L'employée aux écritures

le blog de Martine Sonnet – ISSN : 2267-8735

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"Le problème de la nuit reste entier. Comment la traverser, chaque fois la traverser tout entière ?" Henri Michaux

Photo d’intérieur

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avec vue imprenable mais

ne pas se pencher au dedans

Cinquante ans de petite bibliothèque ronde

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J’ai passé un beau samedi, hier, à fêter les 50 ans de la Petite bibliothèque ronde de Clamart. J’étais invitée à rejoindre les enfants et leurs familles qui la fréquentent aujourd’hui, ainsi que l’équipe qui l’anime aux côtés de Marion Moulin depuis 2014, parce qu’au premier jour de son ouverture, en octobre 1965, j’étais déjà là, impatiente d’en pousser la porte, du haut de mes presque 10 ans.

Belle et émouvante occasion de revenir en ce lieu qui a tellement compté comme je l’évoque dans le petit chapitre “Bibliothèque” d’Atelier 62. Grand plaisir à retrouver là, 50 ans après, les premières bibliothécaires qui nous y ont accueillis, nous ont ouvert un monde un peu plus vaste que celui de notre cité de la Plaine, nous ont fait confiance pour faire vivre avec elles un lieu dont l’extrême qualité de la conception, notamment architecturale, reste intacte. Etaient présentes hier Geneviève, qui dirigeait la bibliothèque alors de “La joie par les livres ” – du nom de l’association réunie autour du projet – fou – de la mécène Anne Gruner-Schlumberger, ainsi que Lise et Christine qui l’entouraient en un rayonnant trio.

Présents aussi d’autres lectrices et lecteurs de la première génération, en particulier Dominique, Patrick et Michel avec lesquels j’ai partagé, entre ces murs arrondis, tant de samedis après-midis occupés de clubs de lecture ou de théâtre ou encore de la mise au point du prochain journal. Retrouvailles avec le sentiment que nous nous sommes quittés la veille… Et tous les quatre de constater que ce que nous faisions aujourd’hui n’était pas sans lien avec les découvertes faites ici.

L’anniversaire était aussi l’occasion de découvrir le film réalisé par le jeune cinéaste Kaspar Vogler, La bibliothèque est à nous, qui a partagé le quotidien de la Petite bibliothèque ronde au printemps 2015, mais est aussi revenu, archives et entretiens aidant, sur son demi-siècle d’existence. Un beau film grâce auquel nous “les anciens” avons découvert combien aujourd’hui la bibliothèque était largement ouverte, au-delà des enfants, aux familles de la cité, et comment ses livres avaient été rejoints, dans une complémentarité intelligemment pensée et accompagnée, par les outils numériques indispensables à la lecture du monde d’aujourd’hui. Ce qui n’empêche pas de faire aussi pousser des radis dans le jardin : c’est cela l’esprit du lieu.

Un film engagé, parce que, malgré son impérieuse nécessité pour les habitants du quartier, l’existence de la bibliothèque a connu des jours sombres – notamment une fermeture en 2006 – et en connaît encore du fait, notamment, de lourds travaux rendus nécessaires par l’âge du bâtiment dans un contexte peu propice à la pérennisation des idéaux sociaux et humanistes des années 1960. Souhaitons au film la meilleure diffusion possible et qu’il devienne à son tour archive incontournable quand on célèbrera le centenaire de la Petite bibliothèque ronde.

Filed under variétés, à chaud

L’homme qui danse seul (à Porto encore)

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Des choses vues au cours de mon bref et récent séjour à Porto, il y a encore ce travail photographique sur lequel le Centro Português de  Fotographia (installé dans l’ancienne prison de Relaçao de sinistre salazarienne mémoire) donnait un aperçu malheureusement très succinct et sur le web je ne trouve guère plus d’informations sur le projet. Si j’ai bien compris, la jeune photographe Simone Almeida, dans sa série “Rosa Santos”, partant de petites photos de famille comme on en a tous au fond de nos tiroirs, remet en scène, vingt ans après, leurs personnages, dans leurs attitudes mêmes et dans leur décor. Sont ainsi “dupliquées” les images d’une femme lisant allongée dans un canapé, de deux femmes tricotant assises côte à côte dans une cuisine et d’un couple dansant dans son intérieur. Sauf que maintenant l’homme danse seul. Le dos plus droit, les mains vides, sans plus personne vers qui s’incliner.

Une photographie d’absence qui m’en évoque une autre, bien plus ancienne puisque signée August Sander, dans son recueil des Hommes du XXe siècle, celle du Veuf, entouré de ses deux fils, dont les tristes présences rendent criante celle qui manque. Chandelier pour voir passer l’absente / Comme je m’en servirais ! écrit Henri Michaux dans ses Passages.

Devant les images de Simone Almeida, souvenir revenu aussi, plus joyeux, d’une re-création photographique à laquelle je m’étais livrée il y a une vingtaine d’années, respectant jour et heure de la scène – dimanche soir avant le dîner – et presque son lieu – même ville mais dans un autre appartement. Il s’agit d’une partie de Nain Jaune à trois joueurs sur table de salle de séjour. Sur la photo originelle, début des années 1960, je la dispute avec ma soeur J. et notre père ; sur sa reproduction, une génération plus tard, milieu des années 1990, autour du même plateau à casiers de bois clair garnis de jetons de plastique de couleurs franches (verts, bleus, jaunes, rouges, ronds valant 1, petits rectangles valant 5, grands rectangles valant 10), je la dispute avec nos deux fils. Je parle de ces deux photos sans les avoir sous les yeux, il faut que je les retrouve, je crois que sur la plus ancienne j’avais bougé.

Poétique chiffrée de la voirie

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Du bitume

les jours de rapiéçage

qu’ils s’ impriment

sous nos semelles molles

je n’y avais jamais pris garde.

Murmure, rues de Porto

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Soit cette image saisie au vol ce début de semaine sur un bout de mur à Porto. Au vol vraiment parce qu’un cyclone dont on apprendrait plus tard qu’il se prénommait Henri commençait à faire des siennes – il irait, d’ailleurs, un peu plus tard dans la journée, jusqu’à me faire acheter une paire de bottes en caoutchouc pour parvenir à atteindre la Casa de Musica et assister au concert pour lequel nous  avions acheté nos places au retour du cimetière d’Agramonte. Soit donc cette image que je reconsidère aujourd’hui au moment de trier les photos de ce court séjour dans une ville d’une épatante vitalité créative. Et je me demande si la composition n’est pas trop belle et trop riche de regards pour résulter d’une succession de collages/arrachages fortuite. Je ne sais plus qu’en penser.

Comme je ne sais trop quoi penser de la juxtaposition dans la rue où nous logions agréablement, rua da Almada, des vitrines fourre-tout des boutiques-ateliers propres à la traditionnelle spécialisation laborieuse de la rue – petite métallerie, plomberie, serrurerie, tuyaux en tous genres et matériaux, électricité – toujours en activité, avec celles, tellement clean, des bars, restaurants, galeries, concepts-stores, agences de com’ ou de design, dans une alternance quasi rigoureuse. Je me demande combien de temps les occupants traditionnels des lieux s’y maintiendront et si la ville, soucieuse de la rénovation de ses anciennes magnifiques maisons, les aide d’une façon ou d’une autre à s’y maintenir. A longer ces vitrines et façades contrastées, naît le sentiment que dans cette rue un serpent se mord un peu la queue : un magasin “nouveau” expose joliment et vend de la vaisselle en tôle émaillée que l’on trouverait sans aucun doute “dans son jus” en fouillant dans l’arrière boutique de l’échoppe d’en face.

Là où Manoel de Oliveira repose (Porto)

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C’est, dans la ville de Porto, au bout d’une courte rue qui porte bien son nom et le portait mieux encore avant, quand elle s’appelait Rua do Cemiterio, mais sans doute que ceux de l’hôtel, seul édifice un peu conséquent dans cette rue sans façons, n’appréciaient guère cette adresse à tête d’enterrement.

Alors on a débaptisé la rue, préféré comme enseigne la Méditation qui laisse entendre qu’on y dort bien. Ce que les occupants du bout ne démentiront pas, eux qui ne font pas qu’y passer et au service desquels fleurit  l’inévitable petit commerce de la dernière heure.

Manoel de Oliveira (1908-2015) repose là, à quelques pas de l’entrée du cimetière d’Agramonte, auprès de quatre des siens, à l’abri d’un toit qui pourrait en abriter un de plus. A moins que Manoel ne soit le dernier : les autres sont là depuis si longtemps. Un homme sans plus de contemporains à force de vivre.

Ce qui surprend un peu, et fait sourire, ce sont les qualités qu’il revendique, pour finir, du haut de ses 106 années accomplies. Cet homme-là, n’allez pas croire qu’il n’y avait que le cinéma qui l’intéressait dans la vie.
Tout autour de lui, la vie rangée des morts suit son cours.
Chacun son petit ménage.
Pour visiteurs, des chats, des mouettes, et nous ce dimanche 13 septembre 2015, juste avant la fermeture à 17h30.

Photogénie d’une flaque

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C’était sur le chemin qui monte au col des Prés de Fromage, au dessus de Molines-en-Queyras,

une petite flaque de rien.

Du nom des choses écrit inutilement sur les choses

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Interloquée hier, dans les toilettes du TGV Est qui m’emmenait visiter le Centre Pompidou de Metz et ses expositions du moment – que je conseille : ce fut une belle journée – , par une précision que la SNCF, son chef de bord, son personnel d’accompagnement et les membres de l’Alliance Rail-Team, ont cru nécessaire d’accoler à un accessoire qui jusque-là, dans les toilettes ferroviaires, s’en passait très bien. Etonnée d’abord qu’un logisticien/signalétiqueur de trains en ait conçu l’idée et que du n+1 de cet employé créatif au Président de la Société Nationale celle-ci ait semblé suffisamment pertinente pour être mise en oeuvre avec attribution du budget idoine. A moins que ledit employé, amateur de littérature sud-américaine, ne l’ait emprunté à ce passage de Cent ans de solitude de Gabriel García Márquez au cours duquel les habitants de Macondo frappés d’un mal étrange leur faisant perdre la mémoire des choses et de leurs usages collent des étiquettes partout pour y remédier. Déconcertée aussi par le vocabulaire choisi, parce que le “papier hygiénique” me semble avoir été détrôné par le “papier toilette” des gondoles de supermarchés et par le “PQ” du langage courant des ménages. Sans compter que si l’on voulait s’en tenir au registre de l’hygiène et user de l’adjectif qui s’y rapporte, il convenait d’inverser le sens de l’accent sur le E. Bref une innovation qui ne m’a pas convaincue et pourtant j’aime les trains.

Filed under la vie tout venant

De la qualité du sommeil selon son éternité ou pas

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Ces temps-ci un homme, pas jeune, vient souvent dormir sur un banc entre contre-allée et boulevard. Il glisse un semblant d’oreiller sous sa tête et pose sur lui une large couverture de laine rose format lit pour deux personnes  dont les pans flottent de chaque côté du banc. Il ne s’enveloppe pas et personne pour le border. Au pied du banc, posés, deux grands sacs plastiques dans lesquels il rangera son attirail une fois son somme fait, avant de disparaître du quartier aussi discrètement qu’il y est apparu. A certaines heures du jour et en fonction de l’ensoleillement, l’homme qui n’est pas remarquable sauf quand il dort sous sa couverture rose, se reflète dans la vitrine de l’une des nombreuses officines de pompes funèbres – j’en compte sept dans un rayon de moins de 5 minutes à pied – ceinturant les deux hôpitaux du quartier. (Profusion d’offre de services qui laisserait à penser quant à la confiance relative accordée à ces établissements). Sous un certain angle l’homme couché se reflète en surimpression des panneaux muraux latéraux de la boutique exposant au choix du client la gamme des cercueils et de leurs habillages. Du satin, de la soie qui sait ? Du doux et du moelleux dans une débauche de coussinets et de petits volants. Fugitive mais troublante surimpression du dormeur du banc au sommeil dépouillé de tout égard et des petits soins garantis au sommeil éternel par la Maison R*** qui sait y faire depuis le temps qu’elle bichonne chèrement les chers disparus. Paradoxe de ce confort, aussi vain que dispendieux, offert au repos des morts quand tant de vivants dorment aujourd’hui à la rue, la nuit le jour, comme et où ils peuvent, dans la ville.

Façades ne vous y fiez pas

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tout n’est qu’apparences.

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