C’était ce matin dans la rue des Feuillantines, inexplicablement, entre mégots et débris végétaux, trois longues, longues, nattes de cheveux blonds abandonnées sur la chaussée, juste à la jointure du caniveau et du bitume, sur la petite bosse traître aux cyclistes.
Certes dans la rue des Feuillantines, en face du lycée spécialisé dans les arts du verre occupant l’emplacement du couvent des Feuillantines dans lequel Victor Hugo vécut enfant avec sa mère – une plaque sur le mur du lycée le rappelle – se trouve bien un salon de coiffure.
Mais salon des plus modestes, de quartier, à l’antique plutôt même qu’à l’ancienne, sans décorum, sans nom ni enseigne autre que “coiffure”(*), fermé le plus souvent, une affichette “Je suis dans l’appartement” apposée sur la porte à l’attention d’éventuelles passantes en mal de permanentes. Porte gardée par un chat angora installé sur un drap de bain plié dans un fauteuil placé précisément en travers de la porte sous l’affichette, si jamais vous vous avisiez d’entrer néanmoins.
Quand d’aventure la coiffeuse descend dudit appartement pour officier c’est généralement sur une tête (une seule à la fois) des plus chenue ayant depuis des lustres et belle lurette en veux-tu en voilà passé l’âge qu’on lui tire les nattes et n’offrant que de bien maigres mèches à tournicoter autour des quelques bigoudis qui suffiront à créer éphémère illusion. Même à grand renfort de laque sur la frisure obtenue au déroulé du bigoudis.
Je ne relie donc pas les reliefs capillaires découverts à ce salon. Le mystère reste entier.
(*) note de bas de page : un salon par conséquent indigne de figurer un jour dans l’Invent’Hair de Philippe Didion.