Toujours grand plaisir à l’immersion dans le quotidien des Parisiennes et des Parisiens du XVIIIe offerte (sans avoir besoin de coiffer un casque de réalité virtuelle) par la simple lecture des Annonces, affiches et avis divers disponibles sur Gallica pour les années 1752 à 1778, (sauf 1767, 1770 et 1777). Ce que l’on cherche à vendre, ce que l’on cherche à acheter (biens immobiliers ou effets mobiliers), les objets perdus que l’on voudrait retrouver, les charges, rentes et offices convoités, les emplois offerts ou demandés, les nouveautés commerciales, le cours des changes, les enterrements, aussi bien que le tirage de la loterie ou les spectacles à l’affiche, allez-y faire un tour et vous saurez tout cela. Avec du nouveau deux fois par semaine : la feuille périodique paraît les lundis et les jeudis.
Ce qui me frappe et me réjouit comme je dépouille quelques numéros – les mois de mars et octobre 1768 et la dernière semaine de décembre 1778 pour être précise -, c’est, en moins de trois mois donc, la grande variété des types de véhicules rencontrés sur le marché de l’occasion. Je ne résiste pas à la tentation de les lister. Si certaines appellations me parlent, d’autres me sont moins familiers. Ce qui est certain c’est que pour se transporter, ou plutôt se faire transporter, l’embarras du choix n’était pas mince puisque vous pouviez choisir entre
une berline
une berline à la française
une berline de campagne
une berline de campagne à l’allemande
une berline de ville
un berlingot*
un cabriolet
un cabriolet à l’anglaise
un cabriolet de voyage
un cabriolet du matin
un cabriolet en solo
une calèche de voyage
une chaise de famille à quatre places
une chaise de poste à la milanaise
une chaise de poste à ressorts à l’écrevisse
une désobligeante**
une désobligeante à ressorts
une désobligeante à timon et limonière
un diable en calèche***
une diligence
une diligence à la française
une diligence de campagne
un trois-quarts
un vis-à-vis à la polonaise
une voiture anglaise
une voiture anglaise à flèche
une voiture de provisions
autant de modèles souvent spécifiés de hasard : entendez par là que vous ferez en les achetant une bonne affaire.
Je vous fais grâce de la variété des garnitures intérieures, les velours, cramoisi, gris, jaune ou vert, d’Utrecht ou de Venise, bleu et blanc à petits bouquets ou à ramages, comme je vous fais grâce des précisions sur le bon état des véhicules mis en vente, le meilleur étant probablement ce cabriolet qui n’a fait que le chemin de Versailles à Paris qu’une seule fois. Pour se renseigner sur celui-ci, dont on aimerait savoir quelle désillusion ou déconvenue a conduit à s’en défaire si vite après un aller simple de la cour à la ville, on s’adressera à M.Dulot, à l’hôtel Saint-Louis, rue des Grands Augustins.
* Berlingot : Berline coupée. On dit plus ordinairement Brelingot. (Dictionnaire de l’Académie française, 4e édition, 1762)
** Désobligeante : Sorte de voiture étroite qui ne peut contenir que deux personnes. (Dictionnaire de l’Académie française, 6e édition, 1835)
*** Diable en calèche : inconnu au bataillon des dictionnaires auxquels je me réfère.