le blog de Martine Sonnet – ISSN : 2267-8735
"Le problème de la nuit reste entier. Comment la traverser, chaque fois la traverser tout entière ?" Henri Michaux
Micro (ondes) sur trottoir
De loin et sous un certain angle, l’objet au rebut, avec ses gros boutons (dont certains se révéleraient être des pieds) et son couvercle soulevé, tenait du tout ou partie de la chaîne haute fidélité et de l’antique fierté d’en acquérir une en “prêt à écouter” quand on ne savait pas la composer soi-même à partir d’éléments dépareillés négociés chez des fournisseurs sans vitrines, à des adresses qu’on ne donnait pas, et d’exposer les amis à son saisissant effet stéréo – mets toi plutôt là, juste entre les deux enceintes (et l’étrangeté de ce nom d’enceintes). Alors, des basses aux petits oignons Tamla Motown ou les premiers accords d’un Nouveau monde, sauce, un peu trop relevée, Karajan, vous décollaient à la verticale du tapis poils de chèvre blanc jauni non nettoyable. Fierté jamais éprouvée : au delà de mes moyens comme de mon souci, demeuré approximatif, du réglage des graves et des aigus.
Mais de plus près, il fallait se rendre à l’évidence que ce dont on cherchait à se débarrasser sur le trottoir de la rue des Feuillantines (Paris, Ve), avait équipé une cuisine ou une kitchenette, vu le prix du mètre carré, puisqu’il s’agissait d’un four – à micro-ondes : précision que j’avance en marchant sur des oeufs (qu’on n’y fera pas cuire crois-je savoir) n’en ayant jamais davantage possédé que de chaîne haute fidélité mais pour d’autres raisons, comparables à celles qui, une génération plus tôt, avaient tenu à prudente distance de notre cuisine l’arrogance vaporeuse des cocotte-minute. Le pan soulevé ne procédait pas d’un dessus fonctionnellement amovible, mais attestait une certaine maltraitance exercée sur le flanc de l’appareil, pour voir si, des fois, avec l’aide d’un tournevis, cruciforme au besoin, ou d’un fer à souder emprunté au beau-frère, la panne serait domptable. Sans doute que non cette fois-ci.
5 Comments
-
Si on place dans le ventre de l’objet aux pieds donc d’airain non point un oeuf cru, mais un disque compact (car les noirs ne l’étaient sans doute insuffisamment, sinon sur leur tranche), nul doute qu’il nous sortira une drôle de mélodie… (hors les “enceintes”, vous souvenez-vous, Employée, de ce qu’on nomme aussi d’un terme générique assez abscons – à mon sens, mais en ces matières, comme vous même, je crains de n’en pas avoir de bon- des “platines” ?) (à ce propos, mais tout autant éloigné de vos préoccupations, crois-je savoir, on a vu fleurir à tous les coins de rues, et même en leur intérieur, un nombre impressionnant de postes de télévision obsolètes – j’accorde l’adjectif, mais c’est une illusion que la télévision – qu’on désosse pour en récupérer le canon à électrons qui, probablement, possède encore une certaine valeur marchande qui m’est complètement inconnue…) (cela dit, l’adjectif “obsolète” tout comme le “pérenne” qu’on emploie de nos jours immodérémment et plutôt à travers et à tort, m’insupporte presque autant que ce que diffusent les “étranges lucarnes”)
-
Oui très juste, la platine, mais alors aussi le saphir qui chez les possesseurs de chaînes haute fidélité se faisait diamant
-
Croyez-moi : la haute fidélité des micro-ondes est discutable.
-
ça, vous avez raison, on se demande ce qu’ils font sur le trottoir !
-
Le dépoteur ne mériterait même pas une paire de baffles.
