le blog de Martine Sonnet – ISSN : 2267-8735
"Le problème de la nuit reste entier. Comment la traverser, chaque fois la traverser tout entière ?" Henri Michaux
Grand bonheur le week-end dernier à Dax où je participais aux Rencontres à lire organisées par Serge Airoldi de pouvoir faire l’acquisition d’une précieuse plaquette “La deuxième fois”, Pierre Bergounioux sculpteur, texte de Jean-Paul Michel et photographies de Baptiste Belcour, publiée aux éditions William Blake & Co. il y a longtemps – le prix est encore en francs.
Jean-Paul Michel, à la table Willian Blake & Co., me convertit les 58 francs en 8 euros et me précise que la plaquette était parue à l’occasion de la deuxième exposition de l’écrivain “en soudeur” – là je m’autorise la formule dont Bergounioux en personne usait récemment lors de sa discussion avec Charles Juliet et Dominique Viart au Petit Palais (à écouter absolument en cliquant sur le lien : c’était magnifique).
Ce ne sont donc pas des oeuvres récentes qui y sont reproduites, mais aucune importance, ce qui comptait pour moi c’était d’en découvrir, enfin, quelques unes de plus*. Je ne connaissais guère que le Kafka de François Bon – révélé un jour d’inventaire de table de travail – et celles reproduites (en petit format) dans les marges de Pierre Bergounioux, l’héritage : rencontre avec Gabriel Bergounioux, livre d’entretiens de Messieurs Bergounioux frères paru chez Argol.
Aussi, pour ne pas égoïstement satisfaire ma curiosité que je sais partagée par d’autres lecteurs des oeuvres de papier, je me permets de dévoiler ces quelques fortes figures toutes de tirefonds, riblons, pièces de brabants et de herses, chaînes d’attache, redondes de jougs, fers de boeufs à deux onglons, pentures de granges, coins et merlins détaille Jean-Paul Michel dans son beau texte de compagnonnage.
Et j’ouvre le Carnet de notes, le tome 2, 1991-2000 (parce que l’exposition et la publication sont de 1997), à la recherche de vacances en Corrèze, sûre que la sculpture occupera une large part de l’emploi du temps de l’homme de Gif-sur-Yvette dans sa villégiature. Je trouve sans peine. Ce sont des vacances scolaires de printemps, lundi 31 mars 1997 :
Debout à cinq heures. Courses à Meymac. L’âpre vent du nord-est est tombé. C’est une belle et tiède journée. A l’atelier à neuf heures. Je soude une chaîne d’attache torsadée en “dragon”, des personnages rectangulaires avec des chutes de chaudronnerie, dont une maternité avec un émerillon accroché au col en guise de nourrisson, des spirales de limes tiers-point, une copie d’antilope bambara dont le cou est fait d’un quadrant de charrue cranté, un concert baroque de soupapes. A quatre heures, je m’arrêterai pour éviter, comme hier, d’atteindre l’épuisement.
Nous redescendrons à Brive, avec Mam, demain matin. (page 826).
Au risque de me répéter : j’attends avec impatience de pouvoir lire la suite du Carnet de notes. Je me suis inquiétée de la date de parution du tome 3 lors du dernier Salon du livre, au stand Verdier : il est annoncé pour le début 2012, ce qui nous changera fort heureusement les idées d’une actualité lourdement électorale.
Ajout du 18 janvier 2012 : le Carnet de notes 2001-2010 est paru, c’est ma lecture en cours, je l’évoque ici.
* Les expositions sont rares mais j’en trouve néanmoins trace à Eguzon en 2006 et à Romorantin-Lanthenay en 2008.
Ajout du 15 mai : exposition Pierre Bergounioux, sculptures/Jean-Pierre Bréchet, peintures, à Nantes, aux Ateliers et chantiers de Nantes, du 9 mai au 14 juin 2011. On accède à la plaquette (illustrée) de présentation par le site de l’Université permanente de Nantes.
PS : si vous cherchez d’autres articles sur ce blog à propos de Pierre Bergounioux, ses ferrailles et ses écrits, voyez par ici :
Art de la jonquille chez Pierre Bergounioux : mise à jour 2016-2020
Un printemps bergounien malgré tout
Ouvrir l’année à Gif-sur-Yvette avec Pierre Bergounioux
Une jonquille par temps de chrysanthèmes (offerte par Pierre Bergounioux)
Tristesse des mois en -bre (selon Pierre Bergounioux)
Compression d’étés bergouniens
Lui et nous : à propos du Carnet de notes 2011-2015 de Pierre Bergounioux
Jonquilles primeures à Gif-Sur-Yvette : suite des Carnets de Pierre Bergounioux
Enfin visibles à Paris : des ferrailles de Pierre Bergounioux
Mots de la fin (provisoire) du Carnet de notes 2001-2010 de Pierre Bergounioux
Pierre Bergounioux, Carnet de notes 2001-2010, lecture in progress
Lecture en cours : Pierre Bergounioux, Carnet de notes 2001-2010
Dans Les moments littéraires, Bergounioux
Histoire, littérature, sciences sociales – et Bergounioux
D’une page 48 de Bergounioux, et tout son monde est là
Couleurs Bergounioux (au couteau)
Il y a sûrement un rapport entre l’écriture et la sculpture : art d’assembler les mots ou la matière, de lui faire prendre forme. Ainsi Pierre Bergounioux mettrait-il “la main à la pâte” deux fois plutôt qu’une (et conjuguant même le nom bizarroïde de métaux inconnus avec des vocables perdus dans des dictionnaires ouvragés).
Cette entreprise me fait penser à Alechinsky dans le domaine de la peinture : lui, il écrit et peint avec les deux mains ! Mais le pinceau ou le chalumeau lancent sans doute la même flamme qui jaillit sur le papier ou l’écran : la fusion des arts est sans doute l’idéal quand l’un (r)envoie à l’autre et répercute le solide entre les lignes.
Merci pour cette approche d’une littérature qui soude.
J’ignorai que ce Pierre-là avait ce violon d’Ingres (à moins que ce ne soit son principal hobby ?), et qu’en est-il de l’autre Pierre (Michon) : sculpte-t-il, lui aussi tandis que son compère soude ? – adage à présent et désormais fameux que je vous offre, Employée aux soupapes : “les deux narrent, mais ce Pierre-ci sculpte tandis que cet autre-là soude”… :°)
Tome 3 du journal de Bergou ! Que voilà une excellente nouvelle.