L'employée aux écritures

le blog de Martine Sonnet – ISSN : 2267-8735

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"Le problème de la nuit reste entier. Comment la traverser, chaque fois la traverser tout entière ?" Henri Michaux

Questions pour bâtir ensemble ma maison

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Grâce aux bonnes idées des internautes transmises par les moteurs de recherche, L’employée aux écritures aura de quoi bâtir sa maison le jour où elle décidera de retrousser ses manches de lustrine et de s’y mettre. Merci des suggestions, telles quelles en italique brun dans le texte, et dans cette nouvelle maquette du blog, les mots-liens sont soulignés.

Toutefois j’écarte l’idée d’aménager un algeco, comme celle de m’installer dans une cabane à Oléron. Je me rallie en revanche avec enthousiasme à celle de retaper une vieille gare abandonnée en Corrèze (suivez mon regard). Je ne sais pas, néanmoins s’il sera possible d’y importer l’horloge de la gare de Quimper, comme pendule de cuisine : ils en ont peut-être encore l’usage là-bas. Mais une chose sûre, c’est qu’on ne manquera pas d’échafaudages pour faire nos travaux.

Les huisseries seront protégées par des rambardes en ciment armé façon branches d’arbres qui seront du meilleur effet, ainsi que sur une façade, sobre, des volets bleu marine, et sur une autre des volets bois couleur originale. De façon générale on veillera à égayer les rebord de fenêtres et à se protéger des curieux, sans pour autant se condamner aux ténèbres, par des rideaux plein jour.

Entre cuisine et salle à manger,  le passe plat bar économisera les pas de la maîtresse de maison – je prends, comme toutes recettes de cuisine et conseils ménagers, j’en ai besoin. Le carrelage métro sur les murs me conviendra beaucoup mieux que de vieux papiers motifs cuisine.

Si de nombreuses variétés de plantes vertes d’intérieur assureront une ambiance champêtre, le mobilier proposé reste rudimentaire : je ne dispose pour l’heure que d’un lit brouette et d’un canapé vieux rose. C’est peu. On me propose bien une chaire d’église romane, mais j’avoue ne pas trop savoir où la mettre.

Quant au terrain autour de la maison, il faudra mettre d’accord celui qui s’inquiète du meilleur arbre pour se protéger des oiseaux et celui fermement décidé à refuser la pose de pics anti pigeons. J’espère qu’on y arrivera. Enfin, si je ne vois pas trop la nécessité d’un trottoir roulant pas accéder à le propriété, certains ont l’air d’y tenir : c’est encore à débattre. Merci pour le prêt du chariot porte bagages sncf, qui me servira à déménager et, quand c’est fait, on pend la crémaillère tous ensemble.

Invitée : Anne-Marie Emery

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Premier vendredi du mois, il y a du remue-ménage dans les blogs, on appelle ça les vases communicants : les unes et les uns s’en vont écrire chez les autres. Merci à Brigitte Célérier qui aide à s’y retrouver dans tout ça. C’est ainsi que  je suis heureuse d’accueillir Anne-Marie Emery du blog Pour le meilleur et pour le lire, reflet des lectures qui la touchent et dont elle donne à lire des morceaux choisis. Elle vient ici écrire son Montparnasse à elle (l’idée de l’invitation est née d’un de ses commentaires à une chronique récente du Montparnasse monde), riche en vies minuscules, tandis que je vous propose, chez elle, une page choisie sur le rayon le plus à portée de main de ma bibliothèque, celui des auteurs qui accompagnent au quotidien.

Sous les voies, la vie….

- Non, madame, cette rue n’existe pas, rue de Médéah, me dites-vous? Non, ici, c’est la mairie du 14ème.

- J’insiste, madame, j’ai besoin de cet extrait d’acte de naissance ; mon père est né au 18 de cette rue , le 13 janvier 1921 ; vous allez la trouver dans les archives.

- Un moment, je vous prie….C’est exact, madame, je vois que cette rue a disparu lors de l’élargissement des voies de la gare Montparnasse dans les années 60.

Et voilà,  disparues,  rasées, ces maisons à un étage où vous vous étiez établis en 1920, à votre arrivée de Lozère, votre fille, Marie-Louise avait douze ans.

Difficile de dire à votre place le choc, l’étrangeté du lieu, la brutalité de la découverte, le bruit, l’agitation de la rue, la circulation ; peut-être êtes-vous restés plusieurs semaines sans voix ? Le bitume, un portail, un trottoir ; vous avez dû être interdits, déboussolés devant les devantures, les affiches publicitaires ; rien de tel dans votre hameau de Chabalier, aux sources de l’Allier.

Et cependant, on se trompe sans doute ; bien doux était ce passage à la vie ordinaire, au sortir de la guerre ; une douleur tenace mais sobre au coeur, la décision de changer de vie. Vous, Rémi, blessé à la tête mais vivant, vous n’avez pas voulu reprendre votre poste d’instituteur “les enfants sont trop difficiles, le métier trop dur…” Ce sont vos propos de l’époque. Vous avez un brevet supérieur, vous obtenez le poste de gestionnaire du salon de thé du Bon Marché, on disait “Chez Boucicaut”, à ce moment-là. Mélanie vous suit, elle est enceinte, André va naître.

Il lui faudra à elle et toutes les autres femmes une immense finesse, pour vous accueillir, vous les maris et les pères devenus des inconnus. Ce ressort immédiat, ce désir d’un autre enfant, elle a su vous le donner. Vous avez vécu de bons moments rue de Médéah, glanant de jolis objets aux puces de la porte de Vanves. Nous l’avons encore, cette belle pendule. Mélanie a bien vite fait fondre la glace, son charmant accent cévenol, vraisemblablement.

J’aime imaginer le petit André, à peine sorti des langes, jouant dans la rue ; il était passablement insupportable, me dira plus tard Marie-Louise qui le gardait à l’occasion. Il allait traîner autour de l’atelier d’en face, au 11 de la rue. Il regardait le maitre sculpter son métal, le nez tout près du chalumeau. Et si c’était vous Julio Gonzalès qui lui aviez  donné l’amour du travail manuel bien fait.

Frêres et soeurs étaient restés derrière, s’établissant , qui dans le Gard, qui dans la Drôme ; il vous avait fallu de fermes convictions et une volonté farouche pour tout reconstruire ici, pour vous acclimater, pour ne pas être des intrus ; pas le choix, disiez-vous, en la circonstance, que faire là-haut à 1300 m d’altitude ?

Je songe aux milliers de voyageurs, qui, tous les jours à cet endroit précis rangent magazines et portables  avant l’arrivée en gare des trains qui amorcent là leur freinage. Ils ignorent que des gens ont vécu, à l’emplacement précis de ces rails, des vies pas si minuscules que çà ; les rues ne sont plus mais nous conservons précieusement des fragments de leurs vies d’exilés dans nos sacs à dos, de temps en temps, nous les convoquons et ils nous parlent myrtilles et arnica et toute cette nature qui leur a si cruellement manqué, à n’en pas douter, rue de Médéah.

Texte, photos et boîte à gâteaux Anne-Marie Emery

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Effets du gel dans cette banlieue

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C’est le première fois que je reprends ici un paragraphe que j’ai proposé au Convoi des glossolales, ce blog collectif à l’initiative d’Anthony Poiraudeau publiant quotidiennement, anonymement (avec juste une liste globale des auteurs participants selon une contrainte de régularité ou sporadiquement) une suite de textes qui ont pour dénominateur commun de ne comporter qu’un seul paragraphe (peu importe sa longueur) et d’avoir été reçus le même jour. Je me réapproprie celui-là, écrit hier, mais c’est pour une bonne cause : l’illustrer. En rentrant ce soir (photo de nuit sans flash), je trouve à photographier sur mon chemin exactement ce que j’évoquais. Ce sera plus compréhensible.
416. Dimanche 2 janvier. Je m’aperçois, en allant au marché ce matin, que dans cette banlieue toute de meulière les épisodes de gel/dégel un peu vifs sont toujours suivis de l’effritement – voire de la fracture – d’un certain nombre de murets. Je ne saurais dire pour les murs des maisons : ils sont un peu loin, en partie dérobés à la vue. Les pierres des murets d’enclosure attaquées par le froid révèlent leur porosité, leur qualité relative. S’en échappent, en petits tas sporadiques sur les trottoirs, à leur base, un granulat d’un jaune assez vif que leur apparence extérieure ne laisse pas soupçonner. La surface des pierres usée quotidiennement par les éléments dans la conformité des moyennes saisonnières est grisée, brunie, sous leurs effets. Mais que surviennent des jours hors normes, que le mercure descende en tréfonds insoupçonnables pour nos latitudes et, dès que celui-ci remonte et que nous nous détendons un peu, les murs de cette banlieue exposent leur vraie nature et leur fragilité.

Filed under variétés

Des auteurs chez Louis-Sébastien Mercier

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La lecture du texte de François Bon sur Tiers Livre Un petit souci avec Balzac et les contributions qui s’y greffent m’y font penser : reprenant le Tableau de Paris de Mercier récemment, et y vagabondant, j’en avais extrait plusieurs passages évoquant les auteurs et leur condition, notamment matérielle. Je les livre ici comme pièces rétroactives au débat et cela me permet d’étrenner la nouvelle maquette du blog (je ne savais pas quoi écrire pour le reprendre en mains dans sa nouvelle grande largeur !)

T.2 vol.1, p. 331-336. Chapitre CXXXVII Auteurs

A Paris sont ces écrivains qui moissonnent et qui vendangent avec leur plume, qui ont dans leurs écritoires toutes leurs terres et toutes leurs rentes. (…) Les pensions que le gouvernement accorde aux gens de lettres ne se donnent ni aux plus pauvres, ni à ceux qui ont le plus utilement travaillé. Les plus souples, les plus intrigants, les plus importuns, enlèvent ce que d’autres se contentent d’avoir mérité au fond de leur cabinet.

La pauvreté de l’homme de lettres est à coup sûr un titre de vertu, et une preuve du moins qu’il n’a jamais avili ni sa personne, ni sa plume. (…)

Les gens de lettres emploient ordinairement la matinée au travail, et ils ont tort ; la composition du soir a beaucoup plus de feu : mais les spectacles et les dissipations journalières tuent le génie, et l’empêchent de suivre de grands travaux. (…).

T.2 vol.1, p. 336-339. Chapitre CXXXVIII Des demi-auteurs, quarts d’auteurs, enfin métis quarterons, etc

Tels sont ceux qui versent dans les Mercures et dans les journaux, ou de petits vers innocents, ou des morceaux de prose niais, ou des critiques sans lumière et sans sel, et qui s’arrogent ensuite dans les sociétés le titre d’hommes de lettres. (…)

T.8 vol.2, p. 318-324. Chapitre DCXXII Trente écrivains en France, pas davantage

(…) de fait, il n’y a point en France plus de trente écrivains constamment livrés à leur art. Le dégoût, la sécheresse, l’indigence, la crainte des persécutions, et surtout la paresse, font sortir les trois quarts et demi de la carrière, dès qu’ils y ont fait les premiers pas. Ils se jettent dans le chemin battu de la fortune. Plusieurs écrivains, même célèbres, n’entretiennent leur renommée que par quelques ouvrages, semés à de prudents intervalles. Or qu’est-ce que trente hommes faisant profession ouverte de ces honorables travaux, au milieu d’une nation composée de plus de vingt millions d’hommes ?

Les écrivains seraient dix fois plus nombreux qu’ils mériteraient encore d’être considérés : car sous quelque rapport qu’on les envisage, ils sont utiles. (…) Tout lecteur doit de la reconnaissance à tout auteur. celui qui ne lit pas doit savoir encore que la langue, la société et les moeurs doivent infiniment à la classe des écrivains.

T.10 vol.2, p. 1009-1013. Chapitre DCXXII Femmes-auteurs

Dès que les femmes publient leurs ouvrages, elles ont d’abord contre elles la plus grande partie de leur sexe, et bientôt presque tous les hommes. (…) Une femme qui écrit doit faire exception, on en conviendra ; car les devoirs d’amante, d’épouse, de mère, de sœur, d’amie, souffrent toujours un peu de ces ingénieuses distractions de l’esprit, et l’homme tremble que les qualités du cœur ne viennent à se refroidir au milieu de l’enchantement de la renommée. (…)

Encore, si les femmes s’emparaient de la science ; mais non, elles prennent les légéretés, les finesses, le sentiment, les grâces originales de l’imagination, le peinture de nos défauts, et elles font tout cela sans études, sans collèges, et sans académie.

T.11 vol.2, p. 1260-1262. Chapitre CMXXXVIII Misère des auteurs

La plus déplorable des conditions, c’est de cultiver les lettres sans fortune, et voilà le partage du plus grand nombre des littérateurs ; ils sont presque tous aux prises avec l’infortune ; il en résulte un débat éternel entre la hauteur, la noblesse des idées, et les besoins impérieux et avilissants ; c’est un supplice journalier, un tourment insupportable ; il faut bientôt qu’il tue l’homme ou son génie. (…)  Ah ! loin de cette carrière, vous qui ne voulez pas connaître l’infortune et l’humiliation, ou arrangez vous pour ne pas vieillir, et mourez de bonne heure.

Comme les extraits précédemment proposés sur le blog, c’est la réédition dirigée par Jean-Claude Bonnet parue au Mercure de France en 1994 que j’ai utilisée. J’ai respecté les chapitres et leurs intitulés mais pas forcément le découpage des paragraphes, pour ne pas morceler à l’extrême ; toutes les coupes sont indiquées par (…).

Filed under du XVIIIe siècle

Dans l’arbre aux kakis,

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jardin du Luxembourg,

certains se régalent,

je vois bien leur manège en passant.

Des épreuves et de la couleur des oeillets d’Antoine Doinel

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Mardi 14 décembre à 14 heures j’ouvrais l’enveloppe juste arrivée contenant les épreuves de Montparnasse monde à relire et corriger. Mercredi 15 à 16 heures 30, c’était fait, et je descendais poster l’enveloppe, pour retour à Cognac. Jeudi 16 à 15 heures 49, message de Georges Monti qui a intégré les corrections et conclut : c’est parti pour l’imprimeur, les dès sont jetés, les portières sont fermées, le train roule…

J’aime bien les échanges, ultra-pointus, qu’on peut avoir avec un correcteur ou un éditeur dans ces moments-là, aussi bien sur la forme que sur le fond du texte, ou sur ce que la forme trahit du fond. Il y a ce  beau texte de François Bon, en 2006, sur les corrections de son Tumulte.

Chapitre 12 de Montparnasse monde version papier “Dans la gare des choses apparaissent” (les chapitres sont désignés par leurs incipits dans la table), quand j’évoque les oeillets teints par Antoine Doinel dans la cour de son Domicile conjugal, Georges Monti a entouré mon teints et écrit en marge teints ou peints ? je ne vois plus la scène ; ce à quoi je réponds, du tac au tac et formelle : teints puisqu’il verse une fiole de colorant dans le seau d’oeillets – moi je la visualise très bien cette scène.

Après coup, épreuves postées, je me dis, en pensant à Antoine Doinel, que j’aurais pu joindre au livre un index des personnes citées, éclectique pour un roman de gare (petit plaisir du clin d’oeil sur la page de titre puisqu’il faut toujours des étiquettes pour aider à ranger les choses inclassables). Du coup je reviens à une copie du jeu d’épreuves gardée, la parcourt et passe un coup de fluo jaune sur les noms de personnes citées en me disant que ça servira plus tard, ailleurs ; sur le site je commence à préparer la rubrique d’accompagnement du livre.

Donc dans la gare et ses extensions plus ou moins naturelles, on croise, par ordre d’entrées en pages et pour m’en tenir aux gens connus par d’autres que par moi seule sans pour autant retenir les personnalités ayant laissé leurs noms à des voies (!) ou des édifices du quartier  : Gérard de Nerval, Victor Vasarely, Georges Pompidou, le père Noël, Marcel Proust, Harold Lloyd, Gargantua et Gargamelle, Francis Poulenc, Polichinelle, Antoine Doinel, Orphée et Euridyce, Nanni Moretti, Augustine Aguilard, Pellerin, Tippi Hedren, Javier Marias, William Shakespeare, Pierre Strobel, Fulgence Bienvenüe, Jean-Paul Belmondo, Peter Handke, Paul Gauguin, André Breton, Les Beatles, Marc Jolivet, Monsieur de Pourceaugnac, Pierre Bergounioux, Bécassine, Marcel Proust encore (mais cette fois avec sa grand-mère), Crésus, Dominique Cabrera, Christophe Tarkos et Jules Hardouin Mansard.

J’ai fait cela très vite, le train était parti, toutes mes excuses pour les oublis.

Filed under Montparnasse monde

Etats de service

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L’employée aux écritures qui dans sa vie réelle vient de franchir aussi allègrement que ses vieux os friables le lui permettent le cap des 55 ans a, en conséquence, illico reçu de la Direction Générale des Finances Publiques, Services des Retraites de l’Etat, un récapitulatif de sa longue mais assez impressionniste carrière. Dans une enveloppe bleu azur, d’abord prise pour une pub essayant de se faire passer pour un document officiel, comme font parfois les officines de VPC et les loteries.

L’enveloppe ouverte et son contenu authentifié, tout y était, depuis mon premier mois de travail d’été, pile 16 ans et encore lycéenne. Sans une lacune, la suite continue de mes jobs sous des statuts plus improbables les uns que les autres, parfois se chevauchant, un tiers temps par ci, des vacations par là et encore des vacations ou des cours par ci, dans des bibliothèques puis dans des institutions de recherche ou d’enseignement supérieur avec détour par quelques emplois dans le privé, avant mon recrutement au CNRS de 1995.

Donc entre 1972 et 1995, j’ai été successivement employée par la Bibliothèque La joie par les livres (agent saisonnier) la Bibliothèque Sainte-Geneviève (déléguée dans les fonctions), la Bibliothèque nationale (collaboratrice occasionnelle à mi-temps), le CNRS (vacataire), l’université François Rabelais de Tours (vacataire), l’Ecole des hautes études en sciences sociales (vacataire), l’Ecole normale supérieure de Fontenay/Saint-Cloud (vacataire), l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne (vacataire), l’Institut nationale de recherche pédagogique (maîtresse auxiliaire), les éditions du Cerf (rédactrice), Malesherbes publications (documentaliste à mi-temps), la Compagnie générale des eaux (rédactrice à mi-temps), le Collège de France (vacataire), l’Institut catholique (chargée de cours) puis enfin le CNRS, à temps plein, ingénieure de recherche.

Dans cette liste d’employeurs il y en a que j’avais complètement oubliés. Et compter, tous ces emplois mis bout à bout, déjà 38 ans de travail salarié derrière moi (mais je ne les fais pas).

Filed under la vie tout venant

Montparnasse Monde 53

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L’appartement témoin de la gare est toujours à louer, cela doit bien faire maintenant deux ans. Je ne vérifie pas (j’ai la flemme mais je sais bien que c’est écrit) dans mon carnet noir à quelle date au juste j’ai vu apparaître l’affiche A LOUER 90 m2 sur la rambarde du balcon du quatrième étage de l’immeuble situé à l’angle de la rue de l’Arrivée et de l’avenue du Maine. Etage élevé, vue imprenable sur le Montparnasse monde. Je m’étonne qu’une si belle opportunité ne trouve pas preneur, même si je sais bien : la crise, la flambée de l’immobilier qui engendre l’immobilisme, vous et moi chassés du coeur de Paris. J’entends cela à la radio. Il me semble néanmoins que si l’agence en charge de la location de ce bien songeait à m’en confier la négociation, l’affaire se réglerait dans les meilleurs délais. Je ne manque pas d’arguments pour vanter les charmes du quartier, la proximité des commodités aussi bien que les beaux volumes, les parquets, les cheminées c’est si réconfortant l’hiver, la hauteur sous plafond et les doubles vitrages. Oui, bien sûr, à toutes les fenêtres vous avez des doubles vitrages.

Souvenir de gare. Ce couple non-cohabitant qui s’est tellement aimé dans l’omnibus Sèvres Rive Gauche, gare de Clamart 8h50 en direction de Paris puis aux places arrières, dites «en rotonde» du bus (double et articulé) 95, de Montparnasse à Palais-Royal, dans les années 1990.  Vraisemblablement des collègues de travail – ils quittent bras dessus bras dessous le 95 au même arrêt. Lui habite Sèvres R.G. ou Bellevue ou Meudon : il est déjà dans le train et elle le rejoint, toujours dans le deuxième wagon de tête, un peu moins chargé que le premier ; ils y sont plus à leur aise. Impatient, il attend sa belle à la porte, sourire aux oreilles et aux anges, en équilibre sur le marchepied, gênant les rares voyageurs qui souhaitent descendre et ceux, beaucoup plus nombreux, prêts à s’y engouffrer têtes baissées, indifférents aux émois voisins. Il tend la main à son élue, la soulève, l’enlève au quai chaque matin, rejouant sa scène de comédie américaine grande époque au nez et à la barbe d’un public captif, dépourvu de l’enthousiasme des deux héros et qui n’embarque pas, lui, pour Cythère.

Je profite de cette chronique 53 pour annoncer la parution en janvier 2011 du livre Montparnasse monde aux éditions Le temps qu’il fait. Texte qui trouve son origine dans ce qui a d’abord été le feuilleton du blog, puis un livre numérique aux éditions publie.net, enfin réécrit dans une version longue et affranchie des images (même si on en garde 5, en noir et blanc). J’en reparlerai bientôt mais déjà un grand merci à celles et ceux qui m’ont accompagnée jusque là dans cette aventure d’écriture. Sur le blog, les chroniques continuent, sans périodicité établie.

Filed under Montparnasse monde

“Couteaux tirés” aux Passagers de la nuit

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Heureuse de voir programmer mardi 30 novembre par Thomas Baumgartner dans ses Passagers de la nuit, entre 23h et 23h30 (mais plutôt à la fin) mon texte Couteaux tirés, bien enrichi par la réalisation de Somany Na et l’interpétation de Tamar Baruch.

Une seule comédienne parce que contrairement aux dialogues Couture à domicile (une couture dont on pourrait bien reparler, après retouches, l’année prochaine…) et Non mais, t’as vu le tableau ? écrits déjà pour la même émission, cette fois il s’agit d’un monologue, mais mis en situation sonore. Nouveau format, adapté au nouveau format resserré de l’émission. (Mais attention quatre fois par an elle dure toute la nuit).

Quant à l’histoire, disons que, comme vous l’entendrez vous-même, la scène se passe dans une gare (mais pas celle que vous croyez) et que la voyageuse un peu énervée heureusement qu’elle prend le train et pas l’avion : avec trois couteaux dans son sac elle aurait des ennuis. Pas des couteaux de cuisine, des couteaux de spectacle, de ceux qu’elle a vus sans broncher pendant quinze ans visés sur elle par Monsieur, tous les soirs de la semaine et en matinée le dimanche. Quinze ans de couteaux, c’est long, surtout quand le partenaire vieillit mal et se permet des réflexions déplacées comme hier soir. Alors le premier train sera le bon et la remplaçante on lui souhaite bien du plaisir…

(Je ne trouve rien d’autre pour illustrer mon billet que ce coffret un peu ancien de couteaux de table)

Filed under à chaud

Montparnasse Monde 52

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Nous y revoilà, c’est la saison : les vents mauvais de novembre ont soufflé et, l’arbre* du Montparnasse monde  défeuillé, les chambres des appartements des premier, deuxième, troisième et quatrième étages de l’escalier C ont recouvré le jour. On s’aperçoit d’ailleurs à cette occasion que ces fenêtres-là sont moins souvent habillées de voilages plein jour que celles donnant directement sur les voies 365 (ou 366) jours sur 365 (ou 366). La plupart sont nues. Plusieurs mois par an, la nécessaire intimité de ces chambres est naturellement préservée par le feuillage de l’arbre et l’investissement rideaux se justifie moins ; à la mauvaise saison les volets se ferment tôt. Eté comme hiver, ce qui se passe à l’intérieur ne nous regarde pas, nous qui passons en trains. De novembre à avril, les habitants des escaliers A, B et C logent tous à la même enseigne ; plus aucun d’entre eux ne se berce d’illusion champêtre, le nez dans les frondaisons. Le paysage est de fer, uniformément. Les divergences de points de vues entre locataires s’estompent.

Sept minutes de train de banlieue et, judicieusement placée à proximité d’une conversation, j’emporte un grand pan de vie. Ainsi l’autre soir, au départ de Paris, un rang devant moi, voyageaient un couple, sans bagages, et une dame seule, avec valise, juste arrivée de Guingamp ; de ces seniors alertes et assez à l’aise financièrement pour tirer avantage d’une heureuse conjoncture – temporaire – des régimes de retraites. La dame seule arrivait en villégiature chez des banlieusards venus l’attendre à la descente du TGV, et bien aux petits soins pour elle. J’ai tendu l’oreille dès lors que je l’ai entendue dire à son amie – dont l’époux assis de l’autre côté de l’allée centrale interférait peu dans la conversation : Et puis, tricoter, pour quoi, pour qui ? Leur faire des pulls, est-ce qu’ils les mettraient seulement ? J’ai bien un canevas à finir, mais j’ai plus les yeux ni l’envie. Et comme une pelote, ses dires ont déroulé le dégoût de toutes choses et l’amertume d’une solitude récente. Rien ne trouvait grâce. Et l’invitation qui lui était faite, et ce séjour qui commençait dans l’omnibus Sèvres Rive Gauche, entourée d’affection visible pourtant, ne se réduisait pour l’heure qu’à l’effort surhumain d’avoir quitté Guingamp.

*Voir Montparnasse Monde 50

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