Passant hier par la rue Poulletier, dans l’île Saint-Louis, pour rejoindre sur le quai d’Anjou l’hôtel de Lauzun où se tenait le colloque Paris et ses peuples : sociabilités et cosmopolitismes urbains au siècle des Lumières, au numéro 5 bis, je repère cette porte verte, peinte de frais,
et m’émeut en déchiffrant l’inscription au fronton, Dieu merci conservée,
parce que les écolières de la charité de la paroisse Saint-Louis-en-l’Ile et leurs maîtresses (des soeurs de Saint-Vincent-de-Paul, dans la place depuis 1658), je ne connais qu’elles. Je les ai tellement fréquentées, à fureter dans leurs archives, quand j’écrivais ma thèse sur “L’éducation des filles à Paris au XVIIIe siècle” ! Il était 9 heures du matin quand j’ai pris ces photos et je n’ai croisé personne, ce n’était par leur heure : les écolières de la charité venaient là de 8 à 11 le matin et de 2 à 4 l’après-midi en hiver, de 2 à 5 en été. Un décalage horaire saisonnier pour ne pas livrer les fillettes à la nuit trop noire. Principe de précaution (déjà).
Deux classes dans l’école : La première sera composée d’enfants d’environ sept ans et au-dessous auxquelles on apprendra les éléments du catéchisme, à connaître les lettres, à épeler et à former les lettres. La deuxième des filles au-dessus de cet âge, dans laquelle on apprendra le catéchisme, à lire en français et en latin, à écrire et à compter tant aux jetons qu’à la plume. Un programme, édicté par le Règlement pour l’école de charité des filles de Saint-Louis-en-l’île imprimé chez Josse en 1713, auquel souscrit le curé de la paroisse quand il demande à la maison mère des Filles de la Charité de lui envoyer une nouvelle institutrice : J’espère que vous nous choisirez une fille habile et entendue, qui puisse montrer à nos enfants la lecture et l’écriture avec l’arithmétique pour les pouvoir apprendre à compter et à jeter. Je ne vous parle pas de catéchisme et des instructions chrétiennes car vous savez bien que c’est ce qui doit marcher avant toutes choses (1716, AN S 6160).
Quant aux fillettes, même si le Règlement, en son article IX, précise On ne recevra à l’Ecole de charité que les filles des Pauvres et les écolières seront exclues lorsque les parents auront le moyen de les mettre aux autres écoles qu’à celle de Charité ce ne sont tout de même pas les plus démunies du quartier : tout simplement parce qu’il faut que la subsistance familiale puisse se passer, au moins temporairement, de l’appoint du menu gain d’un travail enfantin.
Je n’avais pas l’usage quotidien de la photographie, qui est devenu le mien grâce aux prodigieux outils dont nous disposons désormais, quand je travaillais sur ma thèse. Aussi, les traces dans la ville des lieux que je visitais alors “en archive” je ne les ai jamais collectées. Mais il n’est pas trop tard pour le faire et la prochaine fois que je passe à l’angle des rues de Vaugirard et Bonaparte, je photographie les quatre colonnes du jardin des filles de l’Instruction chrétienne que j’ai à l’oeil depuis longtemps.
Additif : la porte avant repeinture est à voir dans le billet Oublier Paris #69, complément, savamment illustré comme toujours, de Piero de Belleville que L’employée aux écritures remercie et félicite pour son espièglerie.