourrageant dans mes sacs, un « non » contrit. Inno traversé aussi en ligne droite, sans céder à la séduction des gondoles, comme raccourci propre à gagner au plus vite la place Edgar Quinet depuis la rue de l’Arrivée et vice versa. Plaisir gratuit renouvelable à l’infini de passer la porte au tambour tournant sans altérer d’un bémol le rythme de ma marche. Aux comptoirs longés, bouffées successives et rapprochées de soupe asiatique qui réchauffe, de viennoiseries qui cuisent et de café qu’on moud. Racourci pratiquable du lundi au vendredi de 9 h à 21 h 50, 20 h 50 le samedi. Pour être sûr que c’est ouvert, retournez-vous et vérifiez l’heure qu’il est à la gare.
Bonjour Martine,
Bel épisode… Tiens, petite anecdote du 104 à propos des cadrans : il y a, entre la “nef Curial” et la “halle Aubervilliers” (les deux grands espaces du lieu) une “cour de l’horloge” avec horloge, donc, surmontée d’une cloche vert bronze qu’on n’entend jamais. La semaine dernière, l’horloge s’est détraquée. Quelques jours plus tard elle s’est remise à l’heure : d’après un des agents d’accueil, personne ne s’en est occupé, elle fonctionne à nouveau d’elle-même, miraculeusement. A moins qu’il ne me mène en bateau, bien sûr (ce qui est, pour certaines choses, très facile!).
A bientôt,
Anne
Cet Inno fait partie de la mythologie belle-familiale depuis plus de vingt ans pour moi, et c’est seulement en vous lisant aujourd’hui que j’y remarque deux n, avec l’explication.
Un moment, j’avais pris cette carte de “fidélité” et je me suis rendu compte que, question “fidélité”, ce à quoi elle ouvrait était des objets inutiles et mal oeuvres (parapluie, casserole à queue amovible, vase pour fleurs en plastique, etc…). Je réponds “non” avec un grand sourie à présent, passant à la caisse pour régler les achats du jour. Et cette “fidélité” dont les abrutis du poste nous rebattent les oreilles (“merci de votre fidélité” ou pire “ne bougez pas, nous revenons après cette page de pub” : où donc est le papier hygiénique ?), je me demande parfois ce qu’elle induit, produit, réalise, montre et signifie pour nous qui sommes, de cette inscription même, dans cette imposition de place (le -la- fidèle, celui -celle- qui reste, qui ne bouge pas, qui donne sa carte pour accumuler des points qui lui donneront droit à des produits massifs et nanotechnologisés, etc…); Mais ce raccourci, je l’empruntais aussi parfois revenant d’enquête et allant chercher le métro qui, de Notre Dame des Champs, me conduirait rue du Bac
… de retour au 104 cet après-midi pour l’appel des appels : l’horloge est à nouveau en plein délire.
en sortant côté boulevard, descendez la rue Delambre en la saluant pour moi (mon immeuble préféré, dont bon nombre de locataires étaient devenus des amis ou presque, avec leurs vies et talents divers)
brigetoun, ce sera fait : mon itinéraire continue par la rue Delambre, dont j’aime beaucoup observer l’activité matinale
Anne, j’espère que toutes les étrangetés de la vie au 104 sont solubles dans l’écriture
PdB, la fidélité et ses cartes ont parfois du bon : la virée strasbourgeoise de samedi permettait de recycler des points s’miles de carte sncf qui allaient s’autodétruire
PhA, vous êtes vraiment imprévisible : j’aurais parié que vous diriez n’avoir jamais remarqué cette horloge et ce sont les 2 n d’Inno qui vous avaient échappé – mais à Monoprix, il n’y en a plus qu’un