le blog de Martine Sonnet – ISSN : 2267-8735
"Le problème de la nuit reste entier. Comment la traverser, chaque fois la traverser tout entière ?" Henri Michaux
Le week-end dernier, c’était à Quimper sous grand soleil, à l’invitation du libraire Jean-Michel Blanc et de l’association Grain de poivre, en compagnie d’une vingtaine d’autres auteurs réunis pour lire leurs textes et en parler pendant deux jours dans le théâtre de Cornouaille pour la quatrième édition de « Les auteurs battent le pavé ». C’était sympathique, sans façons, remarquablement animé par Christelle et Yves qui avaient préparé avec soin leurs dialogues avec les invités. Merci à eux tous.
Quimper c’était l’occasion de retrouver, après s’être croisés déjà à Privas et à la fête de l’Huma, Patrick Raynal et sa Lettre à ma grand-mère, une femme d’exception, résistante, déportée à Ravensbrück et qui en revient, elle épouse de général et catholique inoxydable, tentée par le communisme et fidèle à vie à ses compagnes d’enfer venues de ce bord-là, Marie-Claude Vaillant-Couturier et Germaine Tillon notamment. Patrick Raynal publie son récit inédit de son arrestation et de sa déportation, en l’éclairant d’émouvants portraits de famille et d’enfance, toutes fêlures dites ; c’est courageux et poignant.
Mais c’était aussi l’occasion de mettre un visage sur la couverture (jaune-orangé Verdier) d’un livre qui voisinait souvent, sans image, avec le marcheur de l’atelier 62 sur les tables de librairie au printemps : Pierre Silvain accompagnait son Julien Letrouvé colporteur. Rencontre aussi avec Louis Aminot, Brestois pur jus, orphelin de mère à 12 ans, conduit à 14 par son père à l’Arsenal pour y devenir apprenti, il apprendra là métier et militantisme. Un parcours dont il raconte les débuts dans Zef ou l’enfance infinie. Petit regret de n’avoir pu rencontrer Julie Lambilliotte, annoncée, mais dont l’enceintitude avancée rendait périlleuse l’excursion bretonne.
Trois plasticiens exposaient dans le théâtre et parmi eux le Quimpérois Jean-Yves Pennec dont j’ai découvert et bien aimé le travail. Récupérateur de cageots de fins de marchés (ce qui lui confère une certaine parenté avec les glaneurs d’Agnès Varda), il en utilise savamment les traces écrites et imagées en grandes compositions pleines de sens sur bois léger de peuplier, découpé, collé, mots et images décuplés. Belle surprise dans le catalogue qu’il m’offre de trois de ces expostions récentes 10 ans de cageot : peine légère : un texte de Pierre Bergounioux écrit pour lui… (et quelques pages plus loin un autre de Charles Juliet). Me revient l’image, écrivant ceci (dans le TGV retour de La Rochelle) de Michon entouré de ses cageots à livres sur la couverture du Roi vient quand il veut. Comme quoi littérature et cageots sont faits pour s’entendre.
Riches discussions « in » et « off », avec les membres de l’association, des lecteurs, des bibliothécaires et les libraires invitants, comme la jeune Amélie qui apprend le métier, trois semaines sur le tas à Quimper pour une en classe à Laval, mais qui, à 24 ans, a déjà fait mille autres métiers, de disc-jockey à vendeuse dans tous les rayons possibles de Casino, en passant par une incursion dans la restauration, et qui trouve encore le temps d’apprendre à lire, écrire, compter à ceux qui ne savent pas ou plus, de dessiner, d’écrire, de chanter… Une pêche terrible Amélie !
Mes photos de Quimper, fort belle ville pourtant, sont floues, dommage, je vous aurai montré la superbe médiathèque qui vient d’ouvrir dans l’ancien couvent des ursulines, juste en face du théâtre, et qui est même ouverte le dimanche après-midi, qu’on se le dise.
Enceintitude, vous dites , Il faudra en parler à l’académie (certes encombrée de masculins barbons… -je me demande, barbon, au féminin ? vous allez trouver…) Il me semble que Patrick Raynal va rappliquer dans le 11° pour une lecture, je crois bien… Dans la série lecture, on peut dire que depuis quelques années ça foisonne (on regarde, on écoute, on boit et on discute : sont-ce les salons littéraires new age, pop ou modernes ? sans doute, on regarde on boit on fume et on écoute…)