L'employée aux écritures

le blog de Martine Sonnet – ISSN : 2267-8735

RSS Feed

"Le problème de la nuit reste entier. Comment la traverser, chaque fois la traverser tout entière ?" Henri Michaux

De ce qu’il advient… (j’y reviens)

Comments Off

Moi je trouve qu’ils ont bossé vite. Aujourd’hui c’était démontage de grue rue des Fossés Saint-Bernard. J’y passais rentrant à pied de la bibliothèque de l’Arsenal où je me réjouis toujours d’avoir quelques ouvrages à consulter (on vous les apporte encore à votre place après que vous ayez rempli à la main des bulletins papier de demande – un peu comme à Richelieu au XXe siècle quand je débutais dans le métier). La grue démontée ça sent la fin de chantier. Quelque chose de l’ordre de la commedia e finita, on démonte et on remballe, on va jouer ailleurs. Seulement là, un décor nouveau reste planté.

Pour mémoire quand j’ai commencé à m’intéresser à ce qui se tramait entre rue des Fossés Saint-Bernard et du Cardinal Lemoine on était le 15 janvier 2017 et ce qu’on longeait encore descendant vers la Seine, c’était l’immémoriale façade verte du garage Mercedes Benz “Jussieu automobiles”, photographiée cernée des palissades annonciatrices dès septembre 2016.

Entre temps il y a eu brèche,

respiration dans le vis à vis, percée de perspectives dont, dans la succession des générations de passants dans la ville, nous aurons été les seuls témoins. A charge pour nous d’archiver ces hiatus fugaces du tissu urbain.

PS : la phase table rase du chantier est visible du ciel dans le billet du jour du blog Pendant le week-end, merci à lui de ses compléments toujours bien inspirés et illustrés.

Poétique de la voirie (19)

Comments Off

la nature a horreur du vide

et la verdure a la dent dure

ah mais

(les mégots donnent l’échelle)

Poétique de la voirie (18)

Comments Off

Les potelets ont-ils du pot ?

chacun se fera une opinion

moi je dirais

les potelets n’ont pas de pot

sans compter, à la longue, la fatigue de porter beau

Ajout du 5 juillet : le blog ami Pendant le week-end donne la réplique aux potelets de L’employée aux écritures.

Je me souviens d’Eliane Victor et de ses “femmes aussi”

Comments Off

Quand en mars dernier Elizabeth Legros-Chapuis m’a proposé d’écrire quelques choses pour le numéro thématique “Femmes au travail” de la revue de l’Association pour l’autobiographie (dont je suis membre) La Faute à Rousseau, j’ai tout de suite pensé à l’émission d’Eliane Victor Les femmes aussi. Le numéro en question, n° 78, juin 2018, vient de paraître et je me réjouis de figurer, en très bonne compagnie, à son sommaire. Avec l’accord d’Elizabeth, je mets en ligne ci-dessous mon texte, augmenté de quelques liens et en espérant que cela vous donne envie de vous procurer le numéro entier qui vous donnera envie d’explorer toutes les publications de l’APA et d’y adhérer !

Je me souviens que, pour la plupart, Les femmes aussi chez qui nous invitait Éliane Victor, travaillaient. Éliane Victor, l’épouse de Paul-Émile, dotée à nos yeux d’une indiscutable autorité d’exploratrice. Un soir par mois, à 20h30, quatre chaises côte à côte, mère et filles serrées en demi-cercle autour de la table prestement débarrassée des reliefs du dîner, face au poste de télévision. L’homme de la maison réduit au silence : la légitimité du nombre comme celle du sexe est avec nous. L’ORTF diffuse aussi Le magazine féminin hebdomadaire de Maïté Célérier de Sanois mais ses leçons de cuisine, de couture et de beauté, non merci. La seule émission qui a des choses à nous apprendre est celle d’Eliane Victor. Motus et bouches cousues dès le lancement du générique jazzy : un cercle blanc sur fond noir se remplit d’images, l’Homme de Vitruve bien carré dans son rond puis une Ève toute fine pomme en main, avant que surgissent les visages du jour. Après 1968, nouvelle version sur fond de grosse pomme désormais croquée. Nous les yeux écarquillés, à l’affût : la vie des autres c’est comment ? Mieux ? Pire ? Pareil ?

Un demi-siècle plus tard, installée salle P à la BnF, je visionne des émissions de la série Les femmes aussi – 65 ont été produites entre 1964 et 1973. Je repère une thématique « travail » dominante dans le tiers d’entre elles environ en me fiant aux titres et aux mots clés du catalogue mais le sujet peut être évoqué incidemment dans celles centrées sur le divorce, le mode de vie des couples ou le vieillissement. Aujourd’hui me frappent les noms des réalisateurs, détails sans importance quand défilait le générique de fin qui nous renvoyait à nos propres vies de femmes aussi. Des noms, comme Jacques Krier ou Maurice Failevic, que je sais maintenant ceux des plus prompts à placer leur caméra là où ça fait mal. Sans surprise, peu de réalisatrices : cinq émissions seulement et à l’exception de Nadine Marquand devenue Trintignant, je ne crois pas les avoir recroisées (Annie Aizieu, Colette Djidou, Lyse Bloch). Outre ceux, attendus, de monteuses et de script girls, les quelques autres noms féminins qui défilent sont ceux de célébrités à qui Eliane Victor fait, le temps d’une émission, jouer les intervieweuses ou écrire un commentaire ; Simone Signoret et Françoise Mallet-Joris en sont.

La série Les femmes aussi dresse des portraits de travailleuses dans des émissions consacrées à un métier ou conjugue les témoignages recueillis dans divers milieux professionnels pour traiter de questions transversales comme l’inégalité des salaires masculins et féminins, le difficile retour à l’emploi des mères qui l’ont quitté pour s’occuper de leurs jeunes enfants ou encore le départ en retraite. Des émissions transversales habiles à croiser paroles des intéressées et chiffres – ceux de la démographie comme ceux des revenus et du coût de la vie – pour percer à jour les insuffisances de la formation professionnelle des femmes ou l’étroitesse du marché de leur emploi confinant la plupart à quelques secteurs – textile et électronique pour les ouvrières, emplois de bureau à base de sténo-dactylographie. Moi je ne me souvenais que des « émissions portraits » faisant la part belle à l’objet du travail-même, à ses  heures, à ses lieux et à ses conditions. Casque sur les oreilles devant mon écran, je scrute les visages, écoute les voix, m’étonne des âges des intervenantes auxquelles je donnerais souvent dix ans de plus : effet du noir et blanc ou effet de vies usantes appuyé par la caméra ?

Travailleuses hors d’âge, ces septuagénaires, 71, 73, 76 ans, trimant à l’aube au ménage de bureaux, de magasins ou de gares ; heureuses quand le premier métro leur épargne la traversée de la ville à pied. Trop vieilles pour faire l’affaire de particuliers mais pas celle de sociétés de nettoyage. À demeure chez des particuliers, les bonnes espagnoles s’activent, comme Esperanza, 21 ans, fille de pêcheur galicien. Des jeunes femmes qui gravissent, vannées, 12 heures de corvées dans les jambes, les escaliers de service du 16e arrondissement pour regagner leurs chambrettes à lucarne perchées aux 7e ou 8e étages. Infirmières à l’Hôtel-Dieu, Paule, déjà grand-mère mais séparée de son mari, et Simone, célibataire qui pourrait être sa fille, s’épaulent, font de leur mieux, ne comptent pas leurs pas dans de vastes salles communes logeant à la même enseigne souffrances physiques et vieillesses miséreuses. Toujours à la merci du mépris de leurs hiérarchies et toujours à faire avec des économies hospitalières de bouts de chandelles. Des soins, à son cabinet ou au domicile de ses patients, cette jeune femme médecin de 28 ans, qui s’installe, seule avec sa fille de 7 ans, dans la campagne charentaise en prodigue aussi. Journées à rallonge, appels de nuit, 200 kilomètres de routes de campagne sillonnées par jour. Abnégation et solitude assumées. Débuts à la campagne aussi pour Renée, institutrice en Ardèche, qui a connu son époux à l’École normale. Lui exerce en collège à 25 km du village perdu et moribond où ils vivent dans des conditions spartiates juste au dessus de la classe unique dans laquelle elle enseigne ses cinq élèves. Femmes de ménage, femmes soignantes, femmes enseignantes : registre connu des « vocations » féminines assignées. J’ajouterais bien à la galerie, Micheline, 30 ans, un mari ouvrier, six enfants de 5 mois à 11 ans, mère au foyer qui n’arrête pas de 5h30 du matin à 22h30, et qui laisse quasiment sans voix Françoise Mallet-Joris venue l’interviewer dans son trois pièces des HLM de Nanterre.

Heureux contrepoints à ces portraits de « travailleuses contraintes », assez déprimants, quelques autres rencontres se font sur des sentiers moins battus. Ainsi Gisèle, 33 ans, mariée, 3 enfants, ingénieure en béton armé, diplômée de l’École Supérieure des Travaux Publics – deux filles et 140 garçons dans sa promotion -, pas toujours la bienvenue et dont on guette les faux pas sur les chantiers qu’elle pilote ; casquée, bottée, Gisèle, inflexible, résiste. Ou encore ces trois chercheuses du domaine biomédical, attachées au CNRS ou à l’INSERM, qui ne conçoivent pas leurs vies sans la recherche, même si le salaire passe intégralement dans les frais de gardes d’enfants, même sans espoirs de faire carrière et même quand l’entourage ne comprend pas qu’on s’accroche de la sorte. Et encore ces trois musiciennes, violoncelliste, altiste, harpiste, à trois stades de leurs carrières. Je me souvenais très bien du portrait de la bergère, Martine, traductrice-interprète reconvertie via la bourse de la vocation et l’école de la Bergerie nationale de Rambouillet, suivie, rayonnante, en transhumance avec ses 300 brebis. J’avais 15 ans en 1970 lors de sa diffusion et je ne voyais le salut que par les livres et dans les bibliothèques, alors un choix pareil, je n’y comprenais rien. J’avais très bien compris en revanche, mois après mois devant Les femmes aussi, que la course d’obstacles menant – éventuellement – vers l’autonomie dans un métier choisi, demandait du souffle, beaucoup de souffle.

Filed under variétés

Poétique de la voirie (17)

Comments Off

de la hache ou de la sève

le dernier mot

l’aura qui l’aura

Petite typologie illustrée des butoirs : un additif

Comments Off

Du temps où rien ne m’échappait du Montparnasse monde, fréquentation bi-quotidienne aidant, j’avais dressé une typologie des butoirs visant, en bout de chaque quai, à empêcher la répétition d’un accident photogénique en diable mais fatal pour Augustine Aguilard qui remplaçait ce jour là (22 octobre 1895)  son mari vendeur de journaux place de Rennes. Paix à son âme. Je n’y reviens pas (accident raconté page 81 dans le livre).

Ce qui me fait repenser aux butoirs dans toute l’étendue de leur gamme, c’est celui-ci, depuis peu en vitrine, avec tout un attirail ferroviaire miniature un peu en vrac (et même des cheminots couchés comme on dirait des gendarmes ralentisseurs) de la boutique d’antiquité/brocante du boulevard. Si je n’ai jamais repéré ce modèle à Montparnasse, je le trouve néanmoins des plus intéressant, couleur forme et matière, et surtout ses délicats petits ressorts garantissant une certaine douceur au contact d’arrêt. Respectueux égard pour la locomotive qui justifie à mes yeux que ce butoir fasse l’objet d’un additif délocalisé à ma typologie des butoirs montparnassiens. Et qui sait, d’ailleurs à quoi ressembleront les butoirs quand la rénovation de la gare sera achevée : étaient-ils inclus dans le cahier des charges ?)

PS : Une boutique d’antiquités/brocante décidément branchée transports air/fer/mer que j’ai déjà vu proposer à la vente des rangées de sièges de boeing, un grand plan ancien du métro parisien en provenance d’une station, cet engin de marine dont j’ignore le nom que je vous avais montré, et même une antédiluvienne petite cabine d’ascenseur en bois .

Poétique de la voirie (16)

Comments Off

Encore une histoire

qui finit en queue de poisson il faudrait

savoir en écrire d’autres

(je ne sais pas)

Poétique de la voirie (15)

Comments Off

par ces temps d’orages

gare

coup de foudre toujours possible

Poétique de la voirie (14)

Comments Off

se soutenir parfois

certains ont du mal

visiblement

douloureusement

Poétique de la voirie (13)

Comments Off

briques et broc sous le stuc

la ville vous égare boulevard du faux-semblant

Rubriques du blog

Recherche

Archives du blog depuis avril 2008

Sur Twitter

tous textes et photos copyright Martine Sonnet, sauf mention spéciale
var _gaq = _gaq || []; _gaq.push(['_setAccount', 'UA-25117361-1']); _gaq.push(['_trackPageview']); (function() { var ga = document.createElement('script'); ga.type = 'text/javascript'; ga.async = true; ga.src = ('https:' == document.location.protocol ? 'https://ssl' : 'http://www') + '.google-analytics.com/ga.js'; var s = document.getElementsByTagName('script')[0]; s.parentNode.insertBefore(ga, s); })();