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disparus
Georges Perec, sors de cette grille
le blog de Martine Sonnet – ISSN : 2267-8735
Au MUDAM mercredi dernier (j’étais allée livrer un peu tardivement un cadeau de Noël à Luxembourg), dans une présentation temporaire de pièces des collections permanentes je tombe en arrêt devant :
Photographie d’une vitrine luxembourgeoise par Valérie Belin, datée 2003. Je tombe en arrêt parce que je me souviens d’avoir photographié sept ans plus tard, à l’été 2010, une vitrine terriblement ressemblante. Recherche faite dans mes archives photos, le doute n’est plus permis : c’était la même.
Disposée toujours à l’identique : une rangée de jupes au niveau inférieur, surmontée de deux rangées de hauts à leur assortir. Une vitrine corsetée de ses certitudes vestimentaires. Au diable, saisons, collections et fashion weeks ! L’étalage désuet déjà en 2003 avait retenu l’oeil professionnel de la plasticienne comme, en 2010 le mien, parfaitement dilettante. La vision m’avait marquée au point que je l’avais partagée sur le blog.
J’ai envoyé un petit mot à Valérie Belin pour lui faire part de ce croisement de nos regards, elle a convenu de la cocasserie de la chose. N’ayant pas remis, la semaine dernière, mes pas exactement dans ceux de l’été 2010, je ne sais rien, hélas, de la tendance automne-hiver 2023/2024.
Donc je continue à engranger les soupiraux ouvragés dont je n’ai pas encore rencontré les motifs au cours de mes déambulations parisiennes (*).
Il y a donc eu récemment
des volutes papillonnées
de la géométrie inflexible
de l’oeuf de Pâques bien entouré
d’intrigantes pinces
et pour finir, une fois n’est pas coutume, sortons de Paris avec ces trois croissants de Lune capturés à ….
Lunéville en toute logique.
Ajout du 2 février 2024 : on complètera avec une belle série de soupiraux en provenance du VIIIe arrondissement de Paris chez le blog ami Pendant le week-end
(*) Précédentes livraisons : la cinquième, la quatrième, la troisième, la deuxième, la première.
Encore une vitrine et je me calme avec les vitrines mais celle-ci, dans la rue principale de Ribeira Grande, île de Sao Miguel, archipel des Açores, saisie en allant visiter le centre d’art contemporain Arquipélago installé dans une ancienne distillerie, je tenais à la partager. Un choix aussi large de formats et de couleurs d’entonnoirs ne se rencontre pas à tous les coins de rues.
Etalage improbable, à prendre ou à laisser, Paris, rive gauche, 2023.
Ajout du 21 novembre 2023 : passez chez le collègue blogueur Pendant le week-end pour réellement remonter le temps dans cette vitrine…
Un peu d’autopromotion à laquelle m’incitent les parutions quasi concomitantes ces dernières semaines de trois ouvrages collectifs auxquels j’ai collaboré (sous ma casquette d’historienne).
Il y a le neuvième volume de l’édition, pour la première fois intégrale, du journal du libraire parisien - qui n’a pas tenu boutique longtemps mais est resté sa vie durant impliqué dans la corporation – Siméon Prosper Hardy (1729-1806).
L’entreprise éditoriale, co-dirigée par Pascal Bastien, Sabine Juratic, Nicolas Lyon-Caen et Daniel Roche son initiateur malheureusement décédé en février dernier, est menée de part et d’autre de l’Atlantique par des équipes basées l’une à l’Institut d’histoire moderne et contemporaine à Paris, l’autre à l’université du Quebec à Montréal. Ce neuvième volume de Mes loisirs, ou Journal d’événemens tels qu’ils parviennent à ma connoissance, publié aux éditions Hermann, couvre les années 1786 et 1787. Les deux derniers volumes relateront les années 1788 et 1789, Siméon Prosper Hardy ayant interrompu brutalement sa rigoureuse consignation des jours le 14 octobre 1789.
Pour en savoir plus sur ce journal, on peut consulter le site internet qui lui est dédié. On y accède notamment aux index onomastique, géographique et événementiel mis en ligne au fil de la parution des volumes papier. Pour connaître mieux le libraire, on peut aussi lire une petite étude inédite dans laquelle je me suis attachée à traquer son écriture à la première personne : “Je est Hardy : usages de la première personne du singulier dans Mes loisirs, ou Journal d’événemens tels qu’ils parviennent à ma connoissance “.
Les deux autres parutions résultent de mes travaux sur les scientifiques allocataires de la Caisse nationale des sciences, un dispositif de financement de la recherche publique ayant fonctionné entre les années universitaires 1931/32 et 1938/39, préfiguration du CNRS qui en prend le relai à l’automne 1939. Deux chapitres dans des ouvrages collectifs qui viennent de paraître complètent mes précédents articles exploitant mon recensement exhaustif des chercheuses et chercheurs bénéficiaires des bourses et allocations dispensées par la Caisse. J’avais publié déjà des “gros plans” sur le champ des sciences humaines, sur les femmes et sur les chimistes.
Cette fois il s’agit, d’une part, d’une étude s’intégrant à un ensemble de travaux sur la communication scientifique dirigé par Muriel Le Roux : Modalités de la communication scientifique et technique : perspectives historiques / Communicating Science and Technology : Historical Perspectives (Peter Lang, 2023). Mon chapitre « Faire connaître ses travaux : l’accès à la publication de la première génération de boursières et boursiers de la Caisse nationale des sciences » restitue les conditions dans lesquelles les jeunes scientifiques s’insèrent dans le champ éditorial des sciences dites dures.
Enfin, d’autre part, le 27 octobre dernier est paru au Seuil Le monde des mathématiques, sous la direction du sociologue Pierre-Michel Menger et de l’historien Pierre Verschueren, ouvrage réunissant en 832 pages une vingtaine de contributions propres à éclairer sous différents jours la “société mathématique”, ses profils, ses carrières, ses institutions de recherche et d’enseignement, sa conscience de soi, son entre-soi et sa reproduction.
Ma petite pierre à cet édifice – « Deux mathématiciennes à la Caisse nationale des sciences : débuts croisés de Marie Charpentier et de Marie-Louise Dubreil-Jacotin» – porte sur les deux seules mathématiciennes intégrées à ce dispositif, aux côtés de 70 mathématiciens. Deux profils féminins qui s’opposent souvent mais les deux jeunes femmes aux origines et cursus différents se rejoignent dans leur commune difficulté à “faire leur trou” dans un monde qui sans les écarter formellement se pense en grande partie sans elles.
Dans Le Monde daté du 3 novembre 2023, sous le titre « Le Monde des mathématiques : loin des stéréotypes, les mathématiciens », Gilles Bastin rend compte de cet ouvrage.
A Ponta Delgada, sur l’île de Sao Miguel dans l’archipel des Açores, quatre enfants attendaient. Impassibles.
Posés pieds nus à côté de leurs chaussettes et chaussures. Je les voyais en passant de jour comme de nuit. Insensibles à la fatigue une fois la ville et ses reflets éteinte.
Mais lors de mon dernier passage, le séjour tirait vers sa fin, l’aînée du quatuor muet s’est détournée de mon objectif.
Piquée par quelle mouche ?
Désormais retraitée de mes fonctions autres que celles d’employée aux écritures ici-même à votre service, je savoure particulièrement les heures gagnées à la lecture et à la visite d’expositions en jours et heures creuses. Visites solitaires le plus souvent en ce qui me concerne mais je m’amuse d’y croiser parfois ces petits groupes qu’à l’époque où je pratiquais quotidiennement la courte ligne de train de banlieue omnibus Sèvres-Rive Gauche / Paris Montparnasse (supprimée depuis) j’avais intégrés à ma typologie personnelle des voyageurs sous l’appellation “club de dames en sorties culturelles”. Descendues des côteaux de Bellevue ou de Brimborion – maisons en meulière, pelouses, allées de graviers, perrons, rosiers, cerisiers, abricotiers -, leur petite troupe grossissant en chemin vers la gare d’où ledit omnibus les emmènerait au musée du Luxembourg ou au musée d’Orsay. Destinations confirmées quand elles s’en revenaient en fin d’après midi, catalogue de l’exposition dans un sac en plastique transparent ne laissant aucun doute sur ce qu’elles étaient allées faire à Paris avec un ticket de train acheté à l’unité. Des voyageuses sans Navigo. J’aimais écouter leurs conversations pleines, à la belle saison, de mariages, de baptêmes, de gîtes à dénicher pour loger les invités, l’hiver, de travaux dans leurs résidences secondaires – mais les artisans je ne vous dis pas le calvaire – et, à la mi-saison, de cousins et de cousines visités à Hong Kong, Montréal ou Sidney. D’autres vies que les nôtres, désormais délogées par la SNCF à moins que ne soit Ile-de-France Mobilités, de l’entre-soi des trains de Sèvres (longtemps appelés entre usagers “les petits gris”) désormais fondues dans les Transiliens ligne N en provenance de Rambouillet, Plaisir/Grignon ou Mantes-la-Jolie. Une autre classe de ma typologie personnelle des voyageurs de l’omnibus, le “détachement de retraités randonneurs”, non exclusivement genré contrairement au “club de dames en sorties culturelles” se caractérisait néanmoins par un certain déséquilibre défavorable aux hommes et une pratique de la ligne à contresens. De Paris/Mpontparnasse vers les forêts banlieusardes le matin et retour vers la capitale le soir.