J’ouvre un livre de Jean Echenoz que je n’avais jamais lu, Un an, court roman paru aux Editions de Minuit en 1997, où d’entrée de jeu je lis (p.7-8) :
Gare Montparnasse, où trois notes grises composent un thermostat, il gèle encore plus fort qu’ailleurs : l’anthracite vernissé des quais, le béton fer brut des hauteurs et le métal perle des rapides pétrifient l’usager dans une ambiance de morgue. Comme surgis de tiroirs réfrigérés, une étiquette à l’orteil, ces convois glissent vers des tunnels qui vous tueront bientôt le tympan.
J’en conclus que Jean Echenoz et moi n’avons pas les mêmes goûts en matière de gare. Je ne lui en veux pas, je continuerai à le lire. Au moins sommes nous sensibles aux mêmes matériaux/couleurs de la gare. Moi j’avais écrit à leur propos :
Gare grise, mais de toute la gamme chromatique des gris. Unis le plus souvent, plus ou moins dégradés par l’usure générale, mais aussi granités des bordures de quais ou des marches des grands escaliers à l’ancienne du hall Maine – qui tremblent sous nos jambes par moment sans qu’on comprenne pourquoi, par quelle loi mécanique de déformation nécessaire à cette imbrication complexe d’escaliers et d’escalators suspendus dans un grand vide. Ailleurs, gris mats ciment, luisants béton, brillants métal ; sans oublier l’anthracite crasse toujours prête à rajouter sa couche ni le gris souris des souris qui traversent les traverses. Montparnasse monde gris répétitif (comme certaines musiques que je goûte assez). Nuancier de la gare dicté sans nuance par celui des matériaux qu’on ne s’est pas amusé à peindre.
(Pour mémoire ou si vous passez par là par hasard, Montparnasse monde c’est une série sur ce blog mais aussi un livre)