Rare que L’employée aux écritures évoque ici ses rêves, souvenir d’un seul ayant fait l’objet d’un billet, une histoire de chaussures noires qui me valut en son temps beaucoup de visites d’internautes en quête du sens de leurs propres rêves avec chaussures noires.
Or il se trouve que je participais vendredi 26 et samedi 27 mai au colloque “La fabrique des transclasses” organisé par les philosophes Chantal Jaquet et Gérard Bras à l’université Paris I Panthéon Sorbonne ; Chantal Jaquet étant l’auteure d’un très éclairant et subtil ouvrage sur la question paru aux PUF en 2014 : Les transclasses ou la non-reproduction. Ce colloque interdisciplinaire réunissant principalement des philosophes, des psychanalystes et des sociologues s’ouvrait aussi largement aux récits singuliers, côté intervenants comme côté public. J’ai l’habitude des colloques mais je crois n’avoir jamais participé à un événement universitaire de ce type atteignant des deux côtés, tribune et salle, cette qualité égale des prises de parole, cette implication personnelle et ce niveau d’intensité des échanges. Ceci n’étant pas étranger, bien sûr, au fait que ce dont nous parlions concernait directement la plupart des personnes présentes dans la salle, des deux côtés.
Depuis janvier, quand l’invitation s’était précisée (merci encore à Chantal Jaquet et à Gérad Bras) et qu’il m’avait fallu fournir le titre de mon intervention, l’affaire me préoccupait. J’avais laborieusement forgé un intitulé – “Elargir le cercle : et si le voyage n’était pas solitaire ?” – en contournant le mot transclasse que, comme tous les mots bâtis sur le préfixe “trans” je ne trouve pas très beau (sauf transsibérien). J’aurais tendance à lui préférer “passe-classe” que l’on trouve aussi dans l’ouvrage de Chantal Jaquet, pour sa connotation passe-muraille, assez bien dans le sujet.
Sans savoir alors au-delà du titre ce que je pourrais bien dire fin mai, j’y pensais de façon de plus en plus obsessionnelle au fil des mois, lisais sur la question et notais en vrac les idées qui me venaient à la page “semaine 21″ de mon agenda. De ces notes j’ai finalement bâti, pas du tout en théoricienne de la chose mais du seul petit bout de ma lorgnette, un topo insistant sur 4 points : la visibilisation par l’écriture, l’absence de choix face au non-reproductible, le passage d’une classe à une autre comme co-production de vivants et de morts, enfin qu’en matière de cursus et de carrière, les choses n’étant pas égales par ailleurs, les aboutissements ne le sont pas non plus.
J’en viens au rêve fait dans la nuit de jeudi à vendredi, soit au cours de la nuit précédant mon intervention au colloque. Ma famille au complet sur quatre générations, de mes parents à leurs arrières-petits-enfants, se trouvait réunie à l’occasion d’un événement non identifié, cohabitant pour quelques jours dans une maison trop petite pour contenir tout le monde. C’était, par exemple, un peu compliqué d’organiser les repas et l’on se bousculait sans cesse. Tout cela dans la bonne humeur mais je me demandais vraiment pourquoi s’entasser tous là pareillement alors que, pas bien loin, nous disposions d’une deuxième maison, complètement inhabitée celle-là…
Vendredi, pour la première fois, mon intervention dans un colloque s’est ouverte par le récit d’un rêve.