Mais tout de même, immobiliser le vélo le temps de la saisir
pour l’arrondi des feuilles, comme boucle écrite
quelque part en Mayenne
(pas celle de Jean-Loup Trassard, bien plus au nord la mienne).
le blog de Martine Sonnet – ISSN : 2267-8735
Mais tout de même, immobiliser le vélo le temps de la saisir
pour l’arrondi des feuilles, comme boucle écrite
quelque part en Mayenne
(pas celle de Jean-Loup Trassard, bien plus au nord la mienne).
Une fois n’est pas coutume, je trouve logique d’intégrer dans ma courte série New York City en le contextualisant un peu plus précisément le billet confié à Cécile Portier pour son blog Petite Racine il y a un mois (dans le cadre des échanges du premier vendredi du mois – en novembre je n’y ai pas participé mais bel ensemble à découvrir chez Brigitte Célérier). Avec Cécile, notre échange d’octobre avait pour thème les valises.
Dans cette semaine newyorkaise, le vendredi matin s’est passé à explorer les rayons de la librairie Strand, de la cave au grenier, une librairie où l’on trouve des trésors cachés bien exposés
un étonnant photo-maton au sous-sol (mais c’est à l’extérieur dudit photo-maton que je me suis involontairement tiré le portrait,
et cinq chaises défraîchies alignées sous la fenêtre à l’étage des livres d’art, donnant vue sur une chouette de l’autre côté du carreau et sur la la ville mouillée
parce qu’il faut savoir que ce matin là il pleuvait fort. Une fois sortis, nos achats réglés aux caisses du rez-de-chaussée, nous sommes restés longtemps sous l’auvent du magasin, la pluie ne faiblissait pas, mais ce n’était pas du tout un problème, c’était jouir de la ville d’une autre façon.
C’est alors que j’ai remarqué la valise, toute proche, délaissée, qui tombait bien puisqu’au retour (il fallait malheureusement commencer à penser au retour) j’aurais une valise à écrire pour Cécile. Et cette valise sous la pluie m’a fait penser que
le voyageur qui voulait faire provision d’eau pour continuer sa route sera déçu quand il sortira à son tour de la librairie. A cause de l’inconscient qui a cru faciliter la tâche des éboueurs et la marche des piétons, à moins qu’il ne s’agisse d’un plaisantin toujours prêt à faire une farce, en redressant sa valise à la verticale et en la rapprochant de la poubelle. Ce qui peut suggérer que l’aventure de la valise finit là, ce vendredi 23 septembre, et provoquer son enlèvement par les services de la voierie ou un réemploi par une voyageuse sans bagage. J’y ai pensé moi qui voyage un peu léger. Le voyageur bibliophile monté sur la pointe des pieds jusqu’au 4e étage de la librairie, petite flaque à sa suite sur chaque marche, avait pourtant pris soin de poser sa valise bien à plat sur le trottoir, couvercle rabattu grand ouvert, pour qu’elle se remplisse. Au lieu de quoi, la valise de qualité médiocre se détrempe, la pluie la traverse et son propriétaire n’en sait rien, tout absorbé qu’il est, lui, dans la contemplation d’un incunable. Mains glissées dans les fins gants blancs qu’on lui a fournis, il n’ose cependant tourner les pages de l’un des deux seuls exemplaires subsistants de l’anonyme “Art admirable de faire communiquer les vases mis à la portée de tous”, imprimé à Lyon, en langue vulgaire, dès 1478.
Nous ne l’avons pas vu paraître le bibliophile, n’avons pas été témoins de son désappointement, n’avons pas eu à lui proposer de mouchoir pour recueillir des larmes que sa valise n’était plus en état de contenir. Pourtant nous sommes restés longtemps, immobiles, devant la porte de la librairie Strand.
Et puis la pluie toujours égale nous avons gagné un autre abri, juste une rue à traverser, d’où nous avions un autre point de vue.
Il a beaucoup plu sur Manhattan cette matinée du 23 septembre 2011 et les livreurs n’avaient pas la tâche facile.
Contre toute attente, au moins de ma part,
ces végétaux surgis dans le paysage de la gare à l’occasion d’un rhabillage discutable des pieds et têtes d’escalators
touffes fichées drues dans le béton, ont réussi à fleurir : bonne fille, je félicite les jardiniers auteurs de l’exploit. Moi, je ne donnais pas cher de leur peau fibreuse.
Montparnasse monde est aussi un livre sur lequel on peut en savoir plus.
La campagne publicitaire pour l’ouverture d’une succursale du Furet du Nord en proche banlieue Sud colonise les deux faces de mon abribus le plus quotidien, celui du coin de la rue au bout de mon allée. Je me souviens de mon émerveillement lors de la découverte, que je situe vers 1969 ou 1970, de cette librairie à l’étrange enseigne, Furet du Nord, alors implantée en un lieu unique, Lille, quand celles que je pratiquais dans ma banlieue (déjà la même) n’avaient vraiment rien de mirobolant* et que je ne m’aventurais pas encore dans les librairies parisiennes.
En dépit de ce bon souvenir, une chose sûre est que le Furet de Cachan ne me verra pas souvent passer, ni encore moins repasser, par chez lui parce que d’un côté de l’abri nous infliger une citation de Marc Lévy écrivain
et de l’autre nous présenter Shirley S. écrivain amateur qui fait son marché au rayon stylos, franchement !
Naturellement l’écrivain patenté et vendeur qui, narquois les mains dans les poches, se vante “de toutes ces choses que j’ai écrites” (comme s’il y avait de quoi) est un homme, aussi naturellement que l’écrivain amateur acheteuse de stylos est une femme. L’inversion des rôles est inconcevable. Histoire de nous accabler encore un peu plus, la femme écrivain amateur écrit au stylo. Pas fichue de se servir d’un clavier l’écrivaine en herbe. On lui souhaite bien du courage : ses chances de passer de l’autre côté du miroir/abribus déloger Marc Lévy sont des plus minces.
Ceci était une leçon de marketing sexiste ordinaire – mais pas de littérature contemporaine avec laquelle toute ressemblance ne saurait être que fortuite.
* Je précise, pour donner l’échelle, que la librairie la plus proche du domicile familial était alors tenue par un couple d’ex-tripiers qui appréciaient particulièrement de ne plus avoir à se lever à 2h du matin pour aller aux Halles.
Donc, descendre du Metro-North Railroad à Beacon – il filera sans vous vers Poughkeepsie : à quoi peut bien ressembler Poughkeepsie ? – et suivre à pied la signalétique, discrète mais présente Dia:Beacon et cette façon de l’écrire, toujours. Se dire qu’il y aura bien une cheminée d’usine pour guider le regard puisque le musée que l’on cherche avait été autrefois une usine. D’abord, à voir, il y a juste l’Hudson, toujours là, les rails au bord tout au bord du fleuve (sur lesquels on est passé, il y a quoi ? à peine un quart d’heure), et le bâtiment de briques dont on commence à penser que ce peut être là.
Finalement, à l’approche, une cheminée apparaît, mais plus loin, pas accolée à l’ancienne imprimerie de boîtes de biscuits devenue musée d’art contemporain. De la brique, de grandes fenêtres latérales et des sheds qui font tomber la lumière sur les établis ; avant même d’atteindre l’édifice si bien marié au paysage l’évidence que l’on ne regrettera pas d’avoir prélevé une journée sur la semaine new-yorkaise pour venir jusqu’ici.
Le billet d’entrée, on l’a, combiné à celui du train aller et retour depuis Grand Central, le tout pour 31,50$, une affaire. Le musée s’impose d’abord par son jardin, jardin sans limites matérialisées et qui descend jusqu’aux rails, gagne le paysage ferroviaire.
Jardin de savante composition, aux installations sonores et olfactives, à la géométrie douce. Jardin à rêver longtemps qui a lui seul, déjà, justifierait le voyage.
Ici tout est beau, dehors, dedans,
les murs, les fenêtres, les toits
je ne peux pas tout montrer. De l’intérieur je vous donne juste deux toutes petites idées.
Mais sachez que ces vastes espaces sont idéalement habités par les oeuvres de Louise Bourgeois (se surprendre à caresser l’araignée la plus impressionnante de toute la création, s’en faire la proie), Richard Serra (marcher infiniment en ses ellipses), Sol Lewitt, les Becher, Agnes Martin, Donald Judd, Robert Ryman, Blinky Palermo, Imi Knoebel, Robert Smithson, On Kamara, Joseph Beuys, Dan Flavin, et forcément j’en oublie…
Retour silencieux vers la gare après avoir résisté à la tentation du grand livre trop lourd à rapporter (on le commandera) ; soirée en ville.
Tout commence à Grand Central Terminal
train de 9h52 (weekends & holidays) pour Poughkeepsie, ce train partira de la voie 35 (voie 35, et la numérotation continue bien au delà, pas comme à Montparnasse où à 28 la messe est dite)
train à grande largeur
le but c’est de remonter le cours de l’Hudson jusqu’à Beacon, arrivée à 11h10 ; rails posés juste juste au bord de l’eau
poteaux électriques, vieux, au bord, juste juste au bord, encore plus au bord que les rails (si c’est possible)
le fleuve large comme je n’en ai jamais vu (le géographe dit : on n’en a pas vraiment de notre côté des fleuves continentaux, le Danube peut-être)
et la succession des ponts
je les remets dans le bon ordre au départ de NYC (photos faites au retour : c’est pourquoi l’heure à l’horloge de Grand Central Terminal ne correspond pas au texte – tout s’explique)
ponts sur l’Hudson, longs comme le fleuve est large – de l’ordre du jour sans pain
ponts sur l’Hudson, pas deux pareils, mais les eaux, par endroits, boueuses
des ponts, des îles, des presqu’îles, et une académie militaire aussi sur les bords de l’Hudson, loin, de l’autre côté
des ports de plaisance
et enfin Beacon, petit port et sa jetée
à Beacon, si cela vous intéresse, il y a une maison à vendre (il faudrait se mettre à plusieurs pour l’acheter et la remplir), mais ce n’est pas elle qu’on est venu visiter, c’est le musée d’art contemporain, une merveille, j’en reparlerai.
Premier vendredi du mois : Cécile Portier, de la très belle Petite Racine, de Contact, de saphir antalgos, et de nombreux textes sur remue.net, rend visite à L’employée aux écritures et réciproquement. Nous nous sommes toutes les deux prises au mot : valises, il y aurait des valises dans notre échange. Et comme chaque mois, Brigitte Célérier a établi la liste des blogs participant aux “vases communicants” : merci à elle.
Voyager léger
C’est préférable de voyager léger. N’est-ce pas.
Est-ce vraiment raisonnable, alors, de prendre cette petite jupe d’été, ces 2 robes mi-saison, ces 3 pulls chauds, ces 4 jeans? Ces 5 petites culottes, les faut-il? Ces 6 paires de chaussettes?
Mieux vaut ne pas s’encombrer, d’accessoires ou de scrupules.
Alors laissons tout.
Pourtant, les petites culottes…
Mettons deux petites culottes et un scrupule en moins.
Mais lesquelles choisir? Celle à fleurs, celle à dentelles, celle en soie, celle en coton? Celle dont l’élastique lâche mais qui est si douce à porter, qu’on dirait qu’elle vous accompagne, comme une vieille amie bienveillante à qui on ne la fait plus? Ou bien celle-ci, sévère, inconfortable, mais plus élégante ?
Mettons cinq petites culottes mais un regret de plus (d’avoir renoncé à celle dont l’élastique lâche).
Mettons cinq petites culottes, mais si le temps est froid, s’il est chaud, si d’aventure il fallait aller danser, ou bien jardiner, ou bien ou bien ou bien…
Comment choisir entre la paire de galoches et celle d’escarpins, entre la pelisse et le maillot de bain?
C’est impossible de choisir.
Alors tout redéfaire, tout déballer.
Désespérer.
Et puis se dire cela, que ce qui pèse lourd ce n’est pas les choses qu’on emporte, mais ce qui les contient. Que ce qu’il faut, pour voyager léger, c’est une valise légère. Légère mais solide. Une valise qui tienne son contenu comme on dit de quelqu’un qu’il tient parole.
Les paroles données, les paroles tenues pèseront toujours moins lourd que les scrupules et les regrets.
Ce qu’il faut, c’est une valise à paroles.
Ca tombe bien, nous avons ça en magasin. Et avec elle, on peut y aller, ça tient sans craquer, la petite jupe d’été, les 2 robes mi-saison, les 3 pulls chauds, les 4 jeans, les 5 petites culottes, non, les 6, et puis aussi la brosse à dents, la brosse à cheveux, la brosse à sourcils, et même la brosse à reluire, ainsi que les 7 pêchés capitaux, les 8 merveilles du monde, les 9 vies du chat, les 10 commandements, les 11 coton-tiges, les 12 coups de minuit et les 36 chandelles.
Et va aussi pour les chemises de nuit et les petits bibis.
Valise en papier – suitcase mail – de l’artiste Vanessa Notley (et merci à Juliette Mezenc pour la découverte!)
C’était un dimanche matin sous ciel d’un bleu ravageur, après avoir fait provision, à l’angle de la 9e avenue et de la 14e rue, de câbles et écouteurs qui nous lâchent assez régulièrement, de bout en bout marcher sur la High Line, ancienne voie ferrée vouée aux marchandises aménagée en promenade type “coulée verte” parisienne du 12e arrondissement.
Seulement c’est New York, alors les inventeurs-aménageurs-jardiniers ont osé plus et ils ont bien fait. Comme par endroit, le filet d’eau qui coule sur les lattes de bois pour nous inviter à y marcher pieds nus comme on ferait d’un ruisseau. Ou la composition végétale aromatique qui par bouffée nous transporte du coeur de la Grosse Pomme à nos montagnes préférées. Et puis les sculptures perchoirs-nichoirs à oiseaux qui ne se privent pas de s’y percher-nicher. On marche un peu au dessus de la ville, de Gansevoort Street à la 30e rue, les yeux pleins de superbes juxtapositions architecturales.
Terminus de la ligne, on descend et surprise sous les voies une vaste aire de repos de gestion associative, très longues tablées et bancs de bois, long bar 100% pure fonte, et stationnées autour des camionnettes qui vendent de quoi se restaurer.
On y fait une longue pause et l’on rêve à ce que les sauveurs de la High Line (que la ville voulait liquider) ferait de beau avec nos restes de Petite Ceinture. On les leur confierait bien.
C’est le dossier Quoi de neuf à New York d’un Nouvel Obs paru cet été qui nous avait mis la puce à l’oreille. Et merci à Yann Calberac pour m’avoir signalé, via twitter, ce billet de Cafés Géographiques consacré à la High Line, décryptée par Aurélie Delage.
En une semaine à New York, au bout de laisses liées souvent par deux ou trois j’ai croisé de nombreux chiens, généralement petits et assez laids. Quand ils affichaient un même pédigrée, menés par la main de leur maître ou de leur maîtresse, tous trottinaient de la même petite foulée ; quand l’attelage était disparate, les bêtes ne présentant plus entre elles qu’un lointain air de famille, la main était mercenaire et la promenade plus tranquille, réglée sur un pas de senior chichement pensionné. Les chiens ne m’intéressent pas trop, je n’en ai pas photographiés (mais j’ai bien remarqué sur une table de nouveautés à l’entrée de la librairie Barnes et Noble d’Union Square une biographie canine et filmique tout à la fois : Rin Tin Tin: The Life and the Legend).
En revanche je n’ai en tout et pour tout rencontré qu’un seul chat aventuré sur les trottoirs de la ville, un peu inquiet comme l’on comprend qu’il le soit, exposé aux embarras de la circulation par temps de session générale de l’Assemblée des Nations Unies
et à une rude concurrence féline, sculpturale, monumentale et architecturale.
La New York Public Library, entre ses deux lions, fêtait ses cent ans, j’ai visité l’exposition consacrée à son anniversaire, fait un tour dans ses salles de lecture qui m’en rappelaient d‘autres et constaté que sa boutique dispensait de bons conseils aux employées aux écritures de tous poils : sûre qu’en s’aidant de ces deux manuels on doit pouvoir écrire l’autre biographie, la non autorisée, de Rintintin.
Rentrant ce soir traînant un peu le pas, sur les dalles menant à l’entrée de l’immeuble, j’ai d’abord vu l’une,
puis l’autre
et j’ai pris grand soin, comme à la marelle, de poser mes pas en diagonale, sur les dalles où elles n’étaient pas ; nous nous sommes seulement croisées
sans que je leur demande vers quel rendez-vous elles convergeaient. Cocktail dînatoire à partir de 19 heures, limaces obligatoires RSVP ? Mais ces deux-là n’arriveront pas bras dessus dessous et moi je n’ai pas trouvé le carton d’invitation dans ma boîte aux lettres.